Sanctions économiques immédiates : l’UE est le premier investisseur en Israël

Le mardi 15 juillet, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne (UE) se réunissent à Bruxelles pour décider s’il convient d’imposer des sanctions à Israël. Il s’agit d’un moment crucial pour l’UE, qui doit tracer une ligne rouge et cesser d’injecter des milliards d’euros dans l’économie israélienne, alimentant ainsi le génocide et l’occupation. L’analyse de SOMO sur le commerce et les investissements étrangers vers et depuis Israël révèle à quel point les économies européenne et israélienne sont étroitement liées. Sur la base de cette analyse, SOMO appelle à la suspension immédiate de l’accord d’association UE-Israël, ainsi qu’à un embargo total sur les armes, à des sanctions économiques étendues et à la responsabilisation des entreprises.

Principales conclusions

  • L’UE est le premier investisseur mondial en Israël, avec près de deux fois plus d’investissements que les États-Unis. Selon les dernières données du FMI sur les investissements étrangers, les États membres de l’UE détenaient 72,1 milliards d’euros d’investissements étrangers en Israël en 2023, contre 39,2 milliards d’euros pour les États-Unis.
  • Israël a lui-même investi 65,9 milliards d’euros dans l’UE, soit sept fois plus qu’aux États-Unis (8,8 milliards d’euros). Cela fait de l’UE la principale destination des investissements israéliens.
  • Malgré le génocide perpétré par Israël contre les Palestiniens à Gaza et son occupation illégale des territoires palestiniens occupés, l’UE a augmenté ses exportations vers Israël d’un milliard d’euros, passant de 25,5 milliards d’euros en 2023 à 26,7 milliards d’euros en 2024.
  • L’UE est le premier partenaire commercial d’Israël, et le total de ses échanges commerciaux avec Israël en 2024, importations et exportations confondues, s’est élevé à 42,6 milliards d’euros. Ce chiffre est nettement supérieur à celui des États-Unis, dont le commerce avec Israël a totalisé 31,6 milliards d’euros la même année.
  • Parmi tous les États membres de l’UE, les Pays-Bas sont de loin le plus grand investisseur en Israël et représentent les deux tiers des investissements de l’UE dans ce pays. En fait, aucun autre pays au monde n’investit autant en Israël. Avec 50 milliards d’euros d’investissements détenus par des entreprises néerlandaises en 2023, les Pays-Bas devancent même les États-Unis. À l’inverse, les Pays-Bas sont également la première destination des investissements israéliens, attirant six fois plus d’investissements que les États-Unis.

Les liens économiques étroits entre l’UE et Israël

La Commission européenne et les ministres des Affaires étrangères de l’UE se réunissent le 15 juillet à Bruxelles pour décider de la ligne de conduite de l’UE à l’égard d’Israël. Cette réunion fait suite à la reconnaissance publique par l’UE, en juin, qu’Israël pourrait avoir violé l’article de l’accord d’association UE-Israël relatif aux droits humains. En vertu de cet accord, une telle violation devrait amener l’UE à revoir et à suspendre les avantages commerciaux accordés à Israël. Une telle suspension ne constituerait toutefois qu’une mesure minimale, compte tenu de l’ampleur des crimes atroces commis par Israël et du fait que l’UE continue de lui fournir des armes.

L’analyse de SOMO sur les relations commerciales et d’investissement de l’UE avec Israël montre que l’économie européenne est profondément imbriquée dans celle d’Israël. L’UE est la première source d’investissements étrangers et le premier partenaire commercial d’Israël, et a même augmenté ses exportations vers Israël depuis le début du génocide. Cela signifie que l’UE est le principal moteur de l’« économie du génocide » d’Israël, fournissant au gouvernement israélien les revenus et les ressources indispensables pour poursuivre son occupation illégale et son génocide contre le peuple palestinien.

Dans son dernier rapport, intitulé « D’une économie d’occupation à une économie de génocide », la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés (TPO), Francesca Albanese, a enquêté sur la complicité d’entités privées dans les crimes internationaux liés au génocide perpétré par Israël à Gaza et à l’occupation illégale des TPO. Elle affirme qu’Israël passe d’une économie d’occupation à une économie de génocide. Au sujet de la poursuite des profits tirés du génocide à Gaza et de sa facilitation, elle déclare : « Au cours des 21 derniers mois, alors que le génocide perpétré par Israël a dévasté la vie et les paysages palestiniens, la bourse de Tel Aviv a bondi de 213 %, accumulant 225,7 milliards de dollars de gains boursiers. »

Afin d’illustrer l’ampleur de la contribution et des profits de l’UE à l’économie israélienne, cette note d’information présente un aperçu des pays qui investissent le plus en Israël et qui en tirent le plus de bénéfices. Elle se base sur une analyse des données d’Eurostat et du FMI relatives aux investissements directs étrangers (IDE) entrant et sortant d’Israël. Elle fournit également un aperçu des échanges commerciaux entre l’UE et Israël, sur la base des données COMTRADE des Nations Unies.

L’UE est de loin le premier investisseur étranger en Israël

L’illustration no. 1 montre que l’UE était le plus grand des cinq investisseurs en Israël en 2023, l’UE représentant le total de tous les États membres de l’UE. Les chiffres présentés correspondent à ce que l’on appelle le stock d’IDE : la valeur totale des prêts et des prises de participation des entreprises d’un pays donné dans l’économie israélienne au cours d’une année donnée. Le FMI ne publiera pas les données sur les IDE pour 2024 avant décembre 2025, mais il convient de noter que, selon le Rapport sur l’investissement dans le monde 2025 de la CNUCED, les IDE mondiaux en Israël ont augmenté en 2024.

La valeur des investissements de l’UE en Israël est près de deux fois supérieure à celle des États-Unis. Ensemble, les États membres de l’UE ont investi 72,1 milliards d’euros en Israël en 2023, contre 39,2 milliards d’euros pour les États-Unis la même année. Après l’UE et les États-Unis, les plus gros investisseurs en Israël sont la Chine, le Canada et la Suisse, selon les données qu’ils ont communiquées au FMI. Il convient de noter que, selon les données communiquées par Israël lui-même sur ses IDE, les îles Caïmans sont un investisseur étranger majeur avec 23 milliards de dollars en 2023. En raison d’un écart considérable dans les données du FMI sur les IDE communiquées par Israël – la moitié des IDE entrants déclarés proviennent de sources non précisées –, les chiffres présentés dans cet article sont basés sur les données sur les IDE communiquées par les pays investisseurs.

Illustration no. 1 : Les cinq plus gros investisseurs en Israël

UE : 72,1 milliards d’euros – États-Unis : 39,2 milliards d’euros – Chine : 2,4 milliards d’euros – Canada : 1 milliard d’euros – Suisse : 0,7 milliard d’euros

Illustration no. 2 : Les 10 États membres de l’UE qui investissent le plus en Israël

L’illustration no. 2 montre que les Pays-Bas représentent les deux tiers des investissements de l’UE en Israël. En fait, aucun autre pays n’investit autant en Israël que les Pays-Bas, qui dépassent même les États-Unis et investissent dix fois plus que l’Allemagne. Les investissements extrêmement élevés des Pays-Bas s’expliquent en partie par leur position de paradis fiscal et de pays relais. De ce fait, les Pays-Bas sont la deuxième source et la deuxième destination des IDE dans le monde, avec plus de 5 000 milliards de dollars de capitaux étrangers transitant par le pays.
Une grande partie de ces IDE pourraient correspondre à des « investissements fantômes », un terme utilisé par les chercheurs du FMI pour désigner les investissements qui ne sont pas liés à des activités économiques réelles dans le pays, mais qui sont utilisés pour « minimiser la facture fiscale mondiale des multinationales ». Toutefois, selon des données de la Banque centrale néerlandaise, seuls 12 % des investissements néerlandais en Israël proviennent d’entités ad hoc, plus communément appelées « sociétés boîtes aux lettres ».

L’UE est de loin la principale destination des investissements israéliens

L’illustration no. 3 montre que l’UE est de loin la principale destination des investissements israéliens. Israël a investi 66 milliards d’euros dans l’économie de l’UE, soit plus de sept fois plus qu’aux États-Unis. Comme le montre l’illustration no. 4, les Pays-Bas se distinguent comme le principal bénéficiaire, avec 47,3 milliards d’euros, suivis de Chypre et de l’Allemagne, qui ont respectivement reçu 6,9 et 4,9 milliards d’euros d’investissements israéliens.

Cela signifie que l’UE, et les Pays-Bas en particulier, tirent un grand profit de l’économie israélienne. En raison des intérêts économiques et commerciaux importants en jeu, toute mesure de l’UE visant à imposer des sanctions économiques à Israël sera fortement contestée par ceux qui profitent des investissements israéliens.

Illustration no. 3 : Les 5 plus gros bénéficiaires des investissements israéliens en 2023

UE 65,9 milliards d’euros – États-Unis 8,8 milliards d’euros – Canada 2,9 milliards d’euros – Singapour 1,3 milliard d’euros – Suisse 1,1 milliard d’euros

Illustration no. 4 : Les 10 États membres de l’UE recevant le plus d’investissement d’Israël

Les échanges commerciaux entre l’UE et Israël ont augmenté en 2024 d’un milliard d’euros pour atteindre plus de 40 milliards d’euros

Selon les données de la Commission européenne et UN COMTRADE, l’UE est le premier partenaire commercial d’Israël, comme le montre l’illustration no. 5. En 2024, un tiers du commerce total de marchandises d’Israël avec le reste du monde était réalisé avec l’UE. La valeur des échanges commerciaux entre l’UE et Israël s’est élevée cette année-là à 42,6 milliards d’euros, soit nettement plus que le commerce d’Israël avec les États-Unis, qui s’est élevé à 31,6 milliards d’euros en 2024. La Chine et l’Inde étaient les troisième et quatrième partenaires commerciaux d’Israël. Cela signifie que l’UE est le principal fournisseur de biens et de ressources d’Israël, ainsi que son plus grand marché en termes de ventes. Les dispositions relatives au libre-échange incluses dans l’accord d’association UE-Israël sont donc cruciales pour l’économie israélienne, et leur suspension pourrait avoir un impact considérable.  

Étonnamment, le commerce total de marchandises entre l’UE et Israël a en fait augmenté d’un milliard d’euros entre 2023, année où le génocide a commencé, et 2024. Cette augmentation est due à la hausse des exportations de l’UE. Cela signifie que depuis le début du génocide, l’UE a en fait augmenté ses livraisons de ressources à l’économie israélienne, fournissant au pays les ressources essentielles pour maintenir son économie de génocide et d’occupation.

Illustration no. 5 : Les quatre plus grands partenaires commerciaux d’Israël

UE : 42,6 milliards d’euros – États-Unis : 31,6 milliards d’euros – Chine : 19,3 milliards d’euros – Inde : 3 milliards d’euros

L’UE a importé pour 15,9 milliards d’euros de marchandises en provenance d’Israël, principalement des machines, des équipements de transport et des produits chimiques. À l’inverse, l’UE a exporté pour 26,7 milliards d’euros de marchandises vers Israël, également principalement des machines et des équipements de transport.

Illustration no. 6 : Les dix plus gros partenaires commerciaux d’Israël en milliards d’euros

Mettons fin au statu quo : l’UE doit imposer des sanctions économiques à Israël

En vertu de la Convention des Nations Unies sur le génocide, tous les États ont l’obligation d’employer tous les moyens raisonnablement à leur disposition pour prévenir le génocide. Les mesures précises à prendre dépendent de la « capacité des États à influencer efficacement les actions des personnes susceptibles de commettre ou commettant déjà un génocide ». La capacité de l’UE à exercer une telle pression est importante, car la suspension de son accord d’association et l’imposition de sanctions à Israël mettraient fin à un moteur essentiel de son économie.

En outre, dans son avis consultatif de juillet 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a déterminé que la présence militaire et coloniale d’Israël dans les territoires palestiniens occupés était illégale. La CIJ affirme que tous les États doivent « s’abstenir de conclure avec Israël des relations économiques ou commerciales […] susceptibles de consolider sa présence illégale dans le territoire » et « prendre des mesures pour empêcher les relations commerciales ou d’investissement qui contribuent au maintien de la situation illégale créée par Israël dans le territoire palestinien occupé ».

Plutôt que de profiter de l’économie du génocide et de l’occupation d’Israël et de l’alimenter, l’UE a le devoir et la possibilité d’utiliser son énorme influence économique sur Israël pour exiger la fin des atrocités commises à Gaza et en Cisjordanie occupée. L’UE ne doit pas continuer à laisser ses intérêts économiques en Israël l’emporter sur des vies humaines.

Elle doit instaurer un embargo total sur les armes et interdire l’exportation de biens à double usage, de biens de haute technologie, de matières premières telles que le pétrole et le gaz, et de toutes les autres marchandises susceptibles de contribuer à la capacité d’Israël à poursuivre son occupation et son génocide.

Comme le souligne le rapport de la rapporteuse spéciale des Nations Unies, Mme Albanese, de nombreuses entreprises actives en Israël contribuent directement au génocide et mettent en danger la vie des Palestiniens. L’UE doit garantir la pleine responsabilité de toutes les entités commerciales actives en Israël. Toutes les entreprises actives en Israël doivent se désengager de manière responsable lorsque leurs activités risquent de contribuer directement ou indirectement aux crimes commis par Israël contre les Palestiniens.

Vingt-et-un mois après le début du génocide, les gouvernements de l’UE doivent enfin tracer une ligne rouge et tenir Israël responsable de ses actes. Cela doit commencer par un embargo total sur les armes, des sanctions économiques et la responsabilisation des entreprises.

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Rédigé par : Jasper van Teeffelen

Publié le : 15 juillet 2025