Israël a été largement condamné pour la double frappe de lundi sur l’hôpital Nasser dans le sud de Gaza

Cinq journalistes ont été tués lundi, dans une double frappe sur l’hôpital Nasser dans le sud de Gaza.
Israël a frappé un bâtiment de l’hôpital, tuant le journaliste de Reuters Hussam al-Masri et d’autres. Puis, lorsque des journalistes et des secouristes sont accourus pour aider leurs collègues, une deuxième bombe a frappé le même lieu 15 minutes plus tard.
Les cinq journalistes rejoignent désormais leurs plus de 247 collègues palestiniens tués à Gaza au cours des 22 mois écoulés, selon les statistiques de l’ONU.
C’est le plus mortel conflit enregistré pour des journalistes, qui a tué plus de journalistes que les guerres mondiales, la guerre du Vietnam, la guerre de Yougoslavie et la guerre des États Unis en Afghanistan combinées.
La frappe sur l’hôpital Nasser, qui a été filmée en direct, a montré des infirmiers et des journalistes non armés levant les mains pour se protéger, quelques instants avant d’être tués.
Les images de leur mort ont provoqué l’indignation dans le monde alors qu’ils accomplissaient leur travail
Voici leur présentation :
Moaz Abu Taha était un vidéo-journaliste de 27 ans dont le travail avait été publié par Reuters, entre autres organes de presse.
Le journalisme n’était pas son métier d’origine, mais il s’est senti obligé de filmer pendant la guerre de Gaza et s’est rapidement découvert une passion pour la photo et le vidéo-journalisme. Il n’avait pas les moyens de s’acheter une caméra, aussi se servait-il de son téléphone pour filmer et photographier.
Au cours des cinq derniers mois, alors que la crise humanitaire s’aggravait à Gaza et que la faim commençait à s’étendre dans toute la bande de Gaza, sa famille a dit qu’Abu Taha avait commencé à travailler en tant qu’humanitaire. Il se centrait sur des cas particuliers, avec ses reportages vidéo, en envoyant des appels d’urgence pour des enfants malades et pour les blessés qui avaient besoin d’être pris en charge.
Il préparait ses fiançailles lorsqu’il a été tué.
“Moaz était le plus jeune de notre famille, l’enfant gâté. Il aimait profondément son travail, bien que ce ne fut pas son métier d’origine. Il était très sociable et aimait se faire partout de nouveaux amis » a dit Adly Abu Taha, le frère aîné de Moaz.
Hussam al-Masri était un cameraman âgé de 48 ans qui travaillait pour Reuters ; il avait deux garçons et deux filles.
Al-Masri a commencé sa carrière dans son jeune âge en aidant son père, qui était journaliste, à installer sa caméra.
« Il a eu sa première caméra en 1993 et à partir de ce moment-là, jusqu’à présent, pendant près de 32 ans, il n’a pas passé un jour sans sa caméra » a dit Ezz al-Din al-Masri, le père d’Hussam.
Il était connu pour son courage sur le terrain et pour son engagement à transmettre des récits. Son père a rappelé comment il a été le dernier journaliste à rester dans l’hôpital Nasser pendant la première invasion d’Israël à Khan Younis, dans le sud de Gaza.
« À mon grand étonnement, il m’a appelé, disant qu’il continuait à diffuser de l’intérieur de l’hôpital tandis que l’armée les encerclait. Je me suis disputé avec lui en lui demandant de quitter immédiatement l’hôpital » a dit Ezz al-Din.
Al-Masri a continué à couvrir la guerre, en dépit de la détérioration de la santé de sa femme qui luttait pour obtenir un traitement de son cancer. Dans les jours qui ont précédé sa mort, il avait cherché à la faire évacuer de Gaza. Ses amis et collègues journalistes ont maintenu son appel en réclamant son évacuation médicale.
“Hussam, bien qu’il approchât des 49 ans, conservait en permanence l’esprit d’un enfant et d’un innocent au cœur tendre. Je n’ai jamais eu l’impression qu’il pouvait vieillir ou devenir une personne âgée. Je l’ai toujours traité comme mon petit garçon espiègle » a dit Ezz al-Din.
« Mais maintenant qu’il est mort, j’ai été frappé par le fait qu’il a vieilli sans que je ne l’aie réalisé ».
Ahmed Abu Aziz était un journaliste free-lance de 29 ans, qui travaillait pour divers médias tels Middle East Eye et Quds Feed.
Ses collègues de Middle East Eye le présentaient comme « le journaliste qui n’arrête jamais » et il était connu pour sa bravoure. Il se déplaçait dans la bande de Gaza à la recherche de reportages, malgré le danger que cela représentait. Il s’était établi dans l’hôpital Nasser où il couvrait l’impact des attaques israéliennes sur les gens de tout Gaza.
Abu Aziz avait une conscience aiguë du danger dans lequel le plaçait sa qualité de journaliste à Gaza. Il a perdu deux collègues qui lui étaient chers au début de la guerre ; rentrant chez lui en voiture, il ressentait à quel point sa propre sécurité était fragile. En écrivant une chronique à la première personne l’an dernier pour Middle East Eye, il a dit que son travail le rendait souvent solitaire mais qu’il persisterait.
« J’avais le sentiment d’être tout seul, le seul être vivant sur terre alors que tant de mes collègues étaient tués », a noté Abu Aziz.
Abu Aziz s’est marié en juillet 2024. Son épouse, Lurzan Abu Aziz, qui a trouvé son corps après la frappe, a témoigné sur le soutien et l’encouragement qu’il lui prodiguait pour qu’elle poursuive ses études. Elle préparait un doctorat en droit et lui un doctorat en communication.
« Il rêvait que nous obtenions nos doctorats ensemble. Il insistait toujours pour que je soutienne ma thèse quoi qu’il arrive et il m’encourageait tout le temps. Nous devions soutenir nos thèses ensemble cette année, mais il est parti et je suis seule, souffrant de l’avoir perdu » a dit Lurzan âgée de 28 ans.
Mohammad Salama était un photojournaliste et caméraman de 24 ans qui travaillait chez Al Jazeera.
Il a grandi sur la bordure Est de Khan Younis et dès son jeune âge il a su qu’il voulait être photojournaliste, ayant obtenu un diplôme en photographie qui faisait de l’ombre à des journalistes plus établis. Il a rejoint Al Jazeera en février 2024.
Selon la station d’information, il était connu pour son professionnalisme, son implication, son sourire joyeux et son esprit jovial.
Lors de son anniversaire, en novembre, Salama s’est fiancé avec sa collègue journaliste Hala Asfour. Lui et Asfour étaient enthousiastes pour choisir le jour de leur mariage, prévu après la fin du génocide à Gaza.
C’est le dixième journaliste d’Al Jazeera tué dans la guerre de Gaza.
Mariam Abu Dagga était une photojournaliste de 33 ans, mère d’un garçon de 13 ans, Ghaith. Elle avait étudié le journalisme à l’université et a commencé à travailler en 2015, en couvrant des événements majeurs à Gaza, tels la « grande marche du retour » de 2018.
Pendant la guerre de Gaza, elle a commencé à travailler pour Associated Press et Independent Arabia, couvrant en priorité des questions humanitaires.
Ses photos ont mis en relief la souffrance humaine à Gaza, grâce à des photos représentant des enfants affamés et des gens pleurant leurs êtres chers après des frappes israéliennes. Son dernier reportage pour l’agence AP traitait de la détresse des enfants mal nourris à l’hôpital Nasser où elle a été tuée lundi.
Des collègues journalistes ont dit que Dagga était toujours prête à travailler, même dans des zones dangereuses de Gaza, pour faire sortir les nouvelles dans le monde. Ses amis et sa famille ont dit qu’elle était extraordinairement bienveillante et qu’elle inspirait ceux qui étaient autour d’elle.
« Mariam aimait son travail, elle en était passionnée, très prompte à couvrir les événements et ne cessant jamais de tout documenter. Elle était très douce et se souciait profondément de sa famille. Elle aimait tout le monde et chaque chose » a dit Siddi Abu Dagga, le frère de Mariam.
En dehors du travail, Dagga était une mère dévouée, qui parlait chaque jour à son fils Ghaith. Elle lui a laissé une lettre, dans laquelle elle lui dit combien elle était fière.
« Tu es mon amour, mon cœur, mon soutien, mon âme et mon fils dont je suis toujours fière » a écrit Dagga dans une lettre à Ghaith avant d’être tuée.