Une critique du livre « Un État de terreur : comment le terrorisme a créé l’Israël moderne », de Thomas Suárez. Publié ce jour au Royaume-Uni, disponible en pré-commande aux….
Une critique du livre « Un État de terreur : comment le terrorisme a créé l’Israël moderne », de Thomas Suárez. Publié ce jour au Royaume-Uni, disponible en pré-commande aux USA.
Pour introduire le thème de ce livre, je ne peux pas mieux faire que de citer son approbation par le professeur Ilan Pappé :
« Un tour de force, basé sur une recherche archivistique appliquée qui examine hardiment l’impact du sionisme sur la Palestine et son peuple dans la première partie du XXe siècle. Le livre est la première analyse complète et structurée de la violence et de la terreur dont se servit le mouvement sioniste, et par la suite, l’État d’Israël, contre le peuple de Palestine. »
Merci au professeur Pappé et aux autres « nouveaux » historiens israéliens qui travaillent à partir des archives du gouvernement israélien, nous avons désormais une bonne compréhension de l’ampleur de la catastrophe qui frappe le peuple palestinien dans la période 1947-1949 alors que les forces sionistes investissent la Palestine, soit en en chassant la population non juive, soit, si celle-ci avait fui, en s’emparant de leurs biens et détruisant les villages devenus vides.
L’histoire moins connue de la période qui précède, de la Déclaration Balfour de 1917 en passant par le Mandat britannique de 1922-1948, est maintenant bien documentée dans ce nouveau livre par Thomas Suárez, travaillant pour une grande part à partir des archives du gouvernement britannique. Il poursuit l’histoire jusqu’à la fin de la guerre de 1956 avec laquelle Israël, la Grande-Bretagne et la France agressent l’Égypte.
Le livre représente une œuvre considérable d’érudition historique de plus de 400 pages, incluant 680 notes de bas de page, avec pour certaines de longs paragraphes citant plusieurs sources. Il comporte aussi un index très complet, et quelques photographies contemporaines. Certaines cartes du territoire auraient pu aider le lecteur à suivre l’histoire.
L’histoire qu’il relate est celle d’une élite sioniste déterminée depuis le début à transformer la Palestine en un État juif, dans lequel la population locale non juive sera soit soumise soit expulsée. Les sionistes sont alors tout à fait prêts à utiliser la violence et le terrorisme pour parvenir à cet objectif, et le livre retrace en détail l’histoire malheureuse qui en résulte, dans la mesure où, par endroits, il se lit comme un catalogue des attaques terroristes sionistes. La politique sioniste ressort clairement dans cette citation de Menachem Begin, qui deviendra Premier Ministre d’Israël (de 1977 à 1983, et Prix Nobel de la Paix en 1978 – ndp), et qui apparaît au début de l’introduction du livre :
« Nous avons l’intention d’attaquer, de conquérir et de tenir jusqu’à ce que nous ayons toute la Palestine et la Transjordanie dans un Grand État juif ».
L’auteur ne nie pas, ni ne tolère, l’existence du terrorisme arabe palestinien, mais il montre comment il s’agit alors (et reste encore aujourd’hui) d’ « une réaction à l’assujettissement ethnique sioniste et à l’expropriation de leurs terres, de leurs ressources et de leur travail, après qu’une résistance non violente s’est avérée vaine ». Alors que les terroristes palestiniens sont des groupes épars de guérilleros opérant dans les districts du pays, les terroristes sionistes sont organisés en milices opérant depuis l’intérieur des centres urbains et sous la protection de ces communautés.
Comme le terrorisme palestinien se réduit après la brutale répression des manifestations arabes en 1936, la terreur sioniste monte en flèche, particulièrement après le Livre blanc de 1939 qui fixe des limites à l’immigration juive, « ciblant chacun dans la voie de ses objectifs politiques – Palestiniens, Britanniques ou juifs ». Durant la deuxième guerre mondiale, la milice sioniste officielle, la Haganah, atténue ses attaques contre les Britanniques. Des Palestiniens arabes et juifs se portent volontaires pour rejoindre les forces alliées, bien que les juifs tiennent à avoir leur propre régiment.
À partir de 1942, et alors qu’il est clair que les Alliés vont gagner la guerre, les sionistes relancent leur campagne de terrorisme tous azimuts (comme les Britanniques la décrivent) pour établir un État sioniste par la force : une campagne qui finalement force la décision des Britanniques d’abandonner le Mandat, ce qui conduit au Plan de partition des Nations-Unies, à une guerre civile, à un nettoyage ethnique de la population arabe, et à la déclaration unilatérale de l’État d’Israël en 1948.
Le livre souligne le point important qu’au début, la plupart des juifs du monde entier sont opposés au sionisme. En Grande-Bretagne, le ministre juif Lord Montagu, soutenu par d’autres dirigeants juifs, voit dans les sionistes des collaborateurs avec les antisémites qui se ravissent de l’idée de juifs s’expulsant eux-mêmes de leurs patries actuelles. Montagu contribue à modifier l’objectif de la Déclaration Balfour, de « Palestine COMME LE foyer national juif », en, plus vague, « un foyer national juif EN Palestine ». Les juifs orthodoxes, notamment les juifs arabes indigènes de Palestine, pensent que le retour des juifs dans la terre d’Israël ne peut avoir lieu avant le moment du Messie, et ils rejettent le sionisme en tant que tentative visant à remplacer la religion juive par une idéologie laïque, nationaliste. Les juifs libéraux ne croient pas que les juifs constituent un groupe national qui aurait besoin d’un foyer politique, et ils restent fidèles à leur patrie existante. Aux États-Unis, un groupe de rabbins (principalement la Réforme) crée l’antisioniste Conseil américain du judaïsme, toujours actif aujourd’hui.
Le livre révèle aussi la volonté sioniste d’user de la violence contre leurs opposants juifs ; leur conviction que tout juif a l’obligation de quitter sa patrie pour venir en Palestine ; leur volonté d’attiser l’antisémitisme pour encourager une telle migration ; et leurs tentatives pour empêcher les juifs qui se déplacent de se rendre nulle part ailleurs qu’en Palestine.
La couverture des évènements historiques dans le livre est quelque peu rapide, et peut semer la confusion chez le lecteur moyen, déjà insuffisamment familiarisé avec le sujet : par exemple, la Déclaration Balfour de 1917 est examinée mais le texte n’est pas fourni. Il présente le Plan de partition des Nations-Unies de 1947 comme une division de la Palestine (à l’exclusion de Jérusalem) en deux États, l’un juif, l’autre arabe, comme s’ils doivent être des États souverains indépendants. En réalité, ils doivent se rejoindre en une confédération effectivement sous la tutelle des Nations-Unies, et créée par un processus dans lequel il n’y a aucune place pour une déclaration unilatérale d’indépendance. La tentative de Ben Gourion dans la Déclaration de l’établissement d’Israël pour le justifier à travers le Plan de partition est une fraude. On nous dit que la Déclaration ne reconnaît aucune frontière au nouvel État, mais on ne nous dit pas que les sionistes sont alors contraints de faire une déclaration officielle de frontières, comme proposé par le Plan de partition, afin d’obtenir une reconnaissance par les États-Unis. Ceci est important, parce qu’il devient clair qu’Israël n’a pas été envahi par cinq armées arabes le 15 mai 1948, comme le prétendent les sionistes : la plupart des combats dans la guerre qui s’ensuit, ont lieu à l’extérieur de ses frontières, et seules les troupes syriennes et égyptiennes pénètrent en territoire israélien.
Le livre est vrai, et c’est important. Il prouve de façon indubitable qu’Israël n’est pas la victime perpétuelle de la violence arabe qu’il prétend être, mais qu’il fut l’agresseur, tout au long de l’histoire du conflit.
Il convient de féliciter et de remercier Thomas Suárez pour son œuvre. Ce livre est une formidable réussite d’un écrivain qui est également un musicien talentueux et un expert en cartographie historique.
Information sur la publication
Édition au Royaume-Uni publiée par Skyscraper Publications, le 13 octobre 2016, RRP £20.
Format : format relié, 417 pages
ISBN: 978-1911072034
disponible sur amazon.co.uk
Édition aux USA publiée par Interlink-Olive Branch, le 13 novembre 2016, $20
Format: livre de poche, 288 pages
ISBN: 978-1566560689
disponible par pré-commande sur amazon.com.
Édition électronique prochaine. Le livre a son propre site : state-of-terror.net