Des soldats israéliens avaient reçu l’ordre de tirer sur les civils en vue de les tuer lors de l’attaque contre Gaza l’été dernier, affirment des témoignages publiés par le groupe….
Des soldats israéliens avaient reçu l’ordre de tirer sur les civils en vue de les tuer lors de l’attaque contre Gaza l’été dernier, affirment des témoignages publiés par le groupe ‘Breaking the Silence‘ [Briser le silence].
Les témoignages, qui comprennent plusieurs entretiens avec des militaires israéliens de rang intermédiaire, mettent en lumière l’extrème cruauté qui a accompagné cette offensive de 51 jours.
Certains témoignages affirment qu’il avait été signifié aux soldats israéliens que tout à Gaza était une ‘menace’ et qu’ils pouvaient utiliser autant de munitions qu’ils voulaient.
Plus de 2200 Palestiniens – pour la plupart civils – ont été tués pendant l’offensive, selon l’office des Nations-Unies OCHA (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Bureau de la coordination des affaires humanitaires).
Alors que les dirigeants d’Israël prétendent réguliérement que les militaires prennent des précautions pour éviter d’atteindre les civils, les témoignages de Breaking the Silence suggérent bien autre chose.
« A stériliser »
« Tout ici [à Gaza] est une menace » a affirmé à Breaking the Silence un sergent qui opérait dans la zone centrale de Gaza de Deir al-Balah, « La zone doit être ‘stérilisée’, vidée de sa population – et si nous ne voyons pas quelqu’un agiter un drapeau blanc » criant ‘Je me rends’ ou quelque chose d’équivalent – alors c’est une menace et vous avez l’autorisation d’ouvrir le feu ».
« Le discours a été ‘Il n’y a rien de tel qu’une personne qui ne serait pas impliquée’ » a ajouté le sergent. « Dans cette situation, tout le monde est impliqué. »
Deir al-Balah est l’une des zones qui a subi de lourds dommages durant l’attaque d’Israël contre Gaza. Le 24 juillet, plusieurs Palestiniens ont été blessés lorsque les forces israéliennes ont bombardé une école des Nations Unies qui servait de refuge à des Palestiniens voulant échapper aux combats.
Comme The Electronic Intifada en a rendu compte, Amal Abu Jayab, un adolescent palestinien handicapé a été atteint par un tir de drone israélien à Deir al-Balah le 13 juillet. Il est mort quatre jours plus tard.
Un autre sergent a rappelé les instructions fournies aux soldats par un commandant pendant l’entrainement précédant l’invasion au sol de Gaza qui a débuté le 17 juillet. Il s’est souvenu l’avoir entendu dire : « Nous ne prenons pas de risques. Nous n’économisons pas les munitions. Nous ne déchargeons pas nos armes, nous les utilisons autant que possible, »
« Il se tordait de douleur »
Un sergent d’état-major posté au nord de Gaza pendant la guerre affirme que la consigne aux soldats était « Tirez immédiatement ».
Il a dit : « Les instructions sont de tirer immédiatement » à Breaking the Silence , une organisation de soldats israéliens opposés à l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza. « Qui que ce soit que vous atteignez, – qu’il soit armé ou non – aucune importance. Les instructions sont très claires, Si vous foncez vers une personne , que vous voyez de vos propres yeux, tirez pour tuer. Il s’agît d’une instruction explicite ».
Un autre sergent d’état-major, qui était dans l’infanterie au nord de Gaza, se rappelle avoir surveillé un civil alors qu’il se ‘tordait de douleur’.
« Ainsi ce vieil homme venait vers nous, et le gars responsable du poste – je ne sais pas ce qui lui est passé par la tête – a vu le civil, et il a tiré sur lui, et il n’a pas fait un bon tir » a rapporté le sergent d’état-major. « Le civil était étendu là, se tordant de douleur ».
Il ajoute : « C’était clair pour chacun de nous qu’il n’y avait que deux issues possibles. Soit nous le laissions agoniser, soit nous abrégions ses souffrances. Finalement, nous avons abrégé ses souffrances et un D9 [un bulldozer blindé] est venu et a poussé un monceau de décombres sur lui et ce fut la fin de l’incident. »
Ce même sergent a affirmé à Breaking the Silence que lorsqu’il en a informé le commandant du bataillon, celui-ci n’y a porté aucun intérêt.
Pillage
Les soldats ont également évoqué ouvertement le pillage, la destruction intentionnelle et l’envahissement des logements palestiniens de Gaza pendant l’offensive.
Un sergent d’état major du corps de blindés d’Israël se souvient d’opérateurs de tanks écrasant des voitures plusieurs fois. Les conducteurs de tank « avaient cette espèce d’envie démente d’écraser des voitures » dit-il.
« Et il y a eu une fois où mon conducteur [de tank], un gars un peu hyperactif, a entrepris de convaincre l’officier du tank d’écraser une voiture et ce n’était réellement pas si excitant » dit-il. A part une ‘réprimande’, a-t’il ajouté, le conducteur du tank n’a pas été puni.
Un autre sergent, posté au nord de Gaza réfléchissait à propos des destructions causées par son armée à la partie nord de la bande de Gaza. « Les maisons étaient déjà en ruines au moment où nous sommes arrivés » a-t’il noté, expliquant que les bulldozers blindés négociaient leurs mouvements pour écraser les poulaillers.
En commentaire sur l’étendue des destructions, il a ajouté « Je n’ai jamais vu quelque chose comme ça, pas même au Liban. Il y a eu des destructions là aussi – mais jamais de ma vie je n’ai vu quelque chose comme ça ».
« Réduit à un tas de sable »
Encore un autre sergent d’état-major d’infanterie a dit à Breaking the Silence que les soldats jetaient des grenades avant de pénétrer dans les habitations.Il se rappelait comment un verger avait été intentionnellement détruit par des tanks et des bulldozers blindés.
« C’était un des plus beaux vergers que j’aie jamais vu… et en quelques heures, il a été totalement rasé – réduit à des tas de sable en poudre » a-t’il ajouté.
La destruction d’un verger n’est en aucune façon un incident isolé. Plusieurs témoignages décrivent en détail comment les soldats avaient ordre de détruire les logements palestiniens et de raser d’autres infrastructures.
Les habitations étaient souvent prises pour cibles alors que des familles entières étaient encore à l’intérieur, selon d’autres organisations. Au début de cette année, un rapport publié par le groupe israélien de défense des droits humains B’Tselem estime que la ‘politique du feu nourri’ d’Israël durant l’attaque de Gaza a provoqué des « douzaines de cas dans lesquels des immeubles résidentiels ont été attaqués par air ou au sol les effondrant sur des familles entières.’ »
Expliquant que la politique de bombardements des habitations a été mise en oeuvre dans tout Gaza, le rapport de B’Tselem note : « Ces attaques n’ont pas été menées pour satisfaire les lubies de soldats individuels, de pilotes ou de commandants sur le terrain. Elles sont le résultat d’une politique définie par les responsables gouvernementaux et par le haut commandement militaire. »
Impunité
En dépit des appels à enquêter sur les crimes de guerre commis par Israël à Gaza, aucun soldat ni aucun commandant n’a eu à faire face à des conséquences significatives.
S’exprimant dans le journal The Guardian, les militaires israéliens ont prétendu ‘étudier toutes les plaintes crédibles’ de crimes de guerre ou de mauvaise conduite.
Pourtant, aussi bien pendant l’attaque que dans son sillage, Israël a, de façon répétée, refusé l’accès de Gaza à des enquêteurs indépendants concernant le respect des droits humains. Parmi ceux empéchés de pénétrer dans la bande de Gaza se trouvaient Amnesty International et Human Rights Watch aussi bien que des enquêteurs de l’ONU.
Pour rendre les choses encore pires, la plus grande partie de Gaza reste en ruine quelques neuf mois après la fin de l’attaque. Aussi tard qu’en février, seulement cinq pour cent de l’aide internationale promise par des pays donateurs en vue de reconstruire Gaza a été fournie.
Quoique des réparations limitées d’habitations ont été faites, aucun des plus de 12000 logements palestiniens détruits par Israël n’a été reconstruit, selon l’Association of International Development Agencies.
Avec les auteurs de massacres savourant leur impunité et les donateurs internationaux échouant à concrétiser leurs promesses, il y a peu de chances que les Palestiniens de Gaza puissent obtenir justice dans un proche futur.