Lettre ouverte d’universitaires en soutien à leur collègue Roland Pfefferkorn

Les membres du Conseil d’unité du « Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles – LinCS » (CNRS/Univ. de Strasbourg) manifestent leur indignation suite à l’interpellation puis la mise en garde à vue de leur collègue Roland Pfefferkorn, Professeur émérite de sociologie à l’Université de Strasbourg, à l’issue de la manifestation strasbourgeoise « Halte au massacre à Gaza » du 28 octobre 2023.

Notre collègue Roland Pfefferkorn, âgé de 70 ans, Professeur émérite de sociologie de l’Université de Strasbourg et membre du Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles (LinCS), a été interpellé par des policiers en civil alors qu’il se rendait à son domicile en tramway après une manifestation pour la paix dont le mot d’ordre était « Halte au massacre à Gaza ». Cette dernière s’est déroulée le samedi 28 octobre 2023 à Strasbourg. Suite à quoi Roland Pfefferkorn a été placé en garde à vue pendant 24 heures au commissariat central, avant d’être libéré le dimanche 29 octobre aux alentours de 15h30.

Cette manifestation répondait à l’appel de vingt-cinq organisations politiques et syndicales. Elle a reçu l’autorisation de la Préfecture du Bas-Rhin et s’est déroulée sans heurts, comme l’a relaté le média Rue89 Strasbourg. Roland Pfefferkorn marchait aux côtés de son épouse dans le cortège, lorsqu’un policier a fermement agrippé cette dernière par le bras. Surprise, elle n’a pas immédiatement réalisé que l’officier de police tentait de saisir la pancarte qu’elle tenait d’une main et sur laquelle étaient inscrits des slogans qui n’outrepassaient aucunement les limites fixées par la loi à la liberté d’expression. Dans la confusion de l’instant, elle a donné sa pancarte à son mari, celle-ci est ensuite tombée au sol quand il a tenté de la transmettre à un autre manifestant. Fin de l’incident. La manifestation s’est poursuivie dans le calme.

Après la fin de la manifestation, alors que Roland Pfefferkorn et son épouse rentraient à leur domicile en tramway, des policiers en civil firent irruption sur le quai puis interpelèrent notre collègue au motif que ce dernier aurait « bousculé » un agent de police. Roland Pfefferkorn a ensuite été placé en garde à vue pendant 24h, sans qu’il ne puisse bénéficier du traitement médicamenteux et de l’assistance respiratoire que ses conditions de santé exigent. Son épouse et lui avaient pourtant signalé tous ces éléments ô combien importants aux agents de garde du commissariat central, à l’avocat commis d’office ainsi qu’aux deux médecins qu’il a pu consulter. Après une nuit très éprouvante, notre collègue est libéré sans qu’aucune infraction n’ait été retenue contre lui par l’autorité judiciaire.

 Tandis que notre collègue n’est coupable de rien, c’est la confusion provoquée par l’intervention policière dans un cortège pacifique qui est, in fine, responsable de l’accusation dont Roland Pfefferkorn a fait l’objet. Elle lui a valu son arrestation et sa détention. Quant à la pancarte que tenait son épouse et dont l’officier de police a voulu se saisir, aucune interprétation ne saurait la décrire comme constituant une infraction ; elle se contente en effet d’appeler à l’arrêt des massacres et à la paix. A partir de là, comment peut-on en arriver à une interpellation doublée d’une mesure privative de liberté ? Pourquoi l’obligation de soins imposée par un tel cadre n’a-t-elle pas été respectée ? Comment expliquer que le Parquet de Strasbourg ait autorisé le maintien en garde à vue de notre collègue ?

En tant que collègues de Roland Pfefferkorn, membres de la communauté universitaire et citoyen.nes, nous interpellons à notre tour les autorités concernées et nous indignons avec force du traitement réservé à notre collègue qui constitue à nos yeux une atteinte grave aux libertés d’expression et de manifestation. Au-delà de ce cas particulier, nous manifestons également notre profonde inquiétude face à l’érosion des libertés publiques par la main même des institutions censées les garantir.

Les membres du Conseil d’unité du « Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles – LinCS »  (CNRS/Université de Strasbourg).