Salah Hamouri, héros palestinien déporté.

Salah Hamouri, célèbre avocat franco-palestinien était à Clermont-Ferrand ce jeudi 1er juin, pour une conférence relatant ses différentes détentions, sa déportation en France, son interdiction de retourner à Jérusalem, et son combat pour les palestiniens qu’il continue ici. Il était accompagné de Pierre Barbencey, journaliste-reporter à L’huma, et spécialiste sur l’occupation en Palestine.

Yves de l’Association France Palestine Solidarité amorce le débat, aux côtés de l’association des Amis de l’huma et de l’association des amis du temps des cerises. Salle Conchon, il fait chaud. En même temps, il faut refuser du monde. 210 personnes se sont présentées. Salah, à la tribune a chaud. A ses côtés, son ami et journaliste Pierre Barbencey. A eux deux, ils vont dérouler une présentation glaçante de la réalité de l’occupation.

Yves Chilliard rappelle que Salah est devenu citoyen d’honneur en 2010 pour la ville de Beaumont, puis en 2018, de la ville d’Aubière et de Montcel. En ce 1er juin 2023, il est devenu citoyen d’honneur des villes de Blanzat et Billom. 5 villes dans le Puy-de-Dôme qui permettent la libération de la parole de Salah et avec lui, celle des palestiniens. « Une voix contre celle de la désinformation d’Israël », explique Yves.

Salah est un prisonnier politique, un exilé politique, un déporté. Obligé de quitter son pays, il vit désormais en région parisienne avec sa femme et ses deux enfants.

Son tort ? Dénoncer l’occupation israélienne. Comme l’explique Pierre Barbencey « En Israël, on peut être incarcéré sans que le détenu ni même son avocat en connaisse les motifs. » Journaliste à L’huma, Pierre est l’un des seuls journalistes à avoir suivi Salah depuis ses premières incarcérations. « Le problème de la Cisjordanie, c’est qu’elle est isolée du reste du monde. Que personne n’en parle. Tous les jours, il y a des morts, alors les médias se sont lassé. »

Pour lui, parler de l’occupation en France est devenu dangereux. « On nous traite d’antisémites, alors qu’on ne dénonce pas la politique des juifs, mais d’Israël. »

Ce fait colonial a donc été battu en brèche dans les médias, et plus globalement dans la sphère politique. Pourtant, selon le journaliste. « La purge ethnique continue. C’est un acte de résistance de se dire palestinien en Palestine. »

Pourtant Salah, lui, se rappelle. Il a 6 ou 7 ans. Un de ses oncles est dans la résistance palestinienne. L’ennemi le cherche. Toutes les nuits, il sera réveillé puis mis dans une petite pièce de 22H à 4h du matin, le temps que les soldats israéliens fouillent la maison. Cela durera 3 ans.

Il se rappelle ensuite des visites de cet oncle en prison. La prison qu’il connaîtra beaucoup trop. A 39 ans, Salah a passé 10 ans derrière les barreaux. La première fois, il a 15 ans, il est blessé par balles. Son interrogatoire durera 60 jours, isolé dans une pièce avec une lampe allumée au-dessus de lui.

La pression, il la vit constamment : Arrêté et mis en prison. Interdit de se rendre en Cisjordanie. Son épouse est renvoyée en France. Interrogatoire tous les mois. Révocation de sa carte de résidence.

Puis, le 7 mars 2022, en pleine nuit, il est arrêté et placé en détention administrative. sans avoir le droit d’en connaître la raison. Le 18 décembre dernier, menotté aux pieds et aux mains, il est conduit dans un avion sans billet retour. Il atterrira à Roissy. « Je n’ai pas le droit de retourner dans ma patrie. Je suis un déporté. »

Salah pense que son cas sera suivi d’autres. En février 2023, le parlement Israélien a élargi ses restrictions pour le peuple palestinien jusqu’à la révocation de leur nationalité. « Leur but c’est qu’en 2030, il y ait une minorité d’arabes. »

Alors, les emprisonnements pleuvent. Et Salah raconte. « 5000 prisonniers politiques, 160 enfants, 1000 détenus malades. 300 y sont depuis plus de 30 ans. On vient nous chercher le jour d’un enterrement d’un père ou d’un frère. Devant tout le monde. »

Les enfants sont maltraités, torturés, n’ont pas le droit aux visites ni aux études. salah s’arrête sur le cas d’un jeune garçon de 13 ans, qui a force d’être torturé à développer des maladies psychiatriques. Plutôt que d’être soigné, il a été mis à l’isolement. Cela fait 2 ans que l’enfant est enfermé, seul. Sans pouvoir voir sa famille. « On assassine les enfances… »

Les femmes sont traitées de façon tout aussi horrible. Torturées aussi. « Elles accouchent menottées. »

Les personnes malades ne sont pas soignées, souffrant pour la plupart de cancers. 3 sont décédés depuis le début de l’année. « Et ils gardent le corps jusqu’à la fin de la détention. Si la personne décédée a pris 10 ans mais qu’elle meurent au bout de 3 ans, la famille attendra 7 ans le corps. »

Malgré tout, les palestiniens n’abdiquent pas. « Quand tu es en prison, tu changes ta façon de résister. Nous sommes enfermés entre prisonniers politiques. C’est nous ou le temps qui prend le contrôle. Alors, on organise sa vie, de façon discrète. Et cela va vous paraître fou, mais nous avions par exemple l’élection de différentes commissions. » Salah raconte alors son quotidien de détenu, avec des heures précises. Des cours de journalisme ou de politique. Des heures de lecture. « Nous avions une vie riche, tu croises des modèles en prison, des résistants qui sont là depuis 30 ans. En fait, tout mon parcours idéologique je l’ai construit en prison. J’ai appris l’histoire des peuples opprimés et j’ai mieux compris notre injustice. »

Incarcéré la première fois à 16 ans, Salah n’était qu’un militant. Aujourd’hui, après la détention, son combat s’est renforcé, il a développé la résistance jusqu’à parfois se mettre en grève de la faim.

« La grève de la faim ça s’organise. Si tu la fais seul, c’est inutile. Si nous sommes 3000, ça change tout. Alors, c’est vrai, certains en sont morts, mais c’était notre seul moyen de pression. » En 2011, il fait sa première grève de la faim. Il entamera la deuxième en septembre 2022.

« J’ai été pris tout seul, sans aucun bien. sans fenêtre, avec une caméra dans une toute petite salle. J’ai vécu l’enfer. Des pressions quotidiennes. Ils me réveillaient dès que je m’endormais. En grève de la faim, normalement on ne prend que du sel et de l’eau. Et bien ils ne nous donnaient jamais de sel. En 2011, c’était encore différent. Nous étions 80. On a vu les geôliers installer des ventilateurs, dans la direction de nos fenêtres et ils ont organisé un…barbecue dans la cour… »

« La prison, l’isolement a brisé des gens. Parfois, certains ne peuvent plus vivre en société après ça. Un d’entre nous a été 13 ans en isolement. Aujourd’hui, il ne peut plus croiser personne… »

Salah répond aux questions de l’auditoire. On le sent fatigué, déterminé. Puis, on va se boire un verre. Il prend une bonne pizza. Et un Chivas.

Salah ne semble avoir plus peur de rien. Ni de ceux qui viennent perturber ses conférences, notamment à Toulouse. Ni de ceux qui envoient des menaces sur sa famille. « Avec tout ce que j’ai vécu… » s’amuse-t-il. Ce soir, il est à Paris. Il voyage partout pour dénoncer l’occupation, les emprisonnements arbitraires, les conditions de détention, et l’isolement total de ce combat dont les autres pays semblent se détourner. « Ici, là-bas ou ailleurs, de toutes façons, je continuerai à résister… »