Israël a bombardé l’hôpital de Gaza une deuxième fois, tuant les sauveteurs, disent des responsables de la santé

Au moins 20 personnes, dont cinq journalistes, sont mortes en se précipitant pour aider les personnes blessées lors de la première frappe

Israël a bombardé lundi l’hôpital principal du sud de Gaza et a ensuite frappé à nouveau le même endroit alors que des sauveteurs et des journalistes s’y précipitaient pour aider les blessés, tuant au moins 20 personnes dont 5 journalistes, ont déclaré des responsables de la santé.

La première frappe a touché l’étage le plus élevé d’un bâtiment de l’hôpital Nasser, tuant le journaliste de Reuters Hussam al-Masri et d’autres. Journalistes et sauveteurs se sont alors précipités vers la scène pour aider les blessés, quand une deuxième bombe a frappé le même endroit, 15 minutes plus tard.

Une vidéo en direct de AlGhad TV a capturé les instants où ils ont été tués, montrant des travailleurs de la défense civile avec des vestes orange vif et des journalistes levant les mains pour se protéger, quelques secondes avant que la deuxième bombe ne les tue. Une deuxième vidéo montrait les conséquences des bombardements, les corps des premiers intervenants et des journalistes gisant les uns sur les autres, ensanglantés et couverts de poussière.

Cette frappe « double » et l’assassinat de journalistes ont déclenché une vague de condamnations internationales, y compris de la part du Secrétaire britannique des Affaires étrangères, David Lammy. « Horrifié par l’attaque d’Israël sur l’hôpital Nasser. Les civils, les travailleurs de santé et les journalistes doivent être protégés. Nous avons besoin d’un cessez-le-feu immédiat », a écrit Lammy sur X.

Le président des États-Unis, Donald Trump, a dit à des reporters : « Je ne suis pas content » quand on l’a questionné sur l’attaque, tandis que le président français, Emmanuel Macron, l’a décrite comme « intolérable ».

Parallèlement, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a dit qu’Israël regrettait profondément ce qu’il a décrit comme un « tragique incident » à l’hôpital Nasser.

Israël a frappé régulièrement des hôpitaux, affirmant sans preuve que le Hamas les utilise à des fins militaires. Il a aussi régulièrement tué des journalistes à Gaza, se justifiant à plusieurs occasions en disant que ces journalistes étaient associés avec le Hamas — des allégations que les organisations de journalistes ont décrites comme sans fondement.

Les frappes de lundi ont tué le journaliste de Reuters Hussam al-Masri ; Mariam Abu Dagga, qui travaillait pour The Associated Press ; le journaliste d’Al Jazeera Mohammed Salam ; le photojournaliste Moaz Abu Taha, et Ahmad Abu Aziz de Quds Feed. Un autre journaliste de Reuters, Hatem Khaled, a été blessé dans l’attaque.

Au moins 193 journalistes palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre 2023, selon le Comité de protection des journalistes (CPJ), davantage que le nombre de ceux tués dans le monde entier au cours des trois dernières années.

Le CPJ a condamné la frappe israélienne et a appelé la communauté internationale à agir. « L’assassinat de journalistes par Israël, diffusé sur les médias, se poursuit pendant que le monde regarde et n’agit pas avec fermeté face aux attaques les plus horribles de l’histoire récente auxquelles la presse a été confrontée », a dit sa directrice régionale Sara Qudah. « Ces assassinats illégaux doivent cesser immédiatement. Les coupables ne doivent plus être autorisés à agir impunément. »

The Associated Press a dit être choquée et attristée d’apprendre la mort de Dagga, ainsi que les morts d’autres journalistes tués auprès d’elle. « Nous faisons tout ce que nous pouvons pour assurer la sécurité de nos journalistes à Gaza, alors qu’ils continuent à fournir des reportages en direct cruciaux dans des conditions difficiles et dangereuses « , a dit l’agence.

L’agence Reuters a dit être dévastée par les nouvelles de la mort de Masri et des blessures de Khaled. « Nous cherchons en urgence des informations supplémentaires et nous avons demandé aux autorités de Gaza et d’Israël de nous aider à obtenir une assistance médicale urgente pour Hatem », a dit un porte-parole.

Un porte-parole de l’armée israélienne a dit que le chef d’État-major avait ordonné une enquête préliminaire sur l’attaque et qu’Israël « exprimait ses regrets pour les blessures du personnel non impliqué ». Israël « ne cible pas les journalistes en tant que tels », ont-ils déclaré.

Les enquêtes israéliennes sur les manquements de l’armée garantissent rarement que des comptes soient rendus. Un rapport publié ce mois-ci a montré que 88% des investigations sur des allégations de crimes de guerre à Gaza ont été closes ou laissées irrésolues. L’investigation d’Israël sur l’assassinat de la journaliste palestino-américaine d’Al Jazeera Shireen Abu Akleh par un sniper israélien en 2022 n’a jamais été achevée.

Dagga, 33 ans, faisait des reportages freelance pour l’ AP depuis le début de la guerre à Gaza, ainsi que pour d’autres médias comme Independent Arabia. Elle a fait un reportage sur les médecins de l’hôpital Nasser qui luttent pour sauver des enfants sans problèmes de santé antérieurs mais dépérissant de faim.

Independent Arabia a dit que Dagga était « l’exemple du dévouement et de l’engagement professionnel » et qu’elle avait porté « sa caméra au coeur de la guerre, sur le terrain, transmettant la souffrance des civils et les voix des victimes avec une honnêteté et un courage rares ».

Dagga avait interdit qu’on pleure à ses funérailles, a dit une collègue et amie. « Mariam nous a laissé l’instruction de ne pas pleurer quand nous lui dirons adieu. Elle voulait que nous passions du temps avec son corps, que nous lui parlions et que nous profitions pleinement d’elle avant son départ », a dit Samaheer Farhan, une journaliste freelance de 21 ans, amie de Dagga.

Dagga, comme d’autres journalistes de Gaza, avait écrit un testament au cas où elle serait tuée pendant un reportage. Elle laisse derrière elle une lettre pour son fils de 13 ans, Ghaith, lui disant : « Rends moi fière … réussis et excelle ».

Abu Aziz était basé à l’hôpital Nasser, où il a couvert l’impact des attaques d’Israël dans tout Gaza. Il avait perdu plusieurs collègues pendant la guerre, ainsi que sa propre maison, qui a été rasée lors d’une frappe. « J’avais l’impression d’être tout seul, le dernier laissé sur le terrain après que tant de mes collègues ont été tués », a écrit Abu Aziz dans un article de Middle East Eye sur son expérience de journaliste à Gaza, il y a un an.

Al Jazeera a confirmé que Salam faisait partie de ceux tués dans la frappe sur l’hôpital Nasser. Reuters a rapporté que Masri, un cameraman sous contrat, a aussi été tué. Khaled, un photographe qui était aussi sous contrat avec Reuters, a été blessé, a rapporté l’agence d’informations.

Israël a empêché les médias internationaux de couvrir le conflit de 22 mois, une interdiction sans précédent dans l’histoire du reportage de guerre. Les journalistes palestiniens de Gaza qui travaillent avec des médias internationaux exercent leurs fonctions tout en étant confrontés à la famine et au risque de mort.

Le ministère palestinien de la Santé a dit que les frappes de lundi sur l’hôpital Nasser avaient interrompu la chirurgie en salle d’opérations. Il a condamné l’attaque dont il a dit qu’elle faisait partie d’une « destruction systématique du système de santé ». L’hôpital est le seul hôpital public en fonction restant dans le sud de Gaza.

Des responsables de la santé ont aussi rapporté des tirs tuant des gens cherchant de l’aide au centre de Gaza et des frappes aériennes sur la ville de Gaza.

Au moins six personnes ont été tuées et 15 blessées en essayant d’atteindre un site de distribution de nourriture au centre de Gaza, organisé par la « Fondation humanitaire de Gaza » (GHF), fondation privée soutenue par les États-Unis. Les tirs de soldats israéliens près des sites de la GHF se produisent quasi quotidiennement, bien que l’armée israélienne et la GHF nient qu’elles ciblent les personnes venant chercher de la nourriture.

Une frappe sur un quartier résidentiel de la ville de Gaza a tué au moins trois personnes, dont un enfant. Israël prépare une invasion de la ville dans les prochains jours, dont il dit qu’il l’occupera et en prendra le contrôle.

Des groupes d’aide humanitaire ont dit que l’opération conduirait à un déplacement et à un désastre humanitaire à Gaza, qui est déjà dans les affres de la famine.

Au moins 62686 Palestiniens ont été tués depuis le début de la guerre à Gaza il y a 22 mois. Israël a lancé son attaque après l’attaque du 7 octobre 2023 contre Israël par des militants dirigés par le Hamas au cours de laquelle environ 1200 personnes ont été tuées et 250 prises en otage.

Reportage supplémentaire de Michael Savage