Sur la solidarité des scientifiques avec la Palestine

L’interview de Steven et Hilary Rose est un rappel précieux du rôle central que les scientifiques ont joué pour ouvrir la voie au soutien international à la campagne BDS menée….

L’interview de Steven et Hilary Rose est un rappel précieux du rôle central que les scientifiques ont joué pour ouvrir la voie au soutien international à la campagne BDS menée par les Palestiniens. Les Rose ont écrit leur lettre au Guardian en avril 2002, en réaction à la « politique de répression violente d’Israël contre le peuple palestinien dans les territoires occupés ». Lorsque leur lettre est parue avec ses 120 premières signatures – à la fin il y en a eu près de 800 – un groupe de scientifiques s’employait, en France, à collecter des signatures à une lettre très similaire, dont les signataires affirmaient qu’ils « ne peuvent plus, en toute conscience, continuer à coopérer avec les institutions officielles israéliennes, y compris les universités ».

La lettre française a été publiée en ligne sur le site www.capjpo.org. Pendant le reste du printemps, le groupe français a collaboré avec les Rose et les sites internet français ont centralisé les commentaires et les lettres pour et contre les deux pétitions, y compris des liens vers des articles de la presse internationale. Les réactions des organismes scientifiques officiels ont été, comme on pouvait s’y attendre, hostiles : Nature a publié un éditorial intitulé « Ne boycottez pas les scientifiques israéliens » et l’Académie nationale des sciences, le Conseil international pour la science, l’American Physical Society, parmi de nombreuses autres organisations professionnelles, ont tous publié des déclarations condamnant les appels britannique et français. De façon générale, ces déclarations ont systématiquement dénaturé le mouvement en le présentant comme un appel au boycott de scientifiques israéliens individuels plutôt que d’institutions israéliennes officielles, et les groupes britanniques et français ont pris une part active au débat tout au long de 2002 (voir par exemple cette lettre, signée par six mathématiciens et publiée dans Nature en mai 2002).

Comme le soulignent les Rose, la création en 2004 de la Campagne palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël (PACBI) a pris la place des lettres de 2002. L’appel du PACBI a rapidement été approuvé par le BRICUP (BRItish Committee for Universities for Palestine), qui a succédé au groupe informel autour de l’initiative des Rose. Bien que le site français qui avait accueilli le débat ait rapidement disparu, son contenu a été mis en ligne quelques années plus tard par l’AURDIP (Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine), l’homologue français du BRICUP créé en 2009. Le matériel a de nouveau disparu lorsque le site de l’AURDIP a été temporairement fermé par un hacker franco-israélien, mais il est maintenant à nouveau disponible.

Les scientifiques restent en bonne place parmi les principaux militants de BRICUP et de l’AURDIP, mais ils sont moins visibles dans le mouvement de solidarité avec la Palestine aux États-Unis par rapport à l’époque de la création de SftP (Science for the People – la Science pour les gens). Je discute de certaines raisons possibles de cette situation dans un article publié en 2016. Heureusement, grâce en grande partie aux initiatives prises par Scientists for Palestine, en particulier leurs événements à Columbia (coparrainés par SftP) et au MIT, les jeunes scientifiques américains sont de plus en plus conscients que leurs collègues palestiniens sont toujours soumis à la « politique de répression violente » d’Israël, et sont de plus en plus disposés à se mobiliser en leur faveur.

Les lecteurs sont encouragés à signer cette pétition internationale qui demande la libération de l’astrophysicien palestinien Imad Barghouthi, détenu sans inculpation depuis plus de deux semaines.

À propos de l’auteur

Michael Harris est professeur de mathématiques à l’université de Columbia. Il a participé au SftP dans les années 1980 en tant qu’organisateur du programme « Science for Nicaragua ». Il a enseigné à Paris pendant plus de vingt ans à l’Université Paris-Diderot ; avant cela, il a enseigné à l’Université Brandeis. Il a également occupé des postes de professeur invité à l’Institut mathématique de Steklov à Moscou, à l’Université de Bethléem en Palestine et à l’Institut des Hautes Études Scientifiques en France, entre autres. En France, il a été membre fondateur de l’AURDIP (Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine). Son blog est mathematicswithoutapologies.wordpress.com.