15 ans de blocus de Gaza

A Gaza, un léger post-traumatisme n’est pas considéré par les médecins locaux comme un post-traumatisme, parce que c’est normal. Tout le monde en souffre. Quand cherchez vous de l’aide ? Quand….

A Gaza, un léger post-traumatisme n’est pas considéré par les médecins locaux comme un post-traumatisme, parce que c’est normal. Tout le monde en souffre.

Quand cherchez vous de l’aide ? Quand cela devient insupportable, quand cela interfère avec le fonctionnement quotidien, la maison, la famille, quand les pleurs ne cessent plus, quand le moindre petit bruit vous réveille.

Je m’appelle Hisham. Je suis un psychiatre qui travaille dans le système de soins de santé public à Hadara. En mars 2021, je suis allé à Gaza pour la première fois avec une délégation médicale envoyée par le PHRI. J’y étais le seul psychiatre.

Il n’y a qu’un seul hôpital psychiatrique à Gaza, et c’est là que je suis allé. Quand j’ai vu les patients, j’ai été stupéfié. J’ai pensé : Ouah ! Ça c’est du post-traumatisme ! Dans le texte, comme on vous l’a enseigné. En Israël, c’est plus rare. Je rencontre quelqu’un dont je pense qu’il subit un véritable post-traumatisme peut-être une fois par mois.

Qu’est-ce que « véritable » veut dire ? Que si vous vous rappelez l’incident, vous le revivez, dans votre corps, comme s’il y avait une explosion à côté de vous à l’instant. C’est ce à quoi ça ressemble à Gaza.

L’hôpital psychiatrique de Gaza est réservé aux cas extrêmement difficiles, aux psychoses. J’ai vu des patients qui mouillent leur lit, qui ne comprennent pas ce qui se passe autour d’eux, quantité d’enfants qui souffrent d’anxiété, pleurent sans arrêt, ont une peur intense de sortir de la maison, souffrent d’hypersensibilité au bruit.

Leurs parents m’ont bombardé de questions. J’étais le seul psychiatre dans la pièce : Que dois-je faire quand mon enfant se réveille au milieu de la nuit en criant ? Et qu’il me demande qu’est-ce que c’est que ce bruit, mais il n’y a pas de bruit, qu’est-ce que je lui raconte ?

J’ai été très surpris que la plupart des médecins de l’hôpital psychiatrique ne soient pas psychiatres de formation. Il n’y en a que trois à Gaza, et l’un d’entre eux a été tué dans la dernière guerre. Les autres ont appris avec l’expérience mais n’ont pas eu de formation psychiatrique.

En Israël, pour devenir psychiatre, vous devez suivre une formation de cinq ans. A Gaza, vous ne pouvez pas faire cela parce que cette connaissance n’y existe pas. Il n’y en a pas un seul pour les enseigner. Le directeur de l’hôpital lui même n’est pas expert en psychiatrie.

Il me semble important de souligner que les étudiants de Gaza ont beaucoup de talent. Je les ai rencontrés – des gens très motivés qui m’ont présenté des cas, vraiment de bonnes présentations, même dans leur première année. Mais ils n’ont aucun moyen pour s’entraîner en psychiatrie parce qu’ils n’ont pas le droit de quitter Gaza. Ils ne peuvent pas aller à Bethléem, ou en Jordanie, ou à Jérusalem, ou chez nous en Israël. Rien. Ils sont coincé à l’intérieur à cause du blocus.

Quand je suis arrivé là-bas et que j’ai vu comment font les médecins, combien leur formation a été maigre, j’ai réalisé qu’il serait plus efficace que je travaille avec les médecins que de soigner un petit nombre de patients.

Ils manquent aussi de médicaments. Par exemple, pour les antidépresseurs, ils n’ont qu’une option, deux au mieux, et ça ne marche pas toujours. Pour un traitement antipsychotique, il n’existe qu’une option avec de très graves effets secondaires. Le blocus a provoqué un effondrement financier complet qui a frappé la possibilité des hôpitaux d’acheter des médicaments.

Je continue de penser à la prochaine fois. J’ai beaucoup appris là-bas. Et vraiment… pour a première fois de ma vie – j’ai l’impression d’apporter ma contribution, vraiment d’apporter une contribution. Et c’est également dur émotionnellement, d’entendre ces histoires. Quand je rentre chez moi auprès de ma famille, je laisse tout dehors, je n’ai pas le choix. Je ne pourrais pas continuer autrement. Je ne pourrais pas respirer la nuit. Je ne pourrais pas arrêter de penser aux enfants qui crient, aux parents qui tremblent et à tout ce que j’ai vu. J’ai entendu des choses là-bas, à Gaza, qui pourraient servir de matériaux pour des histoires d’horreur. Alors, pour retourner travailler, pour continuer, je m’isole émotionnellement.