Les États Unis ont dit appeler à un cessez-le-feu à Gaza, mais ce n’est pas ce que dit leur résolution à l’ONU : Phyllis Bennis

Au Conseil de Sécurité de l’ONU, la Chine et la Russie ont opposé leur veto à une résolution des États-Unis sur la guerre à Gaza. La résolution des États-Unis semblait appeler à un cessez-le-feu, mais elle était écrite de manière à la rendre non contraignante. Notre invitée, Phyllis Bennis dit que c’était juste un « jeu sur les mots » et une tentative « tordue » de l’administration Biden de jouer sur les deux tableaux, alors qu’elle est l’objet de critiques internes et externes croissantes sur l’étroitesse de sa relation avec Israël. Bennis est membre de l’Institut d’Études Politiques et conseillère à l’international de Jewish Voice For Peace. Elle a écrit plusieurs livres sur la politique étrangère des États-Unis au Moyen Orient. À propos des divergences sur le soutien étatsunien à Israël, « la pression augmente à un point que je n’ai jamais vu auparavant » dit-elle, ajoutant qu’il est impératif que l’insistance publique pour davantage d’action se poursuive, vu « qu’il est crucial que les ventes d’armes cessent » et qu’un véritable cessez-le-feu soit immédiatement mis en œuvre.

AMY GOODMAN: Nous sommes rejoints maintenant par Phyllis Bennis, membre de l’Institut d’Études Politiques. Elle est aussi conseillère à l’international auprès de Jewish Unoin for Peace. Son nouvel article dans The Hill est intitule “Gaza montre que des parachutages alimentaires suppriment des vies au lieu de les sauver ». Elle a également écrit récemment un texte  pour Al Jazeera titré « Qu’y a -t-il derrière le changement de langage sur le cessez-le-feu de l’administration Biden » ?

Bien, commençons; Phyllis, si possible, parlez-nous de ce que les États-Unis ont introduit au Conseil de Sécurité de l’ONU. Cela doit être voté aujourd’hui. Et aussi, ce sur quoi portera le vote : la résolution qui a été adoptée ou sponsorisée par huit des membres élus au Conseil de sécurité.

PHYLLIS BENNIS: Merci, Amy.

Vous savez, ce que nous observons consiste largement à jouer sur les mots. Ce qui est différent c’est le langage de l’administration Biden – nous l’avons entendu hier du Secrétaire d’État Blinken, nous l’entendons aujourd’hui du président Biden, nous l’entendons d’autres personnes – qui emploient le mot « cessez-le-feu », disant « cessez-le-feu immédiat, dans certains cas. Nous voyons que le New York Times dit que les États-Unis présentent une résolution au Conseil de Sécurité appelant à un cessez-le-feu immédiat.

Ce n’est pas le cas. Voilà ce à quoi appelle la résolution des États Unis – et il faut être clair : il n’y a pas eu de diffusion formelle de ce que les États Unis vont mettre au vote ce matin. Il y a au moins trois versions différentes en circulation. Mais elles sont toutes à peu près semblables pour ce qui est de la description critique. C’est dans le premier paragraphe. Le premier paragraphe opératoire de la résolution emploie le vocabulaire du cessez-le-feu immédiat mais il n’appelle pas effectivement à un cessez-le-feu. Il reconnaît l’importance d’un cessez-le-feu puis déclare : « Et donc nous devrions soutenir les négociations en cours à Doha au Qatar ». Il s’agit des négociations qui durent depuis des semaines. Elles sont principalement centrées sur la libération des otages ainsi que sur les paramètres d’un cessez-le-feu à court terme, dans six semaines probablement. Mais l’élément-clef est que le draft des États-Unis n’appelle pas à ce que le Conseil de Sécurité appelle à un cessez-le-feu.

Le langage de huit des dix membres élus au Conseil de sécurité est bien plus simple et bien plus direct. Ils disent explicitement que le Conseil de sécurité doit exiger un cessez-le-feu immédiat, respecté par toutes les parties, conduisant à un cessez-le-feu durable, point. Le langage étatsunien est plein de circonvolutions. Il développe plusieurs versions de « Le Conseil de Sécurité détermine l’impératif d’un cessez-le-feu immédiat et durable pour protéger les civils de part et d’autre », puis exprime quelque chose comme « Et donc nous soutenons sans équivoque les négociations en cours ».

Il retire ainsi toute autorité au Conseil de sécurité et fait du Conseil essentiellement un groupe de supporteurs des négociations en cours ; il enlève toute pression supplémentaire qu’aurait une exigence effective de cessez-le-feu de la part du Conseil de sécurité, parce que les résolutions du Conseil de sécurité, comme vous le savez, Amy, et comme le savent, je pense, la plupart de ceux qui nous écoutent, font partie du droit international.  Elles sont contraignantes. Cela ne veut pas dire qu’elles seraient appliquées mais c’est un signal très puissant, quelque chose qui n’est pas une simple reconnaissance de l’importance d’un cessez-le-feu. Ce n’est pas ça.