À l’occasion de l’anniversaire des 35 ans du programme Erasmus, retour sur le témoignage fort de l’étudiant parti en échange dans la bande de Gaza, une zone de guerre.
En 2019, Riccardo Corradini, 25 ans, est devenu le premier étudiant européen à faire son Erasmus dans la bande de Gaza, où les affrontements sont fréquents entre militants palestiniens et l’armée israélienne. Mais, pour celui qui était à l’époque en sixième année de médecine, ce choix était une évidence. “Quand j’ai appris que mon université (NdlR : l’université de Sienne) ouvrait une place pour étudier quatre mois dans l’une des 14 universités de l’enclave palestinienne, je n’ai pas réfléchi plus d’une heure.” Depuis toujours, le jeune voulait se spécialiser dans la chirurgie d’urgence. Il s’était déjà rendu en territoires palestiniens deux ans auparavant. Pour cet Erasmus dans une université islamique liée au Hamas, il était toutefois le seul à postuler.
Il faut dire que faire un échange dans un territoire contrôlé par le Hamas, considéré comme une organisation terroriste par plusieurs pays, n’est pas une mince affaire. Avant son voyage, l’étudiant a dû recevoir l’autorisation de l’armée israélienne, de l’Autorité palestinienne et du Hamas. Partir en zone de conflit demande également une préparation particulière. “On se retrouve face à quelque chose qui nous dépasse complètement”, indique-t-il.
”J’avais tort de penser que ce serait plus facile pour moi”
Sur le terrain, il a dû s’occuper d’amputations de personnes parfois plus jeunes que lui, mais aussi de blessures de guerre. “J’ai vu des cas qu’on ne peut voir qu’ici. Personne n’est prêt pour ça. Personne ne vous forme jamais à gérer les fusillades de masse où 50 personnes arrivent en même temps en l’espace de 10 minutes”, explique-t-il à Euronews.
À plusieurs reprises, l’étudiant a fait des crises de panique, raconte-t-il dans le documentaire “Erasmus in Gaza” consacré à son voyage. “J’avais tort de penser que ce serait plus facile pour moi”, dit-il. Comme d’autres habitants de la bande de Gaza, verrouillée par un blocus depuis 2007, l’étudiant a dû faire face à la menace d’un bombardement imminent. Mais il a aussi expérimenté la “gentillesse des habitants” qui l’ont “très bien accueilli”. Même si ce qu’il a vu sur place l’a profondément marqué, l’étudiant en est ressorti avec la sensation d’avoir aidé. “En allant faire un échange là-bas, j’ai pensé que je pourrais contribuer à une meilleure connaissance mutuelle. Quand on se connaît mieux, on a moins peur des autres. Et quand il y a moins de peur, il y a moins de guerres”, explique-t-il à Euronews.
Actuellement, il travaille comme médecin à l’hôpital de Vérone (Italie). Mais il espère “revenir un jour à Gaza en tant que médecin”. “La résilience de ce peuple m’a enrichi”, conclut-il.
”Le projet Erasmus construit des ponts plutôt que des murs”
Ce voyage marquant a été rendu possible par le programme Erasmus +, qui envoie chaque année des milliers d’étudiants (mais pas que) en échange.
”Après cette expérience, ce que nous pouvons dire, c’est que le projet Erasmus permet à l’Union européenne de prendre une énorme responsabilité. C’est un programme qui vise à construire des ponts plutôt que des murs”, explique Matteo Delbò, le réalisateur du documentaire consacré à l’étudiant.
Les territoires palestiniens sont l’un des pays partenaires du programme Erasmus +. En 2017, 49 projets impliquant des étudiants palestiniens ont été validés par le programme Erasmus +.