Les données indiquent que 15 personnes sur 16 tuées par Israël à Gaza depuis mars sont des civils

Un rapport d’Acled, une organisation indépendante de suivi des conflits, indique que le taux de mortalité parmi les civils est l’un des plus élevés depuis le début de la guerre

Environ 15 Palestiniens sur 16 tués par l’armée israélienne depuis sa nouvelle offensive sur Gaza au début de mars sont des civils, selon les données collectées par l’organisation indépendante de suivi de la violence Acled.

Le taux de mortalité des civils indiqué  dans le rapport d’Acled (Armed Conflict Location and Event Data : Données sur la localisation et les événements survenus dans les conflits armés), est l’un des plus élevés enregistrés durant le conflit et va accroître la pression internationale sur Israël alors que ses forces avancent dans la ville de Gaza, forçant près d’un million de personnes à évacuer et menaçant de faire encore de grands nombres de victimes civiles.

Des chercheurs d’Acled, qui bénéficie du soutien des gouvernements occidentaux et des Nations Unies, ont suivi pendant six mois les rapports sur les pertes subies par le Hamas et les groupes armés alliés à Gaza, provenant de l’armée israélienne, de médias locaux et internationaux fiables, de déclarations du Hamas et d’autres sources.

« Depuis le 18 mars, Israël affirme avoir tué plus de 2 100 combattants, mais les données compilées par Acled indiquent que ce chiffre est plus proche de 1 100 et inclue des personnalités politiques du Hamas, ainsi que des combattants d’autres groupes », indique le rapport.

Selon les statistiques publiées par l’ONU, plus de 16 000 Palestiniens ont été tués depuis qu’Israël a violé en mars un cessez-le-feu de deux mois et lancé une vague massive de frappes aériennes sur le territoire dévasté.

Les responsables militaires ont communiqué le chiffre de 2 100 personnes aux médias israéliens à mi-août et les estimations internes israéliennes pourraient avoir augmenté depuis. Les chercheurs d’Acled n’ont peut-être pas non plus recensé tous les décès de combattants pendant cette période de six mois, mais leur total inclut en effet les personnalités politiques du Hamas.

Le Guardian a révélé le mois dernier que les données internes des forces armées israéliennes (IDF) indiquaient un taux de mortalité civile de 83% entre le début de la guerre en octobre 2023 et mai de cette année.

Le rapport d’Acled a aussi révélé que les événements impliquant la démolition de bâtiments à Gaza avaient augmenté de manière significative depuis la reprise des hostilités en mars, passant de 698 pour les 15 mois précédents à 500 pendant les six mois depuis. Selon les chercheurs, de nombreux événements concernaient plusieurs bâtiments.

De la fumée s’élève de Gaza après une explosion, comme on le voit depuis Israël. Photo : Ammar Awad/Reuters

Un haut responsable militaire israélien a déclaré au Guardian la semaine dernière qu’il existait une « tension » entre la protection des civils et les « exigences d’opérations militaires rapides ».

« Nous menons une guerre très différente de tous les autres conflits jamais menés n’importe où dans le monde », a-t-il déclaré. « Il existe des règles d’engagement strictes, mais ce qui a changé, ce sont les politiques, établies pour de petites guerres qui visaient à la dissuasion [des ennemis]… Nous combattons maintenant à Gaza pour nous assurer que le Hamas ne dirige pas Gaza. »

Les forces israéliennes ont déclaré vendredi qu’elles agiraient avec « une force jamais égalée » dans la ville de Gaza et ont exhorté les habitants à fuir vers le sud tout en annonçant la fermeture d’une voie d’évacuation temporaire ouverte 48 heures plus tôt.

Selon Acled, les frappes aériennes israéliennes ont tué au moins 40 commandants et membres clés de la branche militaire du Hamas depuis mars. Seul un des hauts responsables du conseil militaire du Hamas d’avant la guerre est toujours en fonction, note le rapport.

« Le Hamas a indubitablement été affaibli et ne pense plus pouvoir arrêter ou vaincre Israël et le chasser de Gaza par la force militaire », a déclaré Ameneh Mehvar, analyste senior d’Acled sur le Moyen-Orient et l’un des co-auteurs du rapport. « À ce stade, le Hamas essaie de « préserver ce qui reste » du mouvement », a-t-il ajouté.

Le nombre d’affrontements entre le Hamas et les forces israéliennes par mois a beaucoup diminué depuis la fin du cessez-le-feu, le Hamas s’appuyantdavantage sur des bâtiments piégés et de bombes artisanales placées en bord de route pour infliger des pertes.

Quatre soldats israéliens ont été tués par une bombe placée en bordure de route à Rafah cette semaine, ce qui porte le nombre de soldats tués depuis mars à 54.

Mehvar a déclaré que bien que de petites cellules de combattants soient réparties dans presque tout Gaza, le Hamas était maintenant surtout présent dans la ville de Gaza et au centre-ville de Deir al-Balah, avec une présence à al-Mawasi, la zone non développée et surpeuplée sur le bord de mer, où les forces israéliennes ont forcé des centaines de milliers de Palestiniens à se rendre.

« Ce sont des zones où [les forces israéliennes] ne sont pas opérationnelles, donc il est logique que le Hamas s’y trouve. Le Hamas se cache évidemment parmi les civils, mais aussi dans des zones où il n’y en a pas », a dit Mehvar.

L’offensive israélienne à Gaza a tué plus de 65 000 personnes, pour la plupart des civils, et en a blessé plus de 160 000 depuis le 7 octobre 2023. Des pans entiers du territoire ont été réduits en ruines et près de 90 % des habitations ont été endommagées. Les services de santé se sont effondrés et des experts mandatés par l’ONU ont déclaré la famine dans le nord le mois dernier.

La guerre a été déclenchée par une incursion du Hamas en Israël au cours de laquelle 1 200 personnes, pour la plupart des civils, ont été tuées. Le Hamas a également emmené plus de 250 otages à Gaza, dont 50 sont toujours détenus, mais moins de la moitié seraient encore en vie.

Le rapport d’Acled indique qu’il n’y a aucune preuve que le Hamas ait systématiquement voler l’aide humanitaire qui était distribuée à Gaza par l’ONU comme le prétend Israël, mais qu’une partie de l’aide distribuée par de petites ONG a pu être détournée par l’organisation, qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007.

« Israël a créé des conditions de chaos et de violence autour de la distribution de l’aide », note le rapport. « Dans le même temps, les pillages ont fortement augmenté. La manière dont se déroulent les pillages ne montre aucune preuve d’une implication systématique du Hamas. Le Hamas a probablement détourné de l’aide par le biais d’autres mécanismes et peut continuer à le faire tant qu’il conserve son influence à l’intérieur du territoire.

« Avec peu de perspectives d’éliminer le Hamas entièrement, le gouvernement [israélien] poursuit une stratégie de contrôle à long terme : affaiblir le Hamas tout en bloquant le développement d’autres arrangements gouvernementaux palestiniens, pousser Gaza vers des conditions de vie intenables pour encourager l’émigration volontaire et, en fin de compte, entraver toute voie vers la souveraineté palestinienne. »