Au cours des deux dernières années, le Parlement israélien a voté des dizaines de lois dont l’effet cumulé est d’asseoir et d’approfondir davantage le régime israélien d’apartheid et de répression sur tous les Palestiniens qui sont sous son contrôle – en Israël et dans les territoires palestiniens occupés (TPO). Le nouveau rapport d’Adalah, « Post- 7 octobre : Une Nouvelle Vague de Lois Israéliennes anti-Palestiniennes » passe en revue la législation principale votée entre le 7 octobre 2023 et le 27 juillet 2025. Ces lois couvrent une multiplicité de thèmes incluant la liberté d’expression, la contestation et la pensée ; le droit à la citoyenneté et la vie familiale ; l’égalité et les droits sociaux ; et les droits des détenus et prisonniers. Ces nouvelles lois violent fondamentalement les droits humains des Palestiniens.
Tandis que l’État a justifié ces nouvelles lois par le climat politique en temps de guerre, cette législation s’enracine dans la structure constitutionnelle d’Israël fondée sur la suprématie juive ethno-nationale qui, à bien des égards, aboutit à des systèmes juridiques séparés pour les Israéliens juifs et pour les Palestiniens. Ces lois reflètent et sont la manifestation de la loi fondamentale de 2018 : L’État Nation du Peuple Juif ; ainsi que l’a déclaré ce gouvernement dans ses principes généraux, « le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur toute la terre d’Israël ». Depuis le 7 octobre 2023, les autorités israéliennes ont utilisé la guerre pour accélérer ces tendances et consolider la suprématie ethno-nationale juive à plus grande échelle. Ce nouveau rapport prend la suite de l’exposé de position d’Adalah du 27 octobre 2024 , qui passait en revue huit projets de lois dont la plupart furent ensuite entérinées comme lois. Les lois examinées dans ce rapport s’ajoutent aux lois déjà documentées dans la base de données d’Adalah sur les lois discriminatoires, portant le total à une centaine de lois discriminatoires.
Base de données d’Adalah sur les lois discriminatoires
Les Tendances de la législation
Le rapport identifie plusieurs tendances législatives majeures. Tout d’abord, il documente les nouveaux amendements et l’usage extensif du cadre de l’anti-terrorisme, qui, en pratique, est appliqué presque exclusivement aux citoyens palestiniens d’Israël (CPI) et aux habitants palestiniens de Jérusalem Est. Des définitions vagues de termes tels que « acte terroriste » et « organisation terroriste » dans la loi anti-terroriste de 2016 et les amendements qui ont suivi, sont devenus des outils-clé pour la suppression de la liberté d’expression des Palestiniens, en particulier depuis octobre 2023. Une autre tendance octroie des ressources étatiques considérables à des réservistes juifs israéliens sous forme de nouveaux privilèges – avantages fiscaux, prestations sociales, dans l’enseignement supérieur et dans l’emploi – qui, par nature, excluent les citoyens palestiniens d’Israël. Le rapport met aussi en évidence l’institutionnalisation de mesures d’urgence temporaires, sans cesse renouvelées ou pérennisées., qui permettent des violations largement répandues des droits des détenus et des conditions à caractère punitif contre des prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes.

Consolidation de l’Apartheid et des systèmes de répression
Le rapport conclut que la législation israélienne consolide un régime juridique duel qui privilégie les Israéliens juifs tout en violant systématiquement les droits des Palestiniens. Pour autant, à la différence de systèmes historiques de suprématie raciale ou religieuse,
comme ceux de l’Afrique du Sud de l’apartheid ou Jim Crow aux États-Unis, la plupart des lois citées dans le rapport emploient un langage juridique neutre. Leur histoire et leur application démontrent cependant un ciblage systématique des Palestiniens.
Ces lois criminalisent l’expression politique légitime, autorisent la déportation de familles (palestiniennes), empêchent la réunification familiale (de Palestiniens), permettent le licenciement d’enseignants (palestiniens), suppriment les prestations sociales (de familles palestiniennes) si leurs enfants mineurs sont condamnés pour ce qui est caractérisé comme des « infractions à la sécurité » (dont le jet de pierre), étendent les pouvoirs de la détention et de la détention prolongée, restreignent l’accès au conseil juridique et ferment des organes de presse indépendants. Elles violent les principes constitutionnels d’Israël comme ses obligations dans le cadre de traités internationaux. Dans les TPO, elles contreviennent encore davantage aux devoirs d’Israël en droit humanitaire international.
Le rapport se réfère à l’avis de juillet 2014 de la Cour Internationale de Justice (CIJ) qui a déclaré illégale l’occupation prolongée d’Israël et que la législation discriminatoire constitue une violation de la prohibition de la ségrégation raciale et de l’apartheid par l’Article 3 de la convention internationale pour l’élimination de toute forme de discrimination raciale (CEDR). Il situe aussi ces nouvelles lois dans le cadre du génocide en cours mené par Israël à Gaza, dont les mesures réduisant les opérations de l’UNRWA et l’aide humanitaire, ce qui est une violation directe des mesures provisionnelles prescrites par la CIJ dans le cas Afrique du Sud vs Israël. D’autres lois, comme la loi sur les combattants illégaux, permettent la détention arbitraire et des disparitions forcées, contribuant ainsi à la répression systémique des Palestiniens de Gaza emprisonnés en Israël. La fermeture d’organes de presse comme Al-Jazeera sert à cacher des atrocités et à empêcher le contrôle de la violence d’État.
Adalah a aussi documenté d’autres projets de loi en suspens, dont beaucoup sont actuellement soumis au Parlement, dans la session qui a démarré fin octobre. Leur adoption éroderait encore davantage la participation démocratique et l’égalité. Ces projets de loi étendraient les motifs de disqualification des partis et candidats arabes au Parlement, interdiraient l’emploi d’enseignants titulaires de diplômes d’institutions académiques palestiniennes, licencieraient du personnel universitaire pour leurs idées politiques, consolideraient l’annexion de la Cisjordanie par des changements juridiques et taxeraient le financement d’ONG de défense des droits humains par des gouvernements étrangers, entre autres. Un projet de loi distinct prescrit la peine de mort pour le meurtre d’un citoyen israélien, au motif de « racisme ou d’hostilité envers le public », « visant à nuire à l’État d’Israël et à la renaissance du peuple juif dans sa patrie ». Rassemblées, ces initiatives législatives révèlent que ce gouvernement israélien et son parlement continuent à agir en se dérobant aux engagements constitutionnels de l’État et au droit international, renforçant ainsi un régime d’apartheid et approfondissant le déni du collectif palestinien et des droits individuels des Palestiniens.
- Photo : Séance de vote lors d’une session plénière du Parlement, Jérusalem, 12 juin 2025. Photo Chaim Goldberg/ Flash90
