Les avocats de Majed al-Zeer, directeur du Palestinian Return Centre, accusent Israël de se servir des bases de données sur les risques pour mener une « guerre juridique » contre les militants de la cause palestinienne
Le directeur d’une influente organisation palestinienne de lobbying a gagné sa bataille juridique concernant son inscription dans la base de données financière World-Check, qui l’a, à tort, lié au terrorisme.
Dans une décision annoncée lundi, Majed al Zeer, directeur du Palestinian Return Centre (PRC), reconnu par les Nations unies pour sa campagne en faveur du droit au retour des réfugiés palestiniens, a été retiré de la catégorie « terrorisme » et a obtenu 10 000 livres sterling (environ 11 300 euros) de dommages et intérêts.
Les avocats représentant Zeer, qui a également été indemnisé pour ses frais de justice, estiment qu’il a été ajouté sur World-Check en raison d’une proscription « à motivation politique » du gouvernement israélien.
Selon eux, cette conclusion a « entamé » ce qu’ils ont présenté comme la tactique israélienne consistant à abuser des bases de données de diligence raisonnable à des fins politiques.
« Il s’agit d’un moment historique pour la cause palestinienne », a déclaré Majed al Zeer à Middle East Eye.
« C’est le premier pas pour que tous les Palestiniens ou ceux qui travaillent pour la Palestine relancent World-Check pour ses fausses informations, qui ont été diffusées partout afin d’empêcher la Palestine de devenir libre et les Palestiniens de revendiquer leurs droits. »
World-Check est largement utilisé par les principales banques et entreprises pour évaluer le risque client et réduire leur exposition aux législations visant à lutter contre le crime financier.
Thomson Reuters était propriétaire de cette base de données jusqu’en octobre dernier, date à laquelle elle a été vendue avec d’autres activités de gestion des risques financiers au géant des investissements Blackstone, qui a créé une nouvelle société de gestion des risques, Refinitiv.
À l’origine, Zeer avait engagé les poursuites contre Thomson Reuters, qui avait accepté de payer les dommages et intérêts.
« Guerre juridique »
« Nous estimons que l’utilisation de ces bases de données par le gouvernement israélien est sinistre et a des conséquences d’une portée considérable pour les personnes citées », a déclaré Farooq Bajwa, l’un des avocats de Zeer.
« Mettre des personnes sur ces listes, sans aucune justification réelle dans de nombreux cas, est presque devenu une autre forme de guerre ou de coercition juridique. Nous pensons que l’affaire du PRC en est un exemple parfait. »
La victoire de Zeer s’ajoute à la liste croissante d’excuses et de corrections publiées par World-Check au sujet de sa catégorie « terrorisme ».
Majed al Zeer, qui a déposé plainte contre Thomson Reuters en mars dernier, a découvert que son groupe de lobbying et lui étaient répertoriés dans la base de données après que la mosquée Finsbury Park de Londres, également répertoriée, a remporté une affaire similaire.
De nombreuses personnes classées dans la catégorie « terrorisme » de World-Check, y compris Zeer, le PRC et la mosquée Finsbury Park, affirment que leurs comptes bancaires ont été clos en raison de cette inscription.
S’exprimant devant le tribunal lundi, Zeer a déclaré que ses comptes bancaires et ceux du PRC avaient été soudainement clos à plusieurs reprises entre 2009 et 2015.
« La restriction de nos services bancaires a gravement entravé notre capacité à fonctionner et à vivre et nous avons été incapables de percer le secret qui entoure World-Check et sa relation avec les banques. »
Le profil World-Check de Zeer n’a pas été supprimé, mais est passé dans la catégorie « individu » présentant un risque accru.
Refinitiv a déclaré qu’il demeurerait dans la base de données en raison de son lien avec une « organisation officiellement sanctionnée ».
Le PRC qui, malgré le dépôt de sa propre plainte, apparaît toujours dans la catégorie « terrorisme » de la base de données en tant qu’organisation, envisage d’autres recours juridiques.
Refinitiv a indiqué avoir accepté, dans le cadre de l’accord, d’ajouter au profil World-Check du PRC le démenti du groupe concernant ses liens supposés avec le terrorisme et la clarification que seul le gouvernement israélien le considère comme un groupe terroriste.
Il a également accepté d’ajouter le fait que le gouvernement britannique n’a jamais exprimé d’inquiétude quant à son activité et que le PRC considère que la qualification israélienne relève de motifs politiques.
Les parties ont convenu que les références à Israël accusant Zeer d’être l’un des principaux responsables de la branche européenne du Hamas – ce qu’il nie – resteront sur son profil.
Consultant auprès de l’ONU
En décembre 2010, le ministre israélien de la Défense a interdit le PRC, l’accusant d’avoir des liens étroits avec le Hamas et les Frères musulmans et de promouvoir une propagande anti-israélienne en Europe.
Israël a évoqué le fait que le PRC avait reçu le leader du Hamas Ismaël Haniyeh lors d’une conférence par visioconférence en 2009. Il a également affirmé que des membres du Hamas, organisation interdite aux États-Unis et dans l’Union européenne, occupaient des postes à responsabilité au sein du PRC.
Le PRC nie les allégations de liens avec les Frères musulmans. Il précise que Haniyeh était un responsable élu lors de son discours à la conférence.
Par ailleurs, il souligne que le statut de consultant auprès de l’ONU lui a été accordé en 2015, ce qui signifie qu’il est titulaire de 21 laissez-passer de sécurité des Nations unies.
Depuis ses débuts en 1996, le PRC rencontre régulièrement les députés britanniques des deux principaux partis du pays.
Le député travailliste Andy Slaughter, secrétaire du groupe parlementaire multipartite sur la Grande-Bretagne et la Palestine, qui a pris la parole lors d’événements du PRC, a déclaré : « C’est une victoire importante pour le Palestinian Return Centre, qui défie ceux qui adoptent aveuglément de telles étiquettes et deviennent les véhicules de la propagande.
« Qualifier les organisations de terroristes ou les restreindre d’une autre manière simplement parce qu’elles critiquent la politique du gouvernement israélien ou défendent les droits des Palestiniens est antidémocratique et extrêmement préjudiciable. »
Le député conservateur Crispin Blunt, ancien président de la commission parlementaire chargée des affaires étrangères, a déclaré : « Il est agréable de voir la justice rendue au moins partiellement. La difficulté de représenter les intérêts palestiniens alors qu’ils sont sous une occupation soutenue par une alliance regroupant les intérêts les plus puissants du monde ne peut pas être surestimée.
« Il ne s’agit que d’une petite étape dans la correction du dossier afin que les organisations humanitaires palestiniennes et leurs membres puissent faire le travail nécessaire pour s’attaquer aux conséquences humaines de la poursuite de l’occupation illégale. »
« Blacklistés pour des raisons politiques »
Selon Farooq Bajwa, le PRC serait désormais libre de poursuivre ses travaux sur la scène internationale et au Royaume-Uni.
« Le PRC est une organisation de lobbying standard et moderne dont le but est de mettre en avant le droit international et le droit reconnu du droit des réfugiés de retourner un jour dans leur pays d’origine », a-t-il déclaré.
« Les avocats du monde entier découvrent que des personnes et des organisations parfaitement légitimes, souvent parfaitement bien intentionnées et non violentes sont inscrites sur la liste noire pour des raisons purement politiques », a-t-il ajouté devant le tribunal.
« Nous voudrions demander aux gouvernements du monde entier de cesser d’exploiter le pouvoir des bases de données secrètes pour mettre un terme à un travail politique légitime et pacifique. »
Un porte-parole de Refinitiv a pour sa part indiqué : « Nous avons convenu de modifier la catégorisation du rapport de M. Al-Zeer, mais les informations sur cet individu restent dans World-Check en raison de son lien avec une organisation officiellement sanctionnée. »
« Ces informations étaient et continuent d’être exactes et, comme toutes les données de World-Check, sont agrégées à partir de sources fiables du domaine public afin d’aider les organisations à s’acquitter de leurs obligations de diligence raisonnable et à identifier les infractions financières et connexes potentielles. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.