Procès BDS du 17 juin 2011 : une heureuse clarification !

BDS-France | 22/06/2011 | Le procès du 17 juin à Paris, intenté à Olivia Zémor en tant que directrice du site de la CAPJPO Europalestine pour avoir publié la vidéo….

BDS-France | 22/06/2011 |

Le procès du 17 juin à Paris, intenté à Olivia Zémor en tant que directrice du site de la CAPJPO Europalestine pour avoir publié la vidéo de l’intervention pacifique de la Campagne BDS dans le magasin Carrefour d’Evry (Essonne) en juillet 2009 a été un grand moment à plusieurs titres :

par sa durée : de 15h30 à minuit et demie !,
par son contenu politique,
par la qualité des intervenants soutenant le BDS,
et aussi par ce qu’il a constitué la première véritable brèche dans l’exception française qui permet à des officines soutenant la politique de l’Etat d’Israël de poursuivre avec l’appui du gouvernement les militants BDS en les accusant d’antisémitisme.

Le procès d’Alima Boumedienne, sénatrice, et d’Omar Slaouti à Pontoise en octobre 2010 s’était certes soldé par un non-lieu, mais ce non lieu s’appuyait sur des vices de procédure, évitant ainsi au juge de se prononcer quant au fond.

Certes aussi, plusieurs autres procès, dont ceux de Perpignan, Mulhouse et Bobigny sont suspendus, en attente de la réponse de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel à la « Question Prioritaire de Constitutionnalité » (QPC)

Mais cette fois, un vent nouveau a soufflé dans un tribunal : les défenseurs de BDS ont pu s’exprimer librement et longuement, et ont été écouté attentivement par le juge, qui n’a pas cherché à fuir les questions de fond.

Maitre Comte a bien conduit sa plaidoirie et parmi les témoins, Alain Krivine a rappelé que lors d’élections nationales le NPA avait fait imprimer des dizaines de millions de professions de foi appelant à BDS, Hajo Mayer et Liliana Cordova ont expliqué que ce sont leur parcours en tant que Juifs qui les ont convaincu de la nécessité de s’engager dans BDS, Omar Somi a afficher son devoir moral de dire la vérité aux jeunes maghrébins sur la politique d’Israël et la situation du peuple palestinien, etc

La vidéo de l’action d’Evry a été visionnée, ainsi qu’une déclaration de Stéphane Hessel et d’Elisabeth Guigou.

Maître Goldnadel, l’un des avocats de la partie civile, a demandé continuellement aux intervenants pourquoi ils ne boycottaient pas la Chine ou le Sri Lanka et ce qu’ils pensaient du Hamas, et le juge lui répondait que les témoins avaient répondu clairement à ces questions.

Le verdict sera rendu le 8 juillet.

Nous ne pouvons pas préjuger du résultat, mais pouvons déjà saluer la position de la procureuse qui, refusant de s’aligner sur les vives recommandations gouvernementales, s’en remet à l’appréciation du tribunal.

Ce procès reflète le développement de BDS dans l’opinion publique.

Les prochain procès seront celui des militants de Perpignan renvoyé à septembre et celui des militants de Mulhouse renvoyé au 17 novembre. La décision après le pourvoi en cassation de Sakina Arnaud à Bordeaux est encore en attente.

En attendant, sans hésiter et confiants dans cette cause, nous continuons à nous investir dans BDS jusqu’à ce qu’Israël respecte le droit international.

La Campagne BDS


Résumé des dépositions des 9 témoins de la défense.

Hajo Meyer, survivant juif d’Auschwitz aujourd’hui âgé de 86 ans, est venu d’Amsterdam en Hollande. Après avoir dénoncé l’odieux amalgame pratiqué par les dirigeants israéliens entre antisionisme et antisémitisme, témoin de l’avènement du régime hitlérien dans son Allemagne natale, Hajo s’attacha à argumenter son soutien au boycott d’Israël, notamment le boycott de ses institutions universitaires. L’Université israélienne, exposa-t-il, porte une lourde responsabilité dans la fabrication du poison raciste qui infeste la société israélienne, et des outils de répression « scientifique » aux mains de l’armée. Sa complicité est encore plus grande quand on sait qu’elle n’a jamais levé le petit doigt pour s’opposer à la politique de l’armée d’occupation pour empêcher la jeunesse palestinienne d’exercer son droit fondamental à l’éducation.

Liliana Cordova, animatrice de l’IJAN (Réseau international des Juifs anti-sionistes). Franco-argentine, Liliana a vécu 14 ans en Israël, qu’elle a fini par quitter, dégoûtée par le racisme et la ségrégation ambiants. Son association, l’IJAN, était partie prenante à l’action d’Evry, que Liliana a fièrement revendiquée à la barre.

Omar Soumi. Ce jeune universitaire franco-palestinien était en 2009 le président de Génération Palestine, une des associations cosignataires de la vidéo d’Evry, mise en ligne elle aussi sur son site. Le président du tribunal se montra particulièrement attentif, lorsqu’Omar, avec calme, raconta comment l’armée israélienne lui a interdit, au poste dit « frontière » qui sépare la Jordanie de la Cisjordanie occupée, de rendre visite à sa propre famille palestinienne.

Eric Hazan, des éditions La Fabrique, qui s’étonna de ne pas être lui-même poursuivi, alors qu’il a sorti il y a un an un livre entier consacré au boycott d’Israël, « Le BDS », du militant palestinien Omar Barghouti. Eric Hazan connait bien les parties civiles, puisque ce sont les mêmes qui avaient tenté, il y a quelques années, de faire condamner un autre ouvrage critique de la politique israélienne édité par La Fabrique, la passionnante « Industrie de l’Holocauste » de l’Américain Norman Finkelstein. Eric Hazan avait gagné le procès Finkelstein.

La sénatrice Alima Boumédiene-Thiery, autre cible privilégiée du lobby sioniste et du gouvernement de Sarkozy (une première poursuite ayant été déclarée nulle par le tribunal de Pontoise, Alima est néanmoins reconvoquée par la police judiciaire !) rendit compte de l’émotion soulevée par ces atteintes à la liberté d’expression y compris dans les milieux parlementaires. Elle informa le tribunal de la pétition signée en sa faveur par des centaines de députés et sénateurs, y compris d’élus appartenant à la majorité. Elle rappela également qu’en qualité de députée au parlement européen, elle fut l’initiatrice de la résolution adoptée le 10 avril 2002, exigeant la suspension des privilèges accordés par l’Union européenne à Israël, résolution que les gouvernements –dont le gouvernement français, cela va sans dire- refusèrent anti-démocratiquement de mettre en œuvre. Dès lors que les gouvernements refusent d’appliquer le droit, de quels autres moyens, sinon le boycott, les citoyens disposent-ils ?, demanda-t-elle au tribunal.

Alain Krivine, ancien député européen, lui aussi, et animateur historique de la LCR et désormais du NPA, revendiqua sa part de responsabilité dans l’action à l’hypermarché Carrefour d’Evry, dont la vidéo fut pareillement mise en ligne sur le site internet de son parti. Taquin, il fit également remarquer au tribunal que le NPA, dans les professions de foi de ses candidats aux élections européennes de 2009, s’était prononcé noir sur blanc pour le boycott d’Israël , tant que cet État ne respecterait pas les droits élémentaires du peuple palestinien. Petite précision : de tels documents électoraux sont de par la loi préalablement visés par les services du ministère de l’Intérieur, qui a la faculté de censurer des textes comportant des mentions illégales, incitant à la discrimination raciale pour prendre un exemple « au hasard ». Il n’en avait rien été, et les rotatives du NPA imprimèrent tranquillement la bagatelle de 90 millions de ces professions de foi, routées ensuite aux électeurs aux frais de l’Etat, comme prévu par la loi !

Ghislain Poissonnier, magistrat professionnel actuellement en disponibilité, détaché un temps auprès du CICR (Comité International de la Croix-Rouge) en Cisjordanie occupée, exposa synthétiquement le contenu d’une note sur la licéité du boycott, qu’il a publiée récemment dans un recueil du Dalloz, la « Bible » française en matière de doctrine juridique. Il insista en outre sur les obligations de l’Etat français lui imposant, en droit, de prendre des sanctions contre les personnes ou États violant le droit international, ce qui est le cas d’Israël au regard d’une série de textes, à commencer par les Conventions de Genève.

Le Professeur de droit Géraud de la Pradelle, avant-dernier des neuf témoins cités par la défense, expliqua le contenu et la portée des Conventions de Genève, ainsi que celui du jugement délivré par la Cour Internationale de Justice qui, le 9 juillet 2004 à La Haye (Pays-Bas), condamna à l’unanimité (moins la voix du représentant israélien) la construction du mur de l’annexion en Cisjordanie. « Une très large majorité, dans la communauté des juristes internationaux, ne comprennent pas pourquoi Israël, malgré les nombreuses résolutions condamnant ses actions, échappe à toute sanction », résuma-t-il.

Enfin, Mgr Jacques Gaillot, 75 ans réaffirma son soutien à la campagne de boycott, et plus généralement son propre combat pour que le peuple palestinien obtienne justice et liberté.