Une association de droits de l’homme basée aux États-Unis perd sa plate-forme de collecte de fonds en raison de ses liens avec une ONG palestinienne

L’Alliance pour une Justice Mondiale a vu sa plate-forme de collecte de fonds en ligne fermée après les plaintes d’un groupe de pression sioniste. La guerre d’Israël contre les associations de droits de l’homme est-elle en train d’arriver aux États-Unis ?

L’association pour une Justice Mondiale (AfGJ) a annoncé que sa capacité à lever des fonds a été entravée en raison de sa connexion à une ONG palestinienne.

AfGJ fait office de sponsor fiscal pour près de 150 organisations à but non lucratif à travers les États-Unis, dont certaines travaillent en Palestine. L’une de ces associations est Samidoun, qui a mis en place un réseau international de soutien aux prisonniers palestiniens. En février 2021, le gouvernement israélien a ajouté Samidoun à sa « liste de terroristes » en raison de ses liens prétendus avec le Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP).

Samidoun a dénié à maintes reprises ces allégations et s’est engagée à poursuivre son travail dans un contexte de défis politiques croissants. « Presque chaque organisation, mouvement et même militant individuel qui défend la liberté des Palestiniens est ciblé par l’occupation israélienne et ses principaux criminels de guerre pour harcèlement, menaces et tentatives de mobilisation du pouvoir de l’État pour réprimer un mouvement anti-colonial, anti-raciste pour la justice et la libération », a dit l’association à l’époque. « Nous sommes fiers de nous tenir aux côtés de ceux qui affrontent ce genre de campagnes de diffamation et d’attaques répressives – en intensifiant notre travail et en nous réunissant pour affronter l’apartheid, l’occupation, les crimes de guerre et la colonisation israéliennes et en nous organisant pour la libération de la Palestine. »

Déclaration de l’AfGJ

Selon un déclaration publiée par l’AfGJ, la société qui traite les dons par carte de crédit pour l’organisation a bloqué toutes les transactions vers l’association. Cette démarche arrive quelques semaines seulement après qu’une attaque contre AfGJ ait paru dans le Washington Examiner de droite, et qu’une plainte de l’IRS contre l’association ait été déposée par l’association pro-Israël de défense de la loi l’Institut Juridique Zachor. « Le Washington Examiner s’en est pris à AfGJ au cours des années avec de ridicules accusations », a dit à Mondoweiss un membre de l’équipe d’AfGJ.

L’incapacité d’AfGJ à accepter des dons en ligne impacte les nombreuses associations qu’elle parraine. « Notre soutien à nos partenaires en Amérique Centrale et du Sud, dont beaucoup risquent leur vie tous les jours et qui paient parfois le prix ultime … notre solidarité avec le peuple palestinien qui lutte pour sa libération nationale et contre l’injustice de l’occupation et de l’apartheid … notre travail pour la justice dans l’immigration … notre école des droits de l’homme … tout cela est mis en danger », est-il écrit dans la déclaration de l’association.

« Et notre personnel et notre conseil d’administration font des heures supplémentaires, dans des conditions stressantes, pour trouver des alternatives afin de protéger l’AfGJ et nos projets », continue-t-il. « Nous faisons tout ce que nous pouvons pour mettre fin à cette agression contre notre liberté et notre droit de nous organiser en vue de ce monde plus beau, plus juste et plus durable dont nous rêvons tous. »

La déclaration rejette également ces allégations comme contestables. « C’est ce que nous ne faisons pas : nous ne soutenons pas le terrorisme », a dit l’association. « Nous ne levons pas d’argent et ne fournissons aucun soutien matériel aux associations terroristes en Palestine ou ailleurs – et nous avons des preuves pour le confirmer. Nous travaillons vraiment pour une paix juste et pour mettre fin au véritable terrorisme de la guerre, des sanctions, de l’impérialisme, du capitalisme mondial et de la suprématie blanche. »

Les contributions par cartes de crédit de l’AfGJ étaient gérées par une société appelée Salsa Labs, qui fournit des logiciels de collecte de fonds à des organisations à but non lucratif. Salsa Labs a également été la cible de l’Institut Juridique Zachor, qui a fait pression sur la société en janvier et février 2022 à cause de son rôle avec AfGJ. Pourtant, alors que Salsa Labs fournisent des logiciels de levée de fonds, ils ne s’occupent pas eux-mêmes de la véritable transaction des cartes de crédit et la transmettent à une société appelée CardConnect. D’après un porte-parole d’AfGJ, c’est CardConnect qui a coupé la capacité de l’organisation d’accepter les dons par carte de crédit quand il a mis fin à son contrat avec Salsa Labs pour le compte d’AfGJ.

La maison mère de CardConnect est la First Data Corporation, qui est une filiale de Fisery, société multinationale de services de technologie financière. Le PDG de Fisery (et ancien PDG de First Data) est un donateur de Trump, Frank Bisignano.

CardConnect n’a pas répondu à une demande de commentaires sur cette histoire.

Récentes attaques sur des associations de Palestine

Cette campagne contre AfGJ arrive moins d’un an après le raid des forces israéliennes sur les bureaux de sept organisations de la société civile palestinienne en Cisjordanie occupée, également en raison de liens supposés avec le FPLP. Six de ces associations ont été dénoncées en octobre 2021 en tant qu’ « institutions terroristes » par le gouvernement israélien.

De nombreuses organisations de défense des droits de l’homme ont critiqué ces raids, et de multiples membres démocrates du Congrès ont appelé la Maison Blanche à les condamner. « Ces actes sont le résultat direct de l’échec total de l’administration Biden à défendre les droits fondamentaux des Palestiniens contre le racisme et le nettoyage ethnique », a dit à l’époque la députée Rashida Tlaib (D-MI) « Le silence de notre pays autorise davantage de morts et de violence. Nous devons tenir Israël pour responsable. »

La députée Betty McCollum (D-MN) a déposé une résolution demandant à la Chambre des États-Unis de dénoncer ces raids. « Quand un gouvernement utilise l’étiquette de terroriste comme une arme pour réduire au silence le travail d’organisations des droits de l’homme et défend ceux qui représentent courageusement les populations vulnérables qui vivent sous occupation militaire, c’est un signe d’incroyable faiblesse plus en phase avec un régime autoritaire qu’avec une démocratie en bonne santé », a dit McCollum dans un communiqué de presse sur la législation. « La décision d’Israël de qualifier ces éminentes associations de la société civile palestinienne d’organisations terroristes dévoile la vérité, que l’occupation israélienne est violente, immorale et injuste, et que les efforts pacifiques pour défendre les droits des enfants, des femmes, des agriculteurs ou des prisonniers palestiniens doivent être déclarés illégaux. »

Les responsables israéliens ont commencé à faire pression sur le gouvernement américain pour qu’il accepte les désignations de terroristes dès qu’elles ont été prononcées et (malgré le fait qu’elles ont été présentées il y a un an avec toutes les prétendues preuves), la Maison Blanche a continué de déclarer qu’elle était encore en train d’étudier les informations. L’administration Biden doit encore ou condamner publiquement ou endosser les mesures drastiques d’Israël.

« Je pense que la réalité c’est que nos partenaires israéliens…ont engagé une action… pour désigner ces organisations en tant que soi-disant ‘organisations terroristes’, a dit aux reporters en août 2022 le porte-Parole du Département d’État Ned Price. « Ce que nous avons vu publiquement, ce qu’ils ont communiqué en privé ces dernières heures, c’est qu’il existe un fondement approprié aux actions qu’ils ont entreprises. Cela devient une question d’urgence pour nous d’étudier à nouveau le fondement de cette information. »

Certains ont fait remarquer que le silence de l’administration Biden sur la question a aidé le gouvernement israélien à s’autoriser à intensifier ses attaques contre les associations des droits de l’homme.

« L’Admin Biden détient les ‘preuves’ d’Israël depuis bientôt un an », a tweeté la présidente de la Fondation pour la Paix au Moyen Orient, Lara Friedman, après les commentaires de Price. « Ils savent très bien que ces preuves, ce sont des conneries – sinon il n’y a pas l’ombre d’un doute qu’ils auraient validé les désignations d’Israël/désigné les associations eux-mêmes. Mais, sachant que les preuves étaient du flan, il semble qu’ils aient choisi l’approche politiquement & moralement lâche de garder le silence – approche qui s’apparente à une grossière négligence/complicité de politique étrangère. »

« Ne nous y trompons pas : Il s’agit là d’une situation avec pistolet de Chekov », a-t-elle continué. « Israël a posé le pistolet sur la table en octobre dernier. L’Admin Biden a vu ce pistolet et a décidé de ne rien faire pour pousser Israël à le retirer. Maintenant, l’Admin Biden ne peut prétendre la surprise quand Israël pointe cette arme sur les défenseurs des droits fondamentaux des Palestiniens. »