Un foyer sur cinq à Gaza passe plusieurs jours sans nourriture, selon un projet de rapport de l’ONU

Le dernier bulletin montre que la moitié des foyers ont dû vendre ou troquer des vêtements pour de la nourriture, malgré la pression exercée sur Israël pour l’amélioration des livraisons d’aide.

Plus de la moitié des foyers de Gaza ont dû vendre ou troquer des vêtements pour pouvoir acheter de la nourriture, ainsi que l’ONU s’apprête à le montrer dans un rapport, le risque de famine demeurant présent sur tout le territoire après de nouvelles violences au cours des dernières semaines.

Le dernier « Bulletin Spécial” de Gaza du système de monitoring de l’ONU sur la faim, le cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) qui sera publié mardi, dit aussi qu’un foyer sur cinq – plus de 495 000 personnes – est désormais « face à des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire aiguë » qui impliquent « un manque extrême de nourriture, l’inanition et l’épuisement ».

L’IPC a dit qu’en mars et avril, les livraisons de nourriture et de services nutritionnels atteignant le nord de Gaza ont nettement augmenté en quantité, « susceptibles d’éviter la famine » et aidant à améliorer les conditions dans le sud du territoire.

Mais au cours des dernières semaines, la situation a « commencé à se détériorer de nouveau, à la suite de la reprise des hostilités » et « un risque élevé de famine persiste dans toute la bande de Gaza tant que le conflit continue et que l’accès de l’aide humanitaire est restreint » dit un projet de rapport que le Guardian s’est procuré.

“Plus de la moitié (des foyers) ont aussi fait savoir que, souvent, ils n’ont rien à manger chez eux et plus de 20% passent des nuits et des jours entiers sans manger. La récente trajectoire est négative et fortement instable. Si cela devait continuer, les améliorations constatées en avril pourraient être rapidement inversées ».

La mise en garde intervient en dépit de mois de pression de l’ONU sur Israël pour qu’il fasse plus pour faciliter les efforts d’assistance, l’installation d’un coût de 230 millions de dollars (215 millions €) d’une jetée qui a rencontré des problèmes et des parachutages répétés de la part de nombreux pays, dont les agences d’aide disent qu’ils ne suffisent pas à répondre aux besoins vitaux.

Israël a envahi Gaza après l’attaque du Hamas en octobre au cours de laquelle des combattants palestiniens ont tué environ 1 200 personnes, civiles pour la plupart et en ont enlevé environ 250. La guerre a tué plus de 37 000 Palestiniens selon le ministère de la santé de Gaza, qui ne dit pas combien étaient des civils ou des combattants.

Israël a imposé un siège total sur le territoire dès le début de la guerre et ne l’a que progressivement relâché sou la pression de Washington. La guerre a détruit l’essentiel des capacités de Gaza pour la production de sa propre alimentation. 

De nouvelles ouvertures permettant le passage de l’aide dans le nord de Gaza ont légèrement amélioré l’accès aux livraisons de nourriture depuis mai. Mais dans le sud, la crise s’est approfondie après qu’une offensive militaire israélienne sur Rafah a condamné les principales voies d’entrée de l’aide humanitaire.

L’IPC, s’est abstenu jusqu’à présent de prendre la décision rare de déclarer une famine, un terme qui, lorsqu’il est employé par des professionnels de l’alimentation et de l’aide d’urgence, est défini de façon strictement technique , trois conditions devant être satisfaites dans un espace précis. Le panel de l’agence chargé d’évaluer la famine, un corps externe qui devrait normalement confirmer ou rejeter les résultats initiaux sur la famine, a dit qu’il n’y avait pas assez de données pour le faire. La recherche a été bloquée par « des contraintes liées au conflit et à l’accès humanitaire » a-t-il dit.

Le stade 5 de la faim, qui affecte 22% de la population actuelle de Gaza, équivaut à la famine, mais l’IPC déclare qu’une zone entière est en état de famine seulement lorsque 20% des foyers ont un manque extrême de nourriture, que 30% des enfants souffrent de malnutrition aiguë et qu’au moins deux adultes ou quatre enfants sur 10000 personnes meurent chaque jour.

Le Haut-commissaire de l’ONU pour les droits humains, Volker Türk, a dit que les restrictions israéliennes sur l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza peut représenter le crime de guerre  consistant à affamer délibérément. L’entrée à Gaza est contrôlée par les autorités israéliennes, les déplacements nécessitent une permission de l’armée, les routes sont endommagées par les décombres, le carburant n’est que faiblement fourni et l’énergie et les réseaux de communication fonctionnent à peine.

Israël dit permettre à des centaines de camions d’entrer par de multiples points de passage à un rythme quasi-quotidien et critique les agences de l’ONU de ne pas distribuer l’aide, disant que les containers s’entassent à Keren Shalom, le principal terminal de cargos de Gaza. Les représentants israéliens accusent le Hamas de détourner l’aide destinée à des civils dans des buts militaires, une accusation que ce groupe rejette.

Les agences de l’ONU et les groupes d’aide disent que souvent ils ne peuvent accéder à Keren Shalom à cause des combats et que les restrictions israéliennes, les difficultés de se coordonner avec l’armée et l’effondrement de l’ordre public gênent grandement leur action. Ils disent qu’il est impossible de s’attaquer à la crise sans un cessez-le feu complet.

Les États-Unis ont obtenu un soutien international à une proposition qui conduirait à la libération des otages restants et à un cessez-le feu permanent, mais ni Israël ni le Hamas ne l’ont pleinement adoptée.

Un rapport sur la sécurité alimentaire du début juin notait que des mois de faim extrême à Gaza avaient déjà tué de nombreux Palestiniens et causé des dommages permanents à des enfants atteints de malnutrition. Le réseau du  système d’alerte précoce sur la famine  (Fews Net) basé aux États-Unis a dit qu’il était « possible, sinon probable » que la famine ait commencé dans le nord de Gaza en avril.

Deux organisations de l’ONU ont dit qu’il fallait « s’attendre à ce que plus d’un million de gens soient en d  anger de mort et d’inanition » vers la mi-juillet. Le Programme Alimentaire Mondial et l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture ont aussi alerté sur le prix que la faim impose même sans une déclaration de famine, dans leur rapport sur les zones de concentration de la faim  sur l’insécurité alimentaire mondiale.

Une déclaration commune du chef de la politique extérieure de l’UE, Josep Borrell et du coordinateur de l’UE sur la crise, Janez Lenarčič, a précisé cette semaine : « La crise de Gaza a atteint un nouveau point critique… La livraison de toute aide humanitaire significative dans Gaza est devenue presque impossible et le tissu social même de la société civile se défait ».

Avant la publication du rapport de l’IPC sur Gaza, Kat Phillips-Barrasso, la vice-présidente de la politique internationale et du plaidoyer de Mercy Corps, a dit : « Les gens endurent des conditions infra humaines en recourant à des mesures désespérées comme de faire bouillir de l’herbe, manger de la nourriture pour animaux et troquer des vêtements pour de l’argent pour conjurer la faim et maintenir leurs enfants en vie ».

« La situation humanitaire se détériore rapidement et le spectre de la famine continue de planer sur Gaza… l’aide humanitaire est limitée… la communauté internationale doit exercer une pression sans relâche pour arriver à un cessez-le-feu et assurer maintenant un accès durable à l’aide humanitaire. La population ne peut supporter ces souffrances plus longtemps”.