Les efforts d’Israël pour contrôler le discours mondial ont contaminé le domaine médical

Infiltrer chaque aspect de la vie publique dans une tentative pour contrôler le discours mondial peut bien faire écran temporairement aux crimes d’Israël – mais à long terme, cela ne fera que révéler Israël comme le méchant.

Dans la fébrile atmosphère de peur de l’antisémitisme qui saisit en ce moment la Grande-Bretagne, il n’est peut-être pas surprenant que l’infection ait maintenant gagné des endroits improbables, dont la profession médicale.

L’exemple le plus évident de la pénétration pro-israélienne dans le monde médical a probablement été l’humilitation publique de Richard Horton, le rédacteur d’un des plus anciens et des plus respectés journaux médicaux du monde, le Lancet. Sous la direction de Horton, le journal a développé une impressionnante couverture de la santé mondiale, mettant sans crainte en lumière les impacts des conflits politiques et de l’injustice. 

Le cas Richard Horton

Conformément à cette philosophie, et frappé par le calvaire des Palestiniens, Horton a formé en 2010 l’Alliance pour la santé Lancet-Palestine (Lancet-Palestinian Health Alliance), un partenariat avec des professionnels de la santé travaillant dans les territoires occupés. Cela a fourni un forum précieux pour la recherche et la pratique médicales palestiniennes, améliorant spectaculairement la couverture des questions de santé affectant la population sous occupation israélienne.

Pendant l’été 2014, alors qu’avait lieu la pire attaque israélienne sur Gaza, le Lancet a publié une «  lettre ouverte pour le peuple de Gaza », énergiquement formulée. Elle était signée par 24 médecins de différents pays et détaillait les effets médicaux douloureux de la guerre israélienne sur des civils innocents, quelles armes étaient utilisées et les différents types d’attaque.

Elle définissait sans ambiguité les atrocités commises contre la population sans défense de Gaza comme des crimes de guerre.

La lettre a provoqué une tempête de protestations de la part des défenseurs d’Israël. Une lettre venant de 500 médecins, dont cinq lauréats du prix Nobel, a été publiée et une menace sérieuse de la part de 396 professeurs de boycotter la maison d’éditeur du Lancet, Reed Elsevier, a suivi. Il a été réclamé que Horton soit viré ; il a été bombardé de mails haineux, menacé et accusé d’antisémitisme ; sa photo a été mise en ligne, accompagnée d’imagerie nazie ; sa femme et sa fille ont été harcelées. 

Réduire au silence la critique

Il a d’abord tenu bon contre cette avalanche, refusant de retirer la lettre ou de s’excuser. Cependant, les attaques contre lui et le Lancet étaient si intenses qu’en octobre 2014, il a accepté une invitation de l’hôpital Rambam d’Israël, où il a finalement succombé à la pression. Exprimant son profond regret d’avoir publié la lettre ouverte, il s’est engagé à publier une rétractation.

Sa contrition ne s’est pas arrêtée là. En mai 2017, Horton a pris la mesure sans précédent de consacrer un numéro entier du journal au système de santé israélien et a fait depuis soigneusement attention à rester respectueux et amical envers Israël.

Pourtant, rien dans la lettre ouverte sur Gaza qu’il a correctement publiée pendant la guerre, n’était faux ou exagéré ; la situation à Gaza serait même plutôt plus catastrophique aujourd’hui. L’agent de cette dévastation est ce même Israël dont les amis ont attaqué Horton si vicieusement il n’y a pas longtemps et qu’il a fait des pieds et des mains pour apaiser.

Les lignes rouges israéliennes

Horton n’est pas la seule cible de cette chasse aux sorcières médicale. Selon des reportages récents, l’Ecole de médecine tropicale à Liverpool (Liverpool School of Tropical Medicine) qui avait invité la baronne Jenny Tonge, pairesse à vie britannique, à parler à une conférence sur la médecine maternelle le mois dernier, l’a soudainement désinvitée. Elle devait participer à un panel d’experts sur l’inégalité en matière de santé dans le monde en voie de développement, où elle a extensivement voyagé au cours de plusieurs missions officielles.  

Janet Hemingway, la directrice de l’école, a expliqué qu’ils s’étaient sentis contraints d’agir ainsi dû à un prétendu «  sentiment d’antisémitisme  » et au « feedback externe » de participants à la conférence. Ils étaient apparemment inquiets que la participation de Tonge ne contrevienne à la « philosophie organisationnelle » de l’école et détourne l’attention du sujet de l’inégalité dans les questions de médecine maternelle vers celle de l’antisémitisme.

Avant sa carrière parlementaire, Tonge était médecin et membre du Collège royal de la Faculté d’obstétrique et de gynécologie de planning familial et de médecine de la reproduction (Royal College of Obstetricians and Gynaecologists’ Faculty of Family Planning and Reproductive Health Care). Elle a repris ce rôle quand elle est devenue politicienne en tant que porte-parole sur la santé du parti libéral démocrate, et plus récemment comme présidente du groupe parlementaire multi-partis sur la population, le développement et la médecine de la reproduction du Royaume-Uni.

Mais elle a vite été confrontée à l’opposition des amis d’Israël. En 2004, alors qu’elle était députée libérale-démocrate, Tonge rappelle que son exposé sur «  Une vision progressiste de la santé » à la Société médicale de Londres a été annulé à cause de plaintes sur sa sympathie pour les Palestiniens et ses critiques d’Israël.

En tant que personnage politique aujourd’hui, Tonge est vilipendée par Israël et ses amis pour son prétendu antisémitisme à cause de ses opinions problématiques, comme sa remarque que les assassinats récents de fidèles juifs à Pittsburgh pourrait être lié au mauvais traitement des Palestiniens par Israël. Attaquer Tonge comme politicienne est une chose, mais les amis d’Israël essaient maintenant de la vilipender aussi en tant que professionnelle de la santé, le message étant que si vous traversez les lignes rouges d’Israël, vous êtes harcelé dans chaque zone de la vie publique.

Une chasse aux sorcières médicale

De même, Derek Summerfield, un éminent psychiatre britannique et critique ouvert de la politique israélienne, a été contraint en 2007 de se retirer d’une importante conférence médicale organisée par la Société royale de médecine à cause de la pression des membres pro-israéliens.

Ses efforts pour investiguer le rôle des médecins israéliens dans la supervision de la torture des prisonniers palestiniens se sont heurtés à un mur.

Parallèlement, l’Union européenne a subi des pressions pour qu’elle recommande à tous ses états membres et à ses institutions d’adopter la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (International Holocaust Remembrance Alliance) qui confond délibérément la critique d’Israël avec de l’antisémitisme et a déjà affecté la liberté d’expression.

En mai dernier, Israël est allé plus loin, appelant l’Union européenne à  mettre fin aux subventions des ONG soutenant le mouvement de Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS). 

Le but de ces efforts est de réduire au silence la critique de la politique israélienne. Mais Israël doit faire attention à ce qu’il souhaite. Infiltrer chaque aspect de la vie publique dans une tentative pour contrôler le discours mondial peut bien faire écran temporairement aux crimes d’Israël – mais à long terme, cela ne fera que créer largement ressentiment et hostilité.