Un Etat ou deux Etats ? Parlons d’abord de justice !

Cette année, les Palestiniens vont commémorer trois moments qui ont été dramatiquement décisifs dans leur histoire. La déclaration Balfour de 1917 qui concède par écrit un droit au mouvement sioniste….

Cette année, les Palestiniens vont commémorer trois moments qui ont été dramatiquement décisifs dans leur histoire. La déclaration Balfour de 1917 qui concède par écrit un droit au mouvement sioniste d’établir en Palestine un « foyer juif ». Le partage de la Palestine de 1947, qui débouche sur le premier conflit israélo-arabe et l’expropriation de 805 000 palestiniens. Puis la guerre de 1967, qui voit l’armée israélienne occuper la Cisjordanie et la Bande de gaza et les nouvelles autorités d’occupation fermer les yeux sur les premiers mouvements de colonisation.

La semaine dernière, l’ONG Human Rights Watch s’est vue refuser ses demandes de visa par le ministère des Affaires étrangères israélien. M. Emmanuel Nahshon, porte-parole du ministère, a accusé l’ONG de « partialité » et d’activités « anti-israélienne ». Un pas de plus vers la fin du mythe israélien de la « seule démocratie du Proche-Orient ». Parallèlement, le jeune officier franco-israélien Elor Azaria qui avait été filmé en mars 2016 à Hébron alors qu’il achevait un Palestinien au sol d’une balle dans la tête, a finalement été condamné à une peine de 18 mois de prison. Le Haut-commissariat de l’ONU aux droits humains a jugé cette peine « insuffisante et inacceptable ».

Le vendredi 23 février, lors du dîner du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, le président de l’organisation, M. Francis Kalifat, a expliqué que « l’antisionisme n’est rien d’autre que l’expression contemporaine de l’antisémitisme, c’est la haine des juifs ». Devant le chef de l’Etat et trois candidats majeurs à l’élection présidentielle, M. Kalifat a mis sur le même plan les attentats perpétrés à Paris, à Berlin ou Bruxelles et les attaques palestiniennes à Jérusalem ou Tel-Aviv. L’objectif est clair : nier le caractère nationaliste et les causes profondément ancrées dans la politique israélienne pour placer dans une même sphère idéologique les partis politiques palestiniens se revendiquant de l’islam politique et les groupes terroristes d’Al-Qaïda ou Daesh. Ce genre de propos confirme l’idée selon laquelle l’Occident ferait face à une guerre de civilisation, Judéo-chrétiens contre Musulmans ; et surtout, elle permet d’étouffer les responsabilités de la politique israélienne dans les actions qui visent son armée, ses colons ou ses citoyens. Parallèlement, à Metz, Mulhouse ou Toulouse, des citoyens sont jugés pour leur participation à la campagne pacifique de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) contre les produits israéliens.

Lundi 27 février, une Palestinienne a été abattue au Check Point de Qalandia par des gardes-frontières israéliens qui l’ont jugé « suspecte ». Au même moment, la bande de Gaza connaît de nouveaux bombardements, tandis qu’au centre d’Israël, la ville arabe de Kafr Qasim est au cœur d’une opération de destructions de maisons par les autorités gouvernementales.

L’actualité israélo-palestinienne et ses échos dans la vie politique française ne manquent pas de faire réagir les partisans d’une solution juste et durable au Proche-Orient. Pour autant, dans chaque conférence sur le conflit israélo-palestinien, une même problématique revient sur la table des discussions si elle n’est pas la thématiques même de la rencontre : « Pensez-vous que la solution à un Etat est préférable à celle à deux Etats ? ».

Que les choses soient claires, les débats autour du devenir politique de la Palestine sont théoriquement pertinents. Cependant, c’est au mouvement national palestinien et à ses partenaires israéliens de trancher, à l’instar du diplomate Majed Bamya qui au début du mois de février a lancé un appel pour une « transition vers une lutte contre l’Apartheid » unissant la totalité du peuple palestinien de la Méditerranée au Jourdain. Au sein du mouvement de solidarité avec le peuple palestinien, bien que ces problématiques soient légitimes, elles doivent être minorées face à tous les terrains de lutte qui s’offrent à nous.

Il faut agir collectivement et politiquement aux côtés du Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens pour exiger la suspension de l’accord entre l’Union Européenne et Israël->http://cnpjdpi.org/]. Le travail de l’Association France Palestine Solidarité contre les banques et entreprises françaises qui collaborent par le biais de contrats avec des sociétés israéliennes à la colonisation des terres palestiniennes doit être relayé et soutenu. Il est nécessaire de témoigner une solidarité pleine et entière avec les inculpés de la campagne BDS. Il est fondamental de soutenir ACAT France qui accompagne une famille gazaouie victime des bombardements israéliens de l’été 2014 dans sa plainte déposée contre l’entreprise française Exxelia Technologies pour crime de guerre et homicide involontaire. Des campagnes sont à mener sur ces [jeunes français engagés volontaires dans l’armée israélienne ou ces citoyens français résidents dans les colonies israéliennes des Territoires Occupés palestiniens. Les batailles ne manquent pas et chacune d’elle est une étape pour rendre justice au peuple palestinien, indispensable préalable à la paix.

Le 26 février, 153 parlementaires français ont signé une lettre ouverte réclamant à M. François Hollande de reconnaître l’Etat de Palestine. Si cette démarche vise simplement à rappeler la nécessité de soutenir la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël, elle n’a pas de sens politiquement dans la situation actuelle. En revanche, si elle est employée comme un levier pour renforcer toutes les campagnes précédemment citées, car la reconnaissance placerait de fait l’Etat de Palestine sous occupation illégale au regard du droit français, alors elle doit s’inscrire dans les revendications du mouvement de solidarité avec la Palestine.