« Personne ne devrait faire comme s’il était surpris », dit un expert des Nations Unis qui a alerté dès l’an dernier sur la famine à Gaza

Michael Fakhri, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la nourriture qui a sonné l’alarme début 2024, déclare : « Israël affame Gaza. C’est un génocide ».

L’expert des Nations Unies qui a alerté le premier sur le fait qu’Israël orchestrait une campagne de famine de masse délibérée à Gaza il y a plus de 500 jours a dit que les gouvernements et les compagnies ne peuvent prétendre être surpris devant l’horreur qui se déroule maintenant.

« Israël a construit la machine d’affamement la plus efficace que vous puissiez imaginer. Donc s’il est toujours choquant de voir des gens affamés, personne ne devrait faire comme s’il était surpris. Toute l’information a été diffusée ouvertement depuis le début 2024 », a dit au Guardian Michael Fakhri, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la nourriture.

« Israël affame Gaza. C’est un génocide. C’est un crime contre l’humanité. C’est un crime de guerre. Je l’ai répété et répété et répété, je me sens comme Cassandre », a dit Fakhri, évoquant la figure mythologique grecque dont les avertissements et les prédictions ont été ignorés.

Le 9 octobre 2023 — deux jours après l’attaque meurtrière du Hamas — le ministre israélien de la Défense d’alors, Yoav Gallant, a déclaré « un siège complet » de Gaza et a dit qu’il arrêterait toute fourniture d’électricité, de nourriture, d’eau ou de combustible. Les Gazaouis représentent 80% des personnes souffrant d’une famine catastrophique dans le monde, selon les chiffres des Nations Unies et des agences internationales d’aide humanitaire.

La famine étendue, la malnutrition et la maladie conduisent maintenant à une forte augmentation des morts liées à la faim dans tout Gaza, avec plus de 20000 enfants hospitalisés pour malnutrition aiguë entre avril et la mi-juillet, selon la Classification intégrée des phases de sécurité alimentaire (IPC), une initiative mondiale qui fournit des données en temps réel sur la faim et la famine pour les Nations Unies et les groupes d’aide humanitaire.

« Le pire scénario possible de famine se joue actuellement » dans toute la Bande de Gaza, a averti l’IPC dans une alerte au début de la semaine.

Fakhri fait partie des premiers à avoir alerté sur la famine imminente — et le besoin d’une action urgente pour empêcher Israël d’affamer deux millions de personnes à Gaza.

Dans une interview du Guardian publiée le 28 février 2024, Fakhri disait : «  Nous n’avons jamais vu une population civile devenir aussi affamée si rapidement et si complètement, c’est un consensus parmi les experts sur la famine … Priver intentionnellement les gens de nourriture est clairement un crime de guerre. Israël a annoncé son intention de détruire le peuple palestinien, totalement ou en partie, simplement parce qu’ils sont palestiniens … c’est maintenant une situation de génocide. »

Le mois suivant, la Cour internationale de justice (CIJ) a reconnu le risque de génocide à Gaza et a attiré l’attention sur « l’extension de la famine et des privations ». La CIJ a dit qu’Israël devait immédiatement prendre toutes les mesures nécessaires et efficaces, en coopération avec les Nations Unies, pour garantir un accès sans entraves à l’aide humanitaire, en particulier à la nourriture, à l’eau, aux abris, aux combustibles et aux médicaments.

En mai, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et l’ancien ministre de la Défense Gallant sont devenus les premiers individus au monde à être accusés formellement par un tribunal international d’affamement délibéré, ce qui est un crime de guerre.

En juillet 2024, un groupe d’experts des Nations Unies, dont Fakhri, a déclaré qu’il y avait une famine après que les premiers décès dus à la faim ont été rapportés à Gaza. Fakhri a aussi publié un rapport détaillé pour les Nations Unis du contrôle d’Israël depuis des décennies sur la production de nourriture et sur les approvisionnements des Palestiniens, un carcan signifiant que 80% de la population de Gaza dépendait de l’aide humanitaire quand Gallant a annoncé en octobre 2023 le siège qui se poursuit actuellement.

Pourtant il y a eu peu ou pas d’action pour empêcher Israël d’affamer les Palestiniens, ce qui a été réalisé en détruisant systématiquement la production locale de nourriture (serres, vergers, terres agricoles) et en bloquant l’aide — en violation du droit international.

Selon Fakhri, c’est la raison pour laquelle la famine s’est maintenant implantée à Gaza.

« La famine est toujours politique, toujours prévisible et toujours évitable. Mais il n’y a pas de verbe pour famine. Nous ne faminons pas les gens, nous les affamons petit à petit — et cela conduit inévitablement à la famine si aucune action politique n’est prise pour l’empêcher.

« Mais expliquer l’affamement de masse comme une conséquence du blocus le plus récent est une mauvaise compréhension de la manière dont l’affamement fonctionne et de ce qui se passe à Gaza. Les gens ne sont pas affamés d’un seul coup, les enfants ne dépérissent pas aussi rapidement. C’est parce qu’ils ont été délibérément affaiblis pendant si longtemps. L’État d’Israël lui-même a utilisé la nourriture comme arme depuis sa création. Il peut assouplir et resserrer sa machine à famine en réponse à une pression, et il le fait ; il a raffiné cela depuis 25 ans. »

Malgré les images cruelles de Palestiniens squelettiques, le gouvernement israélien et quelques-uns de ses alliés ont continué à insister sur le fait que la faim est le résultat de problèmes logistiques, et non d’une politique d’État. Netanyahou a dit : « Il n’y a pas de politique d’affamement à Gaza. Il n’y a pas de famine à Gaza. »

L’ Unicef fait partie des nombreuses agences d’aide humanitaire à confirmer que la malnutrition et la famine ont grimpé depuis le début mars 2025 — lorsqu’Israël a violé unilatéralement un accord de cessez-le-feu après le retour de Donald Trump à la Maison blanche. Israël a réinstallé un blocus total après avoir autorisé quelques camions d’aide humanitaire pendant le cessez-le-feu, bien que les agences des Nations Unies et les organisations caritatives sur le terrain aient dit que ce n’était jamais suffisant pour satisfaire pleinement les besoins d’une population affamés, malade et affaiblie.

La « Fondation humanitaire pour Gaza » (GHF), un opaque groupe de logistique soutenu par Israël et l’administration de Trump, a commencé ses opérations en mai, avec une sécurité armée fournie par des entrepreneurs privés et des soldats israéliens. Elle a été autorisée à remplacer 400 centres de distribution des Nations Unies par seulement quatre centres dans tout Gaza, en réponse à des allégations non prouvées que l’aide internationale était détournée par le Hamas.

Les Nations Unies et des centaines de groupes humanitaires ont condamné ce changement comme une transformation de l’aide humanitaire en arme, ce qui violait des normes humanitaires établies de longue date. Le 1er juin, des soldats israéliens ont tué 32 personnes sur les sites de la GHF, et depuis, plus de 1300 Palestiniens affamés ont été tués en cherchant à accéder à de la nourriture. Israël a longtemps cherché à discréditer et à affaiblir les Nations Unies et d’autres mécanismes internationaux, dont les Cours internationales, qu’il voit comme hostiles à son annexion de facto en cours des territoires palestiniens, en les accusant d’antisémitisme.

« Cela revient à utiliser l’aide non à des objectifs humanitaires, mais pour contrôler les populations, pour les déplacer, pour humilier et affaiblir les gens dans le cadre de tactiques militaires. La GHF est tellement effrayante, parce qu’elle pourrait être la nouvelle dystopie militarisée pour l’aide humanitaire du futur », a dit Fakhri.

Dans un communiqué, la GHF a rejeté les rapports sur les morts palestiniennes comme « des statistiques fausses et exagérées » et a accusé les Nations Unies de ne pas en faire assez. « Si les Nations Unies et d’autres groupes collaboraient avec nous, nous mettrions fin à la famine, au désespoir et aux incidents violents presque du jour au lendemain. Nous pourrions augmenter notre échelle d’intervention, ajouter plus de sites de distribution et intensifier la livraison directe aux communautés que la GHF pilote maintenant », a dit un porte-parole.

Le gouvernement israélien n’a pas répondu aux demandes de commentaires.

Les morts de faim et les massacres aux centres d’aide viennent s’ajouter à au moins 60000 Palestiniens tués par les bombes et les tanks israéliens. Des études ont conclu que le bilan réel est presque certainement bien plus élevé, et Israël a continué à refuser aux chercheurs et aux journalistes internationaux l’entrée dans Gaza.

Fakhri et d’autres experts des Nations Unies ont à de nombreuses reprises exhorté les États membres et les compagnies à agir pour arrêter les bombes et la famine en coupant l’aide financière et militaire à Israël, et les échanges commerciaux avec lui, et en appliquant des sanctions économiques et politiques sur une base large.

« Je vois bien un langage politique plus fort, plus de condamnations, plus de plans proposés, mais malgré le changement dans la rhétorique, nous sommes encore dans une phase d’inaction. Les politiciens et les entreprises n’ont aucune excuse, ils sont vraiment infâmes. Le fait que des millions de gens se mobilisent en nombre croissant montre que chaque personne dans le monde comprend comment tant de pays, de compagnies et d’individus différents sont coupables. »

Fakhri argue qu’à la lumière du veto persistant des Nations Unies contre les résolutions de cessez-le-feu du conseil de sécurité des Nations Unies, il revient à l’Assemblée générale des Nations Unies d’appeler les Casques bleus à accompagner les convois humanitaires à Gaza.

« Ils ont la majorité des votes, et, plus important encore, des millions de personnes le réclament. Des gens ordinaires essaient de passer à travers le blocus illégal pour livrer de l’aide humanitaire, de mettre en œuvre le droit international que leurs gouvernements échouent à appliquer. Pourquoi donc avons-nous des Casques bleus si ce n’est pas pour mettre fin au génocide et empêcher une famine ? « .