Des preuves substantielles et bien documentées montrent une urgence de santé publique catastrophique à Gaza, caractérisée par une grave insécurité alimentaire et des niveaux alarmants de décès liés à la malnutrition.1 L’espérance de vie à la naissance aurait diminué d’environ 35 ans en 2024.2 Ceci représente un plus grand effondrement de la longévité que celui qui a été enregistré pendant le génocide au Rwanda, où l’espérance de vie à la naissance avait baissé de 42.9 ans à 12.2 ans en 1994.3
Les enfants palestiniens ont été touchés de façon disproportionnée. Depuis le 7 octobre 2023, Gaza a enregistré plus de morts d’enfants que dans n’importe quelle autre zone de conflit et compte le plus grand nombre d’enfants amputés par habitant au monde.4 Par ailleurs, le système de santé a été systématiquement démantelé. Entre octobre 2023 et mai 2025, il y a eu 720 attaques documentées sur des cibles de soins de santé, dont 125 structures sanitaires, 34 hôpitaux et 186 ambulances.5 Gaza a enregistré le plus grand nombre de victimes parmi les travailleurs de santé (plus de 1.400 morts), le personnel de l’ONU (295 morts), et les journalistes (212 morts) dans quelles que soient les récentes zones de conflit.6
La famine est utilisée de façon répétitive et incessante comme une arme de guerre.7 Des organisations des droits de l’Homme de premier plan, des agences de l’ONU et des Rapporteurs Spéciaux de l’ONU ont officiellement reconnu le génocide à Gaza.8 Cette position est également soutenue par une association importante et prestigieuse d’érudits du génocide.9 Cependant, la plupart des associations de santé publique et des sciences médicales et sociales ont, soit gardé le silence, soit publié de vagues déclarations – réponse qui contraste fortement avec leur soutien rapide et audible à d’autres conflits, avec l’Ukraine par exemple.10 Ce schéma suggère une réponse d’une empathie sélective, une tendance à exprimer sa solidarité avec les gens perçus comme faisant partie d’un groupe déclaré interne et à négliger ceux qu’on classerait dans un groupe externe, en se fondant sur la nationalité, l’ethnicité, la religion ou l’alignement géopolitique.11
Pour contester ce silence sélectif, nous avons publié une lettre ouverte par laquelle nous exhortons les associations professionnelles et académiques dans les domaines des soins de santé, de la santé publique et des sciences sociales à reconnaître publiquement le génocide à Gaza et à revoir en conséquence leurs positions officielles (appendice pages 6 à 20).12 En quelques jours, la lettre a reçu plus de 3.300 signatures, dont 1.300 d’universitaires et de professionnels. Par ailleurs, cette initiative a poussé trois des plus grandes associations de santé publique – l’Alliance Européenne de Santé Publique, les Associations Européennes de Santé Publique, et la Fédération Mondiale des Associations de Santé Publique, qui représentent mondialement plus de 5 millions de professionnels de la santé – à publier une déclaration conjointe de reconnaissance du génocide.13
Le génocide à Gaza est un test éthique déterminant pour la communauté mondiale de santé publique, les chercheurs en sciences sociales et les associations universitaires. Le silence n’est pas une option. En tant qu’universitaires et professionnels de la santé, nous sommes confrontés à un choix ardu : soit nous maintenons notre responsabilité éthique collective et nous nous exprimons pour empêcher d’autres violences et famine de masse, soit on nous rappellera notre silence et notre inaction sélectifs pendant l’une des crises morales et de santé publique les plus urgentes de notre temps.
Conflit d’intérêt
Nous déclarons n’avoir aucun conflit d’intérêts.
Note de la rédaction : Le Groupe Lancet adopte une position neutre concernant les revendications territoriales dans le texte publié.
Matériel supplémentaire (1)
PDF (557,04 Ko) Annexe supplémentaire