Pour commémorer une décennie d’impunité : l’assassinat à Gaza de quatre enfants de la famille Bakr par l’armée israélienne

Gaza, Haifa, 16 juillet 2024 — Ce jour est exactement celui du dixième anniversaire de l’assassinat de quatre enfants palestiniens de la famille Bakr : Ahed (9 ans), Zakaria (10 ans), Mohammed (11 ans), et Ismail (9 ans) – par l’armée israélienne à Gaza. En commémorant ce sombre anniversaire, Al Mezan, Adalah et le Centre palestinien pour les droits humains (PCHR) soulignent que le système juridique israélien échoue systématiquement à faire rendre des comptes aux coupables des actes de violence contre des Palestiniens. Cet échec persiste dans la campagne militaire génocidaire d’Israël contre plus de deux millions de Palestiniens de Gaza au cours des neuf derniers mois.

Le 16 juillet 2014, à environ 15h30, les forces israéliennes ont tiré trois missiles qui ont tué quatre garçons qui jouaient au football sur la plage de pêche de la ville de Gaza. Six autres civils palestiniens ont aussi été blessés, et parmi eux quatre enfants de la même famille étendue. Ces événements ont suscité une attention internationale intense de la part des médias et du public, particulièrement parce qu’ils se sont produits à proximité d’un hôtel où logeaient de nombreux journalistes étrangers. Deux jours après l’attaque, Adalah et Al Mezan ont demandé l’ouverture d’une enquête criminelle ds autorités israéliennes sur l’incident, sur la base de graves soupçons que le droit humanitaire et le droit pénal internationaux avaient été violés dans cette attaque directe qui a tué des enfants. Malgré des preuves claires de la nature aveugle de l’attaque, l’enquête israélienne, qui n’était ni impartiale ni indépendante comme cela serait exigé par le droit international, a été rapidement close, en juin 2015, sans autre action. Au cours des cinq années suivantes, Al Mezan, Adalah, et PCHR ont fait appel de cette décision, sans aucun effet.

En 2020, les trois organisations de défense des droits humains ont adressé une requête à la Cour suprême israélienne en remettant en question la décision de clore l’affaire. Dans son jugement, rendu le 24 avril 2022, la Cour suprême  a rejeté la requête en affirmant qu’elle ne trouvait aucune base pour intervenir dans la décision de clore le cas prise par les autorités israéliennes. La Cour n’a pas évalué les preuves substantielles présentées ni les failles importantes de l’enquête menée par les autorités israéliennes, dont le fait qu’aucun témoin civil, par exemple les journalistes internationaux, n’avait été questionné. Au lieu de cela, la Cour a remarqué que les procédures d’investigation d’Israël satisfont au droit international et qu’elle ne voyait aucune justification pour intervenir dans le jugement d’autres autorités.

Avec cette affaire, les groupes de défense des droits humains ont essayé de porter un des cas les plus graves de la guerre de 2014 — l’assassinat direct de quatre enfants palestiniens qui jouaient sur la plage et les blessures de plusieurs autres — devant la Cour suprême. Malgré l’absence d’enquête réelle et effective sur l’affaire, la Cour n’a fait rendre de comptes à personne. Cette absence de toute responsabilisation n’est pas un incident isolé, elle fait partie d’un schéma plus large d’impunité, démontrant que le système juridique israélien est incapable de garantir selon les standards internationaux la reddition de comptes des crimes internationaux perpétrés par ses citoyens contre des Palestiniens et qu’il ne veut pas le faire.

Selon la documentation d’Al Mezan, au cours des 51 jours séparant le 7 juillet du 26 août 2014, 2219 Palestiniens ont été tués à Gaza, 70 % d’entre eux étant des civils, dont 566 enfants. Adalah, Al Mezan et PCHR ont soumis des requêtes concernant des centaines d’incidents qui se sont produits pendant l’offensive militaire de 2014, dont des attaques directes contre des bâtiments résidentiels, des hôpitaux, des mosquées et des établissements de l’UNRWA qui hébergeaient des personnes déplacées à l’intérieur de la Bande de Gaza, ainsi que des attaques ayant eu pour conséquences des dommages civils étendus, des morts, des blessures et des dommages aux biens civils. Les autorités israéliennes n’ont pas émis un seul acte d’accusation pour ce qui apparaissait comme des crimes de guerre et aucun officiel, commandant militaire ou membre du personnel israélien n’a été tenu pour responsable de ces assassinats massifs et des blessures infligées aux civils palestiniens.

Une décennie plus tard, il n’y a aucune justice pour la famille Bakr et pour d’innombrables autres victimes palestiniennes des crimes flagrants commis par l’armée israélienne et d’autres responsables pendant l’offensive de 2014 à Gaza. La protection complète des auteurs de crimes contre l’obligation de rendre des comptes pour les crimes passés, que ce soit par l’armée ou par le système judiciaire israélien, y compris par la Cour suprême d’Israël, a enhardi les autorités israéliennes à continuer à commettre des violations graves du droit humanitaire, des droits humains et du droit pénal internationaux contre le peuple palestinien. Ce schéma d’impunité était évident pendant la Grande Marche du retour, les offensives militaires répétées à grande échelle contre Gaza et les actions actuelles qui reviennent à un génocide. De plus, Israël a ignoré ouvertement les ordonnances de mesures provisionnelles émises par la Cour internationale de justice le 26 janvier, le 28 mars et le 24 mai 2024.

Sans une claire reddition de comptes internationale, il est peu probable que des centaines de milliers de victimes palestiniennes et leurs familles obtiennent justice, que ce soit pour les atrocités endurées pendant les offensives de 2008-2009, 2012, 2014, 2021 et 2022, pendant la Grande Marche du retour ou pendant les neuf derniers mois du génocide de Gaza. La communauté internationale ne doit pas oublier les atrocités passées. L’échec systématique à faire rendre des comptes aux auteurs de crimes à l’intérieur du système judiciaire israélien interne nécessite un appel urgent à l’action internationale. La Cour pénale internationale doit intensifier ses enquêtes sur les crimes internationaux commis dans le territoire palestinien occupé depuis le 13 juin 2014, y compris durant l’offensive de 2014 sur Gaza, pour garantir que les responsables de tels crimes soient traduits devant la justice.