Le 8 janvier 2022 : Nos organisations se réjouissent de la libération aujourd’hui du défenseur des droits humains Ramy Shaath. Sa bravoure et son courage ont inspiré de nombreux membres….
Le 8 janvier 2022 : Nos organisations se réjouissent de la libération aujourd’hui du défenseur des droits humains Ramy Shaath. Sa bravoure et son courage ont inspiré de nombreux membres de mouvements palestinien et égyptien pour les droits humains. Sa libération est une victoire pour tous ses amis, sa famille, les ONG, les parlementaires et ses milliers de sympathisants dans le monde entier. Cette libération montre, une fois de plus, l’utilité des actions publiques de défense des droits humains et de dénonciation des injustices.
La libération du défenseur des droits humains égypto-palestinien Ramy Shaath met fin à un calvaire douloureux et injustifié de deux ans et demi passés derrière les barreaux de la prison de Tora au Caire. Les ONG déplorent que Ramy Shaath, qui aurait dû être libéré sans condition et recevoir des réparations pour le préjudice subi avec cette détention arbitraire, ait été contraint de renoncer à sa citoyenneté égyptienne afin d’obtenir sa libération.
Ramy Shaath avait été arrêté en juillet 2019 à son domicile au Caire, sous les yeux de son épouse Céline Lebrun Shaath. Cette arrestation était justifiée uniquement parce que l’activiste avait exercé pacifiquement ses droits à la liberté d’expression et à la participation aux affaires publiques. Céline Lebrun Shaath, citoyenne française, avait été ensuite expulsée illégalement, après s’être vu refuser l’accès à un soutien consulaire. Ramy Shaath était alors victime d’une disparition forcée, puis placé en détention provisoire pendant plus de deux ans dans le cadre de “l’affaire 930 de l’année 2019”. Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a considéré que sa détention était arbitraire car elle découlait uniquement de l’exercice de ses droits humains.
Plus de 100 000 personnes dans des dizaines de pays ont signé la pétition appelant les autorités égyptiennes à libérer Ramy Shaath. Des centaines d’élus de France, des États-Unis, d’Allemagne, de Belgique et du Parlement européen (entre autres) ont également fait des déclarations publiques pour demander la libération de Ramy Shaath. Par ailleurs, des dizaines d’artistes et de personnalités publiques de renommée internationale ont également exprimé leur solidarité.
La libération de Ramy Shaath ne met en effet pas fin à la nécessité d’une action internationale contre le bilan catastrophique du gouvernement égyptien en matière de droits humains, et n’améliore pas non plus la situation des innombrables prisonniers restant arbitrairement détenus dans les prisons égyptiennes. Beaucoup sont des militants pacifiques, des défenseurs des droits humains, des avocats, des universitaires et des journalistes détenus uniquement pour avoir exercé leurs droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association. Parmi eux se trouvent des personnes qui, comme Ramy Shaath, étaient initialement détenues dans l’attente d’une enquête dans le cadre de l’Affaire 930 de 2019, dite « affaire du Plan Espoir ». La plupart sont restées détenues arbitrairement ou purgent des peines injustes prononcées lors de procès inéquitables liés à d’autres affaires.
Nous demandons aux autorités égyptiennes de prendre des mesures immédiates pour libérer toutes les personnes détenues arbitrairement pour avoir exercé leurs droits humains, de mettre fin à l’utilisation abusive de la législation antiterroriste, et de retirer Ramy Shaath et les autres militants et membres de l’opposition pacifique de la « liste des terroristes » du pays. Nous appelons également la communauté internationale à soutenir les efforts visant à établir un mécanisme de surveillance et d’information sur la situation en Égypte au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies.
Organisations signataires (par ordre alphabétique) :
- ACAT-France
- Addameer Prisoner Support and Human Rights Association
- Al-Haq
- Amnesty International
- Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP)
- Cairo Institute for Human Rights Studies
- CODEPINK
- Democracy for the Arab World Now (DAWN)
- Egyptian Initiative for Personal Rights
- El-Nadeem Center against Violence and Torture
- FIDH
- The Freedom Initiative
- Human Rights Watch
- International Service for Human Rights
- MENA Rights Group
- Palestinian NGOs Group (PNGO)
- Project on Middle East Democracy (POMED)
- The Tahrir Institute for Middle East Policy (TIMEP)
- U.S. Committee to End Political Repression in Egypt
- World Organisation Against Torture (OMCT)
Complément d’information
Le 5 juillet 2019, vers 0 h 45, au moins une douzaine de policiers lourdement armés ont pris d’assaut le domicile cairote du militant politique Ramy Shaath, sans s’identifier ni présenter de mandat d’arrêt. Ils ont fouillé les lieux et ont saisi des ordinateurs, des disques durs et des téléphones portables. Ils ont arrêté Ramy Shaath et son épouse, Céline Lebrun Shaath, professeure d’histoire et responsable associative, qui a été expulsée illégalement vers la France plus tard dans la journée, alors qu’elle résidait légalement en Égypte depuis mars 2012.
Les forces de sécurité ont transféré Ramy Shaath dans un lieu tenu secret, sans révéler ce qu’il était advenu de lui pendant environ 36 heures. Des agents du poste de police de Qasr el Nil, dans le centre-ville du Caire, ont affirmé à sa famille et ses avocats qu’il n’était pas entre leurs mains. Par la suite, un avocat a informé la famille que Ramy Shaath avait comparu devant un procureur du parquet de la Sûreté de l’État, au Nouveau Caire. Il n’a pas été autorisé à appeler sa famille ni ses avocats, et a été représenté pendant son interrogatoire par un avocat qui se trouvait sur place.
La détention provisoire de Ramy Shaath a été renouvelée plus de 30 fois après son arrestation dans le cadre de l’affaire dite du « Plan Espoir » (affaire 930/2019). Parmi les autres accusés de l’affaire, détenus au même moment que Ramy Shaath, figurent d’éminentes personnalités politiques ou membres de la société civile égyptienne : Zyad el-Elaimy, avocat, ancien parlementaire et dirigeant du Parti social-démocrate égyptien ; le militant politique Hossam Mo’anes et le journaliste Hisham Fouad ; les militants syndicaux Hassan Barbary et Alaa Essam ; l’écrivain et économiste Omar el-Shenety ; et les hommes d’affaires Osama al-Aqbawi et Mustafa Abdel Moez.
Après avoir passé plus de deux ans en détention provisoire, Zyad el-Elaimy, Hossam Moanis et Hisham Fouad ont été reconnus coupables en novembre et condamnés à des peines de trois à cinq ans de prison à l’issue d’un procès manifestement inéquitable devant un tribunal d’exception. Les violations des droits humains subies par les accusés de l’affaire du « Plan Espoir » sont emblématiques de la répression impitoyable exercée par les autorités égyptiennes contre toute forme de dissidence. Elles sont tout aussi emblématiques de la cruauté d’un système de justice pénale fondamentalement défectueux, où les droits à une procédure régulière et à un procès équitable sont systématiquement violés. Dans le même temps, les membres des forces de sécurité continuent de jouir de l’impunité pour les crimes et violations graves du droit international des droits humains qu’ils commettent, notamment les homicides illégaux, la torture et les disparitions forcées.
En avril 2020, une chambre du tribunal pénal du Caire a décidé par contumace d’ajouter arbitrairement Ramy Shaath sur la « liste des terroristes » de l’Égypte pour une période de cinq ans, ainsi que le dirigeant politique Zyad el-Elaimy. La Cour de cassation a rejeté le recours de Ramy Shaath et de Zyad el-Elaimy et a confirmé la décision d’inscription sur la liste, condamnée par les experts droits humains de l’ONU.
Avant son arrestation et sa détention arbitraires en 2019, Ramy Shaath faisait déjà l’objet de harcèlement depuis des années de la part des autorités égyptiennes, en raison de son militantisme politique et en faveur des droits humains. Bien qu’il possède la nationalité égyptienne, étant né de parents égyptiens, le ministère de l’Intérieur a tenté de la lui retirer en refusant de renouveler son passeport égyptien en 2012. Ramy Shaath a contesté ce refus et a gagné son recours en justice en 2013. Les autorités égyptiennes avaient fait appel puis ont finalement contraint Ramy Shaath à renoncer à sa citoyenneté égyptienne en échange de sa liberté.