Betar US fait partie des groupes d’extrême-droite soutenant l’initiative de Trump pour expulser les étudiants impliqués dans des manifestations pro-palestiniennes
Un groupe d’extrême-droite, qui revendique le crédit de l’arrestation d’un militant palestinien, résident permanent aux États-Unis, que l’administration de Trump cherche à expulser, a soumis des « milliers de noms » en vue d’un traitement similaire.
Betar US est l’un des groupes de droite pro-Israël qui soutiennent les initiatives de l’administration pour expulser des étudiants internationaux impliqués dans des manifestations pro-palestiniennes à l’université, initiatives qui ont augmenté cette semaine avec l’arrestation de Mahmoud Khalil, un militant qui a récemment terminé son master à l’université Columbia.
Cette semaine, Donald Trump a dit que l’arrestation de Khalil était seulement « la première de beaucoup d’autres à venir ». Betar US a rapidement revendiqué sur les réseaux sociaux le crédit d’avoir fourni le nom de Khalil au gouvernement.
Betar, qui a été décrit comme un groupe extrémiste par la Ligue anti-diffamation (ADL), un groupe de défense juif, a dit lundi qu’il avait « travaillé sur les expulsions et continuera à le faire » et a alerté sur le risque que l’initiative ne s’étende au-delà des immigrants. « Attendez-vous à ce que des citoyens naturalisés commencent à être attrapés au cours de ce mois », disait le post du groupe sur X. (Il est très difficile de révoquer la citoyenneté américaine, bien que Trump ait indiqué son intention d’essayer.)
Le groupe a compilé une liste dite « d’expulsion » nommant les individus qu’il pense n’être aux États-Unis que grâce à des visas et qui ont participé à des manifestations pro-palestiniennes, affirmant que ces individus « terrorisent l’Amérique ».
Un porte-parole de Betar, Daniel Levy, a dit dans une déclaration au Guardian que Betar soumettait aux représentants de l’administration de Trump des « milliers de noms » d’étudiants et d’enseignants qu’ils pensent être détenteurs de visas, venant d’institutions comme Columbia, l’université de Pennsylvanie, UCLA, l’université Syracuse et d’autres.
Le groupe affirme avoir « de la documentation, dont des enregistrements, des posts sur les réseaux sociaux, et plus encore » pour accompagner ses actions. Il affirme partager les noms avec plusieurs responsables de haut rang, comme le Secrétaire d’État Marco Rubio ; le Conseiller de la sécurité intérieure à la Maison blanche, Stephen Miller ; et la procureure générale Pam Bondi, parmi d’autres.
La Maison blanche et le Département d’État n’ont pas répondu aux questions de savoir s’ils travaillent avec Betar ou d’autres groupes pour identifier les étudiants à expulser.
Ross Glick, qui était le directeur exécutif de la branche de Betar aux États-Unis jusqu’au mois dernier, a dit au Guardian que la liste avait commencé à être formée à l’automne dernier. Il a remarqué que, quand ils ont commencé à compiler les noms, le choix du prochain président n’était pas encore clair, mais que le changement d’administration avait été bénéfique à leur initiative.
Pendant la campagne présidentielle de 2024, Trump a promis à plusieurs reprises d’expulser les étudiants étrangers impliqués dans des manifestations pro-palestiniennes sur les campus universitaires et il a fréquemment assimilé les manifestations contre les actions d’Israël à Gaza comme des expressions de soutien pour le Hamas. La semaine dernière, il a été rapporté que le Département d’État des États-Unis projette d’utiliser l’intelligence artificielle pour identifier les étudiants étrangers à expulser.
L’arrestation la semaine dernière de Khalil, qui servait de négociateur principal pour le campement de solidarité avec Gaza à l’université Columbia, s’aligne sur le décret de Trump destiné à combattre l’antisémitisme. Une fiche d’informations l’accompagnant a promis que l’administration annulerait les visas étudiants de ceux identifiés comme des « sympathisants du Hamas » et expulserait ceux qui ont participé à des « manifestations pro-jihadistes ».
Après l’élection, Glick a dit qu’il avait rencontré des députés au Capitole, dont le sénateur démocrate John Fetterman, et des assistants des sénateurs républicains Ted Cruz et James Lankford, qui tous, a-t-il dit, soutenaient leurs initiatives.
Au cours d’un appel téléphonique cette semaine, Glick a dit qu’il avait discuté de Khalil avec Cruz à Washington quelques jours seulement avant son arrestation.
Le bureau de Cruz n’a pas répondu à une demande de commentaire sur la rencontre avec Glick.
Glick a dit que les individus sur la liste de Betar ont été identifiés par des tuyaux des étudiants, des enseignants et du personnel administratif de ces campus, ainsi que par des recherches sur les réseaux sociaux. Il a aussi affirmé qu’il avait reçu un soutien de « collaborateurs » qui utilisent « une technologie basée sur l’IA de reconnaissance faciale » pour aider à identifier des manifestants, technologie qui peut même identifier les personnes ayant le visage couvert. Il a refusé de donner des détails supplémentaires sur la technologie spécifique utilisée.
Glick a mentionné que dans les derniers mois il avait été inondé de messages d’étudiants, de professeurs et d’administrateurs d’université de tout le pays, tous fournissant des informations sur les identités des manifestants. Il a dit qu’il contrôlait la légitimité de ces tuyaux et qu’il pensait que Khalil et d’autres manifestants pro-palestiniens « promouvaient l’éradication, la destruction et la dévolution de la civilisation occidentale ».
Glick a décrit Khalil comme un « agent ». Quand on lui a demandé de qui Khalil était un agent, il a répondu : « Eh bien, cela reste à déterminer ».
Khalil est détenu dans un centre de détention en Louisiane après y avoir été déplacé depuis New York. Sa détention est contestée dans un tribunal fédéral de Manhattan.
L’arrestation a suscité l’indignation et l’inquiétude des avocats de la libre expression qui voient la démarche pour expulser Khalil comme une violation flagrante de ses droits à la liberté d’expression, et mercredi, des manifestations ont éclaté à l’extérieur du tribunal de Manhattan, où des centaines de personnes s’étaient rassemblées pour demander sa libération.
Betar n’est pas seul dans ses efforts pour soutenir la campagne d’expulsion de Trump, un effort qui a divisé les juifs américains au nom desquels l’administration prétend agir.
Dans les jours précédant son arrestation, des vidéos montrant Khalil et d’autres à un sit-in à Barnard contre l’expulsion de deux étudiants qui ont perturbé un cours sur Israël, ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux.
Des comptes pro-Israël sur les réseaux sociaux, dont celui de Shai Davidai, un bruyant professeur assistant de l’école de commerce de Columbia qui a été temporairement interdit sur le campus l’an dernier, l’université ayant dit qu’il avait à plusieurs reprises intimidé et harcelé des employés de l’université, a identifié Khalil et interpellé Rubio dans des posts l’incitant à révoquer son visa et à l’expulser.
La vidéo de Khalil qui circulait a été postée en premier lieu par la Mission Canary, une banque de données en ligne qui publie les noms et l’information personnelle de personnes qu’elle considère être anti-Israël ou antisémite, se focalisant principalement sur ceux dans des universités dans tous les États-Unis.
Quand Khalil a été arrêté, la Mission Canary a dit qu’elle était « enchantée que notre exposition de la haine de Mahmoud Khalil ait conduit à de telles conséquences si méritées », ajoutant qu’elle avait « d’autres informations relatives à Columbia en chemin ».
Lundi après-midi, la Mission Canary a publié une vidéo nommant cinq autres étudiants et enseignants qu’elle pense devoir être expulsés.
Il a été révélé cette semaine par Zeteo que Khalil, le jour précédant son arrestation, avait envoyé un e-mail à l’université Columbia demandant une protection et disant à la présidente par intérim de l’université qu’il avait été soumis à « une campagne de doxing déshumanisant » cette semaine, menée par Davidai et David Lederer, un étudiant de Columbia.
« Leurs attaques ont déclenché une vague de haine, incluant des appels à mon expulsion et à des menaces de mort », a dit Khalil.
Il a ajouté : « Je n’ai pas été capable de dormir, craignant que le service de l’immigration ou un individu dangereux ne puissent venir chez moi. J’ai besoin de manière urgente d’un soutien juridique, et je vous demande instamment d’intervenir et de me fournir les protections nécessaires pour empêcher un préjudice supplémentaire. »
Dans un autre e-mail, Khalil aurait cité un post menaçant de Betar, dans lequel le groupe affirmait qu’il avait dit : « Les sionistes ne méritent pas de vivre ». Khalil « sans équivoque » a nié avoir jamais dit cela.
Dans le post, Betar écrivait que le service de l’immigration était « informé de son adresse personnelle et de ses mouvements », et disait qu’il avait « fourni toutes ces informations à de nombreux contacts ».
Après l’arrestation, Karoline Leavitt, la porte-parole de la Maison blanche, a dit qu’on avait donné à Columbia les « noms d’autres individus qui sont engagés dans une activité pro-Hamas », mais que l’université « refusait d’aider le Département de la sécurité intérieure à identifier ces individus sur le campus ».
« L’heure de l’estimation »
L’arrestation de Khalil a divisé les juifs américains, dont beaucoup ont sévèrement condamné l’arrestation du militant.
La Ligue anti-diffamation, un groupe qui décrit son objectif comme la lutte contre l’antisémitisme et toutes les formes de haine et qui est aussi connue pour voir les manifestations sur les campus comme antisémites, a accueilli positivement l’escalade et a dit qu’elle appréciait « l’ensemble large et audacieux des efforts du gouvernement de Trump pour contrer l’antisémitisme sur les campus.
« Évidemment, toute action d’expulsion ou de révocation d’une carte verte [de résident permanent] ou d’un visa doit être entreprise en conformité avec les protections exigées par des procédures régulières », a dit le groupe. Il a ajouté : « Nous espérons aussi que cette action serve à dissuader d’autres qui pourraient envisager de violer la loi sur les campus universitaires ou n’importe où ».
Mais beaucoup de groupes juifs, traditionnels, progressistes ou de gauche, ont condamné les actions de l’administration comme une violation dangereuse de la libre expression.
« Il est à la fois possible et nécessaire d’affronter directement la crise de l’antisémitisme et d’y remédier, sur les campus et dans toutes nos communautés, sans abandonner les valeurs démocratiques fondamentales qui ont permis aux juifs et à tant d’autres, de prospérer ici », a dit Amy Spitalnick, dirigeante du Conseil juif pour les Affaires publiques, de tendance progressiste.
Dans une lettre jeudi au Département de la Sécurité intérieure des États-Unis, plusieurs groupes incluant le New York Jewish Agenda, Aleph: Alliance for Jewish Renewal, Habonim Dror North America et d’autres, ont dit qu’ils étaient « profondément perturbés par les circonstances entourant l’arrestation et la détention de Mahmoud Khalil ».
« Indépendamment du contenu du discours de Mr Khalil, nous pensons fermement que son arrestation n’arrange en rien la sécurité des juifs », ont dit les groupes. « Dans le passé, des lois et des politiques qui limitent le droit à la libre expression ont été souvent brandies contre la communauté juive et nous sommes inquiets de voir des signes qu’ils sont brandis contre les musulmans, les Arabes et d’autres communautés minoritaires maintenant. »
David Myers, un professeur éminent, détenteur de la chaire Sady et Ludwig Kahn en histoire juive à l’université de Californie à Los Angeles, a dit au Guardian qu’il pensait que l’administration de Trump instrumentalisait l’antisémitisme et s’en servait d’arme « pour un gain politique ».
« Je pense, en fin de compte, que [l’administration] s’intéresse à quelque chose de plus vaste que la défense des étudiants juifs, qu’elle s’intéresse vraiment à mettre l’université à genoux comme une façon d’enlever un acteur libéral, progressiste, clé du jeu politique américain », a-t-il dit.
Myers a décrit la décision de Betar de compiler une liste de personnes à expulser comme « effroyable », mais « pas une surprise totale », a-t-il dit, étant donné ce que Betar a représenté historiquement, ce qu’il a appelé « une adhésion au fascisme juif ».
« Je trouve désastreux, non-juif et collaborationniste de forger des listes de personnes qui ne satisfont pas leur test décisif politique », a dit Myers.
Il pense que les universités devraient résister à la pression du gouvernement et maintenir les principes d’équité et de démocratie.
« C’est le moment d’estimer où se situent réellement les valeurs de chacun », a-t-il dit
« Si les universités se soumettent, cela enlève de la discussion politique américaine un lieu extraordinairement important pour la pensée libre et ouverte. Je pense que cela serait très inquiétant pour ce pays, un pas de plus dans le mouvement vers un régime complètement autoritaire. »