Le partenariat entre l’Institut d’études politiques et l’université privée Reichmann, située à Tel-Aviv, a été rétabli par un vote du conseil d’administration mercredi 18 décembre. Cinq enseignants ont annoncé leur démission de cette instance dans la foulée.
StrasbourgStrasbourg (Bas-Rhin).– Le partenariat entre Sciences Po Strasbourg et l’université Reichmann en Israël n’aura été suspendu que pendant six mois. Mercredi 18 décembre, le conseil d’administration de l’Institut d’études politiques (IEP) de Strasbourg a voté le rétablissement de ses liens avec l’université privée de Tel-Aviv. Les débats et le vote se sont tenus en distanciel. Une manière d’éviter l’envahissement de la salle de réunion qui a eu lieu lors du conseil d’administration extraordinaire du jeudi 4 décembre. La décision du rétablissement a été prise avec 14 voix favorables, 1 contre, 4 abstentions. Quinze administrateurs n’ont pas pris part au vote.
Dans un communiqué, le directeur de Sciences Po Strasbourg, Jean-Philippe Heurtin, a donné plusieurs explications sur le texte voté qui « réaffirme la confiance qu’une institution universitaire comme [Sciences Po Strasbourg] place dans l’université Reichmann et entend renouveler l’avis favorable à ce partenariat ».
Selon le responsable de l’IEP, les « positions publiques des enseignants-chercheurs de l’université Reichmann sont marquées par une diversité de positions concernant les réformes illibérales et la conduite de la guerre » à Gaza. Jean-Philippe Heurtin estime aussi que « le soutien aux forces armées israéliennes dans le conflit en cours se limite à la collecte de denrées alimentaires, à la mise en place de soutiens psychologiques et à une attention aux étudiants réservistes mobilisés ».
Votée en juin et médiatisée fin octobre, la suspension du partenariat entre l’IEP et l’université Reichmann a suscité une vive polémique. Le ministre des affaires étrangères démissionnaire Jean-Noël Barrot avait déploré une « décision affligeante ». Franck Leroy, président de la région Grand Est, avait aussi dénoncé un choix « inadmissible ». L’association des anciens élèves de Sciences Po Strasbourg avait demandé son annulation en rejetant « toute dérive raciste, antisémite ainsi que toute discrimination et instrumentalisation ».
Le directeur de Sciences Po Strasbourg n’a jamais caché ses intentions de rétablir le partenariat. Dans une tribune diffusée début novembre, le responsable de l’IEP de Strasbourg soutenait : « Israël est donc le seul pays qui suscite l’indignation de ces vertueux censeurs : tout se passe comme s’ils ne supportaient pas que le peuple juif ait le droit d’avoir un État. »
Auprès de Rue89 Strasbourg, Jean-Philippe Heurtin a d’abord affirmé que le vote du conseil d’administration de juin n’avait pas d’effet réel sur le partenariat. Pourtant, en coulisses, il s’activait déjà pour réunir une majorité qui voterait une nouvelle délibération sur le sujet.
Une polémique loin d’être finie
À la suite du vote du mardi 18 décembre, cinq enseignants-chercheurs ont annoncé leur démission du conseil d’administration de Sciences Po Strasbourg. Vincent Dubois, Michel Fabreguet, Valérie Lozac’h, Jérémy Sinigaglia et Nadine Willmann ont ainsi expliqué leur décision : « Nous considérons que ce vote est un déni de démocratie universitaire. Nous estimons que ce revirement décrédibilise le conseil d’administration et Sciences Po Strasbourg plus généralement. […] Nous refusons d’être complices d’une université qui soutient le massacre de civils et des opérations militaires contraires au droit international à Gaza, au Liban et maintenant en Syrie. »
Dans un texte signé par les cinq enseignants-chercheurs et treize représentants étudiants, les soutiens à la suspension du partenariat dénoncent une « contre-motion présentée comme la réponse à une demande d’un tiers des membres du CA, sans qu’on connaisse l’identité des demandeurs, ni la date ni le contenu précis de cette demande ».
Pour le sociologue et politiste Vincent Dubois, « il ne fallait pas voter cette délibération. Ce faisant, la direction de Sciences Po Strasbourg a suscité une nouvelle occasion de relancer la polémique et de souffler sur des braises qui ne sont pas refroidies ».
Membre de la liste Solidaritétudiante, Simon Levan sort de cette séquence avec un goût amer : « On a essayé de se mobiliser au sein du conseil d’administration en respectant les règles de cette institution. On a réussi à faire voter une motion en juin. Désormais, il est clair que ce conseil d’administration n’est qu’une chambre d’enregistrement. Il n’y a pas eu d’échanges. Il n’y a eu qu’un dialogue de sourds. Et la contre-motion n’a pu être votée que grâce au vote des personnalités extérieures. »
Selon l’étudiant, la mobilisation sur le partenariat avec l’université Reichmann n’est pas terminée : « Le comité Palestine de Sciences Po Strasbourg organise déjà la mobilisation à Sciences Po Strasbourg au retour des congés. Nous sommes nombreux et nombreuses à ne pas vouloir être associées à une université qui propage les mots d’ordre du gouvernement Nétanyahou. »
Guillaume Krempp (Rue89 Strasbourg)
