Les mesures répressives de l’Allemagne contre les défenseurs de la Palestine provoquent un avertissement des Nations-Unies

Des experts des Nations-Unies ont prévenu le gouvernement allemand que ses mesures répressives qui se durcissent à l’encontre des défenseurs des droits des Palestiniens violent la liberté d’expression. Les cinq….

Des experts des Nations-Unies ont prévenu le gouvernement allemand que ses mesures répressives qui se durcissent à l’encontre des défenseurs des droits des Palestiniens violent la liberté d’expression.

Les cinq rapporteurs spéciaux sur la liberté d’expression, la liberté de réunion, les défenseurs des droits de l’homme, les droits de l’homme en Palestine et la liberté de religion, avaient adressé une lettre à l’Allemagne en octobre.

Devant l’absence de réponse du gouvernement allemand, cette lettre a été rendue publique le mois dernier.

Les experts indépendants de l’ONU s’y disent préoccupés par une résolution adoptée en mai dernier par le Bundestag, l’assemblée parlementaire de l’Allemagne, qui, en s’attaquant au BDS – le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions pour les droits des Palestiniens –, impose des « restrictions injustifiées aux droits à la liberté d’opinion et d’expression, de réunion pacifique et d’association ».

La résolution, non contraignante, exhorte les institutions et autorités publiques allemandes à refuser de financer et d’équiper les groupes de la société civile qui soutiennent le mouvement non violent du BDS qui vise à faire tenir Israël responsable de ses décennies d’occupation militaire, de crimes de guerre et de violations des droits de l’homme contre des millions de Palestiniens.

Mais déjà la résolution a ouvert la voie à des campagnes de diffamation et à une répression contre les artistes, journalistes, et même contre le directeur du musée juif de Berlin, qui avaient exprimé leur solidarité avec les Palestiniens ou leur soutien à la liberté d’expression.

Ces développements semblent avoir déjà donné raison aux craintes exprimées par les experts indépendants de l’ONU que la résolution « pourrait entraver les activités pacifiques des défenseurs des droits de l’homme, des groupes et organisations qui dénoncent les violations des droits de l’homme dans le cadre du mouvement BDS, en réduisant l’espace civique dont ils disposent pour exprimer leurs griefs légitimes ».

Les rapporteurs spéciaux des Nations-Unies demandaient au gouvernement allemand d’expliquer en quoi la résolution anti-BDS serait conforme aux obligations internationales de l’Allemagne de protéger la liberté d’expression, de sorte que ces défenseurs des droits de l’homme « soient en mesure d’accomplir leur action légitime dans un environnement sûr et favorable, et sans restrictions injustifiées ».

Le refus de répondre apparent du gouvernement allemand n’est pas un signe encourageant.

Une publication lavée de toute accusation d’ « antisémitisme »

Cependant il n’y a pas que des mauvaises nouvelles en Allemagne pour les défenseurs des droits démocratiques et humains fondamentaux.

Les rapporteurs de l’ONU se sont déclarés « encouragés par de récentes décisions de tribunaux régionaux allemands » rendues depuis la résolution du Bundestag, décisions qui « statuent en faveur de groupes ou organisations qui ont été exclus d’évènements culturels au motif qu’ils soutiennent le mouvement BDS ».

Et en décembre, le Conseil de presse allemand a conclu, à l’unanimité, que les accusations portées à l’encontre d’un grand hebdomadaire étaient infondées.

Der Spiegel a publié une enquête importante sur les activités des lobbys pro-israéliens au sein du Bundestag.

Le magazine avait chargé six journalistes d’enquêter sur l’influence des groupes pro-Israël sur l’adoption de la résolution anti-BDS en Allemagne.

En juillet, il a publié un article détaillé exposant l’influence de deux groupes de pression allemands pro-Israël.

Cet article a déclenché un débat virulent au sein des médias.

Felix Klein, le commissaire du gouvernement allemand en charge de la lutte contre l’antisémitisme, a attaqué l’article de Der Spiegel comme étant « extrêmement problématique ».

Il accuse ses auteurs d’utiliser « des clichés antisémites comme celui de la conspiration toute puissante du monde juif ».

Un citoyen a déposé une réclamation auprès du Conseil de presse en prétendant que le « texte intégral » de l’article utilise des tropes antisémites, et que ses auteurs y font preuve d’ « attirance pour les stéréotypes antisémites ».

Mais le comité du Conseil, composé de huit représentants de journalistes, associations et syndicats de la presse, a conclu qu’ « il n’y avait aucune violation du devoir de diligence des journalistes ».

« L’appréciation du plaignant, selon laquelle l’article était basé sur une intention préconçue avec des tendances manifestement antisémites, est incompréhensible pour le comité » déclare l’organisme.

Le reportage de Der Spiegel met en lumière les activités de lobbying d’Elio Adler, le président de Werteinitiative, ou Initiatives des valeurs.

Dans les mois qui précèdent le vote, le groupe d’Adler a fait campagne pour classer le mouvement BDS comme antisémite et lui interdire tout financement.

Un membre du parlement allemand a accusé le groupe d’ « influence systématique ».

Adler était aussi membre du conseil d’administration d’un groupe connu sous le nom de Naffo, groupe qui fait la promotion des positions du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Selon Der Spiegel, les deux groupes ont utilisé des méthodes « extrêmement douteuses » pour influencer les décideurs politiques allemands. Il s’est agi notamment d’organiser des tables rondes et de rédiger des exposés de principes à l’attention des législateurs réceptifs, connus au sein des groupes de pression comme des « députés contact ».

Les groupes ont également organisé, aux frais de la princesse, des voyages en Israël et même décidé de dons au profit de responsables politiques. Der Spiegel a mis en doute l’indépendance de ces politiciens qui ont profité de telles activités.

En dépit des tentatives visant à présenter de tels reportages comme du sectarisme anti-juif, le Conseil de presse a conclu que celui de Der Spiegel se fondait sur les faits.

L’enquête de l’hebdomadaire indique que la campagne de lobbying israélienne en Allemagne s’est servie de tactiques qui rappellent celles utilisées pour gagner de l’influence au Royaume-Uni et aux États-Unis, comme l’ont révélé de récents documentaires secrets d’Al Jazeera.

Immédiatement après l’adoption en mai par le Bundestag de la résolution anti-BDS, Israël s’est félicité de la motion parce qu’elle établissait – de façon totalement fausse et diffamatoire – des « similitudes entre le boycott des entreprises juives sous le régime nazi et le boycott d’Israël ».

Gilad Erdan, le ministre israélien des Affaires stratégiques, a applaudi la résolution allemande comme « une étape importante dans la guerre contre le boycott ».

Erdan s’est attribué le mérite, au nom d’Israël, de l’adoption de mesures anti-BDS dans plus de deux dizaines d’États US.

Son ministère rémunère des journaux israéliens pour publier une propagande anti-BDS et anti-palestinienne, et il se dit « fier d’avoir créé un ‘réseau’ d’organisations nationales et internationales pour mettre en œuvre sa politique », selon la publication israélienne indépendante The Seventh Eye.

L’Autriche sur les pas de l’Allemagne

Malgré les critiques et les revers, Israël et ses groupes de lobbys poursuivent leurs tentatives afin de museler les Européens qui s’opposent aux mauvais traitements systématiques sur les Palestiniens.

Ce mois-ci, le parlement autrichien doit voter une résolution similaire à celle de l’Allemagne : elle assimile le BDS à l’antisémitisme et demande que les groupes qui soutiennent la campagne ou « remettent en question le droit d’Israël à exister » soient exclus de tout financement et base.

Des partis de tout l’éventail politique, notamment le Parti de la Liberté, néo-nazi, et les sociaux-démocrates, ostensiblement de gauche, se sont retrouvés ensemble pour soutenir la résolution, laquelle devrait être adoptée.

En début de ce mois, des dizaines d’organisations de la société civile palestinienne se sont adressés aux législateurs autrichiens pour les exhorter à ne pas soutenir cette mesure.

« Nous louons tous les efforts réels et sérieux visant à combattre l’antisémitisme car, comme vous, nous rejetons l’antisémitisme comme l’une des formes les plus nocives de racisme, en particulier à la lumière de la montée du sectarisme antijuif et des crimes de haines à travers l’Europe » affirment les groupes dans une déclaration.

Mais ils soutiennent que la résolution autrichienne – comme les mesures prises en beaucoup d’autres pays – est « basée sur une définition falsifiée de l’antisémitisme, qui regroupe les manifestations pacifiques contre les crimes de guerre et les violations des droits de l’homme d’Israël ensemble avec l’antisémitisme ».

Même sans résolution au Parlement national, les défenseurs des droits de l’homme en Autriche sont déjà confrontés à une censure qui monte dans l’expression de leur soutien aux droits des Palestiniens.

Adri Nieuwhof a contribué à cet article.