La querelle Hamas-Fatah paralyse l’enseignement supérieur à Gaza

Ahmad Abu Hasira a renoncé à rejoindre ses deux frère et sœur à l’université Al-Aqsa de Gaza, l’un des plus grands établissements palestiniens d’enseignement supérieur public. Abu Hasira, 18 ans,….

Ahmad Abu Hasira a renoncé à rejoindre ses deux frère et sœur à l’université Al-Aqsa de Gaza, l’un des plus grands établissements palestiniens d’enseignement supérieur public.

Abu Hasira, 18 ans, s’apprêtait à s’inscrire à l’école de journalisme de l’université, mais une crise persistante qui a vu l’accréditation d’Al-Aqsa menacée par le ministère de l’Education à Ramallah l’en a découragé. Il ne voulait pas, a-t-il dit à l’Electronic Intifada, que ses études soient interrompues par la politique. Et il n’est pas le seul.

« Il n’y a pas que moi à avoir éliminé ce choix. Beaucoup de mes amis sont allés s’inscrire à Al-Azhar ou à l’Université Islamique de Gaza. »

Comme son frère et sa sœur aînés, qui n’ont pas encore leur diplôme, Abu Hasira avait eu très envie depuis le lycée de s’inscrire à Al-Aqsa. L’université est réputée pour son maintien d’un environnement pédagogique favorable et de droits d’inscription relativement bas. C’est le meilleur choix pour ceux qui veulent poursuivre des études supérieures, mais n’ont pas les moyens d’étudier dans le privé.

Al-Aqsa offre également une grande quantité de bourses, ce qui la rend encore plus attrayante pour les futurs étudiants de la Bande de Gaza appauvrie.

Querelle politique

Cependant, l’université et ses plus de 26.000 étudiants se sont retrouvés embarqués dans la querelle politique entre l’Autorité Palestinienne dirigée par le Fatah en Cisjordanie et le Hamas, qui gouverne Gaza.

Les problèmes se sont récemment envenimés l’année dernière avec la démission du président de l’université, Ali Abu Zuhri, qui n’était là que depuis quatre mois après sa récente nomination à ce poste.

Selon le Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme, Abu Zurhi se plaignait de ne pouvoir remplir sa mission à cause des obstacles présentés par les gouvernements de Cisjordanie et de Gaza, surtout en ce qui concerne le déblocage des financements.

Sa démission a déclenché un conflit entre le ministère de l’Education installé à Ramallah, Cisjordanie, et son homologue à Gaza. Ramallah voulait nommer Abdul Salam Abu Zayda, qui avait été précédemment choisi pour ce poste. Gaza souhaitait nommer Mohammed Radwan, déclarant qu’il était l’adjoint le plus ancien de l’université.

Radwan prit ses fonctions et engagea de nouveaux professeurs, déclanchant le courroux de Ramallah, selon le Centre Palestinien pour les Droits de l’Homme.

L’automne dernier, plusieurs employés ont vu leur salaire gelé après que le ministère de Ramallah ait imposé des sanctions financières à l’université. Peu après, Ramallah a exempté les étudiants d’Al-Aqsa du paiement de leurs droits, mais le ministère de Gaza a refusé de s’y soumettre et a continué à percevoir les droits d’inscription.

Deux professeurs affiliés au Hamas ont vu leurs salaires saisis, et des employés accusés de connexion avec le Fatah on été menacés de transfert dans d’autres institutions.

Le conflit a atteint son sommet en août, peu avant le début de la nouvelle année universitaire, quand le gouvernement de Ramallah a appelé les étudiants à ne pas s’inscrire à Al-Aqsa parce que leurs diplômes pourraient ne pas être accrédités.

Cette situation a effrayé étudiants et professeurs.

Lourd tribut

Zuhair Abu Abed, très ancien professeur au département Média de l’université Al-Aqsa, a dit à l’Electronic Intifada que l’université avait payé un lourd tribut à cause des divisions palestiniennes.

« Toutes ces décisions sont guidées par des intérêts politiques, pas par l’envie de faire progresser l’université ou de contribuer positivement à l’avenir des étudiants », a dit Abu Abed.

Il a dit que le dernier round de chamailleries avait fait un tort considérable aux inscriptions à l’université. 33 étudiants seulement se sont inscrits avant la rentrée universitaire, a-t-il noté, chiffre indiqué comme « des dizaines » dans les médias locaux. Le nombre annuel moyen ces quelques dernières années était de 5.000.

Mohammad Radwan, nommé par le gouvernement de Gaza à la présidence de l’université, a critiqué la décision de Gaza de supprimer les frais d’inscription.

« S’ils veulent un enseignement gratuit à l’université, ils doivent compenser ce qui sera perdu pour faire face aux dépenses opérationnelles et administratives », a dit Radwan à l’Electronic Intifada. L’université n’a rien reçu pour ses frais de fonctionnement depuis septembre 2015.

« Par ailleurs, une politique de ce genre devrait être généralisée et devenir effective dans tous les autres établissements en même temps, à moins d’être prévue pour saboter un seul établissement. »

Des problèmes ont aussi surgi pour l’embauche de personnels, enseignants ou non.

C’est le ministère de Gaza qui fait les entretiens d’embauche et la sélection des candidats, mais c’est le ministère de Ramallah qui verse les salaires. Pourtant, ceci a changé au cours de l’année dernière quand Ramallah a refusé de reconnaître et de payer les nouvelles recrues.

« Nous avons envoyé quantité de requêtes au ministère de Ramallah, lui demandant d’installer un processus de recrutement pour faire face aux besoins de l’université en employés et professeurs, mais ils n’ont jamais réagi », a dit Radwan.

Il a dit que le ministère de l’Education de Gaza était alors intervenu pour faire les entretiens et l’embauche des candidats nécessaires.

Pourtant, l’adjoint au ministre de l’Education de Ramallah, Anwar Zakaria, a dit que son ministre ne reconnaîtrait pas les nouveaux embauchés et a demandé à l’université de les laisser partir.

« Ils nous ont privés de notre responsabilité d’embaucher, ils ne peuvent pas ensuite nous demander de payer les salaires », a fait remarquer Zakaria.

Quand on lui a demandé pourquoi son ministre n’avait pas réagi positivement quand l’université avait demandé des nouvelles, Zakaria a dit que son ministre était prêt à le faire, mais seulement une fois que les embauchés non autorisés seraient renvoyés.

Le ministère de Ramallah n’a pas voulu faire de plus amples commentaires malgré des tentatives répétées.

Une atmosphère empoisonnée

Anwar al-Birawi, sous-directeur adjoint au ministère de l’Education de Gaza, a dit que les décisions de Ramallah étaient guidées par des intérêts politiques.

« Nos étudiants ne devraient jamais se laisser intimider par la dernière décision de Ramallah. Le processus d’enseignement à l’intérieur de l’université se déroule sans accrocs et et sans infractions qui permettent de justifier le retrait de l’accréditation », a dit ce responsable à l’Electronic Intifada.

Mais dans une atmosphère aussi empoisonnée, les étudiants souffrent.

Amal Isleem, 21 ns, qui étudie les sciences de l’éducation à Al-Aqsa, a dit qu’elle craignait qu’il ne lui faille maintenant beaucoup plus de temps pour terminer sa dernière année.

« Je veux obtenir mon diplôme et partir. Ce serait une catastrophe si j’obtenais mon diplôme après tout ce travail et qu’il soit déclaré non valide. »

Comme ses camarades, Isleem veut terminer ses études et commencer à travailler. Et elle est frustrée.

« Nous payons un lourd tribut pour leurs désaccords sans fin. Il faut qu’ils nous tiennent en dehors de leurs différends. Notre avenir ne doit pas devenir le jouet de politiciens irresponsables. »