Les actions des banques israéliennes plongent après que le Conseil européen des Affaires étrangères recommande à l’UE d’aller au-delà d’un simple étiquetage des produits en provenance de Cisjordanie et de Jérusalem-Est.
REUTERS – Cette semaine, l’Union européenne a convenu de continuer à progresser dans l’étiquetage des marchandises israéliennes produites dans les colonies en Cisjordanie. Mais il existe désormais des propositions en vue d’aller beaucoup plus loin, y compris le ciblage des banques israéliennes.
Dans un document devant être publié ce mercredi, le Conseil européen des Affaires étrangères (CEAE), dont les propositions annoncent fréquemment les mesures politiques de l’UE, estime que l’UE est en infraction vis-à-vis de ses propres lois et qu’elle doit agir avec beaucoup plus de fermeté dans la distinction entre ses transactions avec Israël et les activités d’Israël en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, qu’Israël occupe depuis 1967.
Après la diffusion du rapport, les actions de la First International Bank of Israel, de Leumi, de Hapoalim et de Dexia ont perdu de leur valeur.
Voici longtemps que les diplomates européens disent que l’étiquetage n’est que la première de toute une série de démarches que l’UE pourrait entreprendre contre Israël à propos de sa politique dans les colonies, une démarche qui, en termes financiers, devrait normalement avoir un impact relativement minime sur l’économie israélienne.
Mais les nouvelles propositions iraient beaucoup plus loin et plus en profondeur, allant jusqu’à toucher les banques, les prêts et les hypothèques, les qualifications obtenues dans les institutions des colonies et le statut d’exemption d’impôts des organisations caritatives traitant avec les colonies israéliennes.
« Selon ses propres réglementations et principes, l’Europe ne peut légalement se soustraire à son devoir de différentiation entre Israël et ses activités dans les territoires palestiniens occupés », explique le rapport, intitulé « La différentiation par l’UE et les colonies israéliennes ».
Les auteurs affirment qu’en insistant bien davantage sur la séparation des transactions de l’UE avec Israël et avec les colonies, cela obligera Israël à décider du genre de relations qu’il désire avoir avec l’Europe et l’encouragera en outre à reprendre les pourparlers avec les Palestiniens à propos d’une solution à deux États au conflit.
Pressions financières
La proposition la plus significative concerne le secteur bancaire, au sein duquel d’importantes institutions israéliennes opèrent des transactions quotidiennes avec les principales banques européennes, tout en assurant également prêts et financements aux entreprises et personnes israéliennes établies dans les colonies.
Selon les directives de 2013 de la Commission européenne, des prêts émanant de fonds de l’UE ou des États membres ne peuvent être octroyés aux entités israéliennes opérant dans les territoires occupés.
Le fait que le gouvernement britannique s’est assuré une part de contrôle dans certaines banques suite à la crise financière empêcherait en théorie ces banques d’accorder des financements à leurs homologues israéliennes qui effectuent des transactions dans les colonies.
« Les transactions journalières entre les banques européennes et israéliennes se plient-elles aux exigences de l’UE de ne pas fournir d’aide matérielle à l’occupation ? », demande le rapport, ajoutant qu’il s’agit d’une question que les États membres de l’UE n’ont toujours pas résolue.
Le problème s’étend aux prêts et aux hypothèques. En théorie, un Israélien possédant également la citoyenneté d’un État membre de l’UE ne devrait pas être en mesure d’utiliser une propriété dans les colonies en tant que garantie pour un prêt européenne, puisque les actes de propriété émis par Israël ne sont pas reconnus.
Un autre domaine dans lequel l’UE pourrait être infraction vis-à-vis de ses propres réglementations concerne les organisations caritatives européennes qui sont exemptées d’impôts tout en se servant de fonds destinés à soutenir des activités dans les colonies, vu que ces dernières sont considérées comme illégales selon les lois internationales.
Et le rapport se demande si l’Europe devrait accepter des qualifications émanant d’institutions universitaires, médicales et autres d’Israël installées en Cisjordanie, étant donné que l’UE ne reconnaît pas la souveraineté d’Israël sur ce territoire.
De même, on peut se demander si l’UE devrait traiter avec des institutions israéliennes – comme le ministère de la Justice et le quartier général de la police nationale – dont le siège est installé à Jérusalem-Est.
Le gouvernement israélien a décrit les démarches de l’Europe concernant l’étiquetage comme discriminatoires et volontairement malintentionnées, suggérant par-là qu’elles s’apparentent au mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) qu’Israël perçoit comme antisémite.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a fait état de ses inquiétudes concernant l’étiquetage en mai dernier, lors d’une réunion avec la responsable de la politique étrangère de l’UE, Federica Mogherini. Madame Mogherini avait posé la question de la poursuite de la différentiation par l’UE dans ses transactions avec Israël.
Mattia Toaldo, l’un des auteurs du document du CEAE, a déclaré que l’UE devait expliciter plus clairement l’obligation juridique à laquelle elle est confrontée lorsqu’il est question de la différentiation, et établir une distinction tranchée avec la campagne BDS. Et le but final, a-t-il ajouté, devrait être de pousser Israël vers une solution à deux États.
« La différentiation est une condition juridique préalable afin que l’UE évite de violer ses propres lois », a-t-il déclaré. « Vous devez l’appliquer conformément aux lois et réglementations, mais elle est également profitable au processus de paix, parce qu’elle modifie les calculs des Israéliens. »
La paralysie
Actuellement, toutes les banques israéliennes opèrent de l’autre côté de la Ligne verte, où leurs activités comprennent des agences, des lignes de crédit pour les constructeurs et les sociétés, des hypothèques et d’autres activités encore.
Les banques ne mentionnent pas si leurs clients résident de l’autre côté de la Ligne verte, de sorte qu’il est pratiquement impossible de fournir des données de différentiation à l’Union européenne. Par conséquent, la décision théorique d’obliger les banques européennes de rompre leurs liens avec leurs homologues israéliennes reviendrait à imposer un blocus à l’économie israélienne et pourrait donc paralyser le système bancaire d’Israël.
Alon Glazer, CEO adjoint de Leader Capital Markets, a déclaré que le jour où l’Europe pourrait couper ses contacts avec les banques israéliennes est toujours « très éloigné » et qu’il n’y a nullement lieu de paniquer, mais que la chose constitue quand même un scénario embarrassant.
« Je ne crois pas que le jour viendra où ils ne reconnaîtront plus une carte de crédit fournie par une banque israélienne », a déclaré Glazer. « Ceci devrait préoccuper l’État – et pas uniquement les banques. Si l’État devait être boycotté, nous serions très profondément embarrassés. »