Le plan de blocage par Israël du doublement de l’alimentation en eau de la Cisjordanie

Certaines agences gouvernementales sont très désireuses d’accroître l’alimentation à la fois des colons et des Palestiniens, mais les politiques dressent des obstacles. De toutes façons, les Palestiniens se retrouvent avec beaucoup moins.

L’Administration israélienne de l’Eau a mis au point un plan directeur pour doubler, d’ici 2030, la quantité d’eau fournie aux colonies et aux villes palestiniennes de Cisjordanie, mise à part la Vallée du Jourdain. Mais cette décision de relier les villes palestiniennes à cette nouvelle infrastructure élargie est prise en l’absence d’agrément politique.

Tout ceci est devenu très clair à l’occasion de la réunion du sous-comité des affaires de Judée Samarie du Comité des Affaires Etrangères et de la Défense de la Knesset.

L’Administration de l’Eau n’a aucun pouvoir exécutif en Cisjordanie, laissant à l’Administration Civile le soin de mettre à exécution le plan directeur. On a dit aux membres du comité que l’Administration Civile était l’agence qui réclamait que le plan directeur comporte les villes palestiniennes. Mais, encore une fois, il faut obtenir les instructions du gouvernement.

Le président du sous-comité, le député Moti Yogev (Habayit Hayehudi -Maison Juive-) n’a cessé de dire que le retard affecte aussi bien les Israéliens que les Palestiniens, et que les solutions doivent inclure les deux populations. D’autres personnes, dont les représentants du Coordinateur des Activités Gouvernementales dans les Territoires, ainsi que l’Administration Civile, ont exprimé des avis similaires.

Mais quelqu’un qui assistait à cette réunion a dit à Haaretz qu’un collègue du parti de Yogev, le député Bezalel Smotrich, avait dit que, si tout le monde souffrait de l’insuffisance d’eau, il fallait assurer en priorité les besoins des Israéliens.

Le sous-comité s’est réuni en hâte lundi dernier pour parler de la pénurie d’eau dans certains quartiers des colonies et avant-postes non autorisés. Selon les rapports de médias et de réseaux sociaux, ces communautés ont souffert de coupures et d’interruptions de l’alimentation en eau depuis la fin du mois de juin.

Certains participants à cette réunion ont dit que cela faisait deux ans d’affilée que sévissait cette pénurie estivale. Un fermier d’une des colonies a dit que cela faisait trois saisons qu’il manquait d’eau pour irriguer ses récoltes.

Le comité a exhorté les agences gouvernementales à accélérer la mise en place du plan directeur et à ne pas se contenter de solutions à court terme telles que la livraison de citernes d’eau dans les colonies, ou de solutions à moyen terme telles que l’amélioration de la maintenance, la coupure de branchements illégaux et des solutions ponctuelles. La mise en place du plan directeur est urgente au vu de l’augmentation prévue, de 250.000 à 450.000, du nombre de colons en Samarie, a dit Ygal Lahav, président du Conseil Régional de Karnei Shomron.

« Les autorités assoifent les résidents de Judée Samarie, aussi bien juifs qu’arabes », a dit Yogev dans un communiqué de presse après la réunion. « Le Coordinateur des Activités Gouvernementales dans les Territoires et l’Administration de l’Eau savent depuis des années ce qu’il faut faire, mais rien n’a encore été réalisé. Il faut que l’autorité se lance dans un programme accéléré qui organise l’infrastructure de l’eau et qu’elle mette d’urgence en place le plan directeur pour alimenter en eau la population de la région.

Les colonies n’ont pas de quotas, les Palestiniens si

La région de Salfit et d’autres communautés palestiniennes près de Naplouse ont souffert de sévères interruptions de l’alimentation en eau depuis début juin à cause de baisses de la quantité d’eau que leur vend Mekorot, compagnie nationale des Eaux d’Israël. En réponse à une question de la députée Tamar Zandberg (Meretz), un représentant de Mekorot au meeting a dit qu’il y avait eu une baisse de 15 % pour les colonies et les communautés palestiniennes.

Mais les Palestiniens font état d’une baisse bien plus importante. Tout d’abord, la consommation per capita des Palestiniens est plus faible que celle des colonies juives à cause des quotas imposés par Israël. La pénurie dans les communautés palestiniennes a commencé plusieurs semaines avant celle des colonies juives et concernait plus de monde.

Zandberg a demandé pourquoi les citernes d’eau n’avait été livrées qu’aux colonies et pas aux communautés palestiniennes. La réponse a été que c’était de la responsabilité de l’Autorité Palestinienne.

Le coordinateur adjoint des activités gouvernementales dans les territoires, le général de brigade Guy Goldstein, a dit au comité que, étant donné la suspension du comité des affaires communes de l’eau, l’Administration Civile promouvait des projets indépendants, ayant ainsi approuvé 15 projets depuis deux ou trois ans.

Les membres palestiniens du comité commun ont refusé de se présenter aux réunions. Ils disent que, ces dernières années, on leur a demandé de signer des projets exclusivement réservés aux colonies juives, probablement pour leur donner une légitimité.

Les Palestiniens expliquent que, dans le passé, des avant-postes et des extensions de colonies ont été raccordés au réseau d’eau sans l’accord du comité. Ils disent que, tout comme Israël ne demandait pas leur permission pour installer des colonies et des avant-postes, leur autorisation n’est pas nécessaire pour étendre ce genre d’infrastructures.

Dans le passé, les projets approuvés par le comité étaient discriminatoires, davantage de projets étant approuvés pour les colonies. Le volume de l’eau et le diamètre des canalisations étaient plus grands dans les colonies juives que pour les Palestiniens, même alors que la population palestinienne est plus importante que la population israélienne en Cisjordanie.

Une étude britannique a découvert que, jusqu’en 2008, on donnait à entendre aux Palestiniens que, s’ils n’approuvaient pas les projets pour les colonies juives, les projets de réparation et d’expansion de leur propre réseau délabré ne seraient pas approuvés.

Un participant à ce meeting a raconté à Haaretz que, pendant la réunion, Danny Sofer de Mekorot avait dit que l’alimentation en eau des Palestiniens était soumise à des quotas, tandis que les colons avaient de l’eau conformément à leurs demandes et à leur consommation.

Ainsi, puisque des quotas sont en place, en été où la demande grandit, même lorsqu’il n’y a pas de coupure officielle, les municipalités palestiniennes instaurent un système de rationnement par lequel, tous les quelques jours, seuls certains quartiers reçoivent de l’eau par les canalisations principales.

C’est pourquoi toutes les maisons palestiniennes ont des réservoirs d’eau sur leur toit pour recueillir de l’eau en prévision des jours où l’alimentation de leur zone est coupée. Mekorot dit qu’elle fournit 51.000 mètres cubes par jour aux colonies et aux communautés palestiniennes en Samarie, alors que la demande est de 58.000 à 60.000.

Une agriculture florissante

D’après les données présentées par Alexander Kushnir, directeur général de l’Autorité de l’Eau, la grande expansion de l’agriculture dans les colonies a provoqué cette année une augmentation de la consommation.

« En comparaison avec l’année dernière, on a enregistré une nette augmentation, estimée à 20 à 40 pour cent, de la consommation [dans les colonies] », dit Kushnir. « On ne peut expliquer une augmentation aussi nette au début de la saison d’arrosage que par les besoins d’une agriculture en croissance. »

Mais le communiqué de presse de Yogev n’y fait pas référence ; il préfère soulever la question des branchements illégaux et des soi-disant vols de pipelines par les Palestiniens. L’Autorité de l’Eau estime que 5.000 mètres cubes d’eau sont volés quotidiennement par les Palestiniens au centre de la Samarie. L’Autorité Palestinienne met de fortes amendes à ceux qui se branchent illégalement au réseau d’eau, mais elle ne peut faire valoir son autorité dans les zones A et B où Israël est en charge de la sécurité et où a lieu la majorité des branchements illégaux.

Le plan directeur ne se réfère pas aux futurs forages dans l’aquifère montagnard, mais à l’augmentation du transport depuis Israël, qui prendrait place grâce à trois voies principales. Dans les conversations avec les Palestiniens, les Israéliens font état de ces additions, qui viendront principalement des usines de désalinisation. Le plan demande une augmentation de 73 à 142 millions de mètres cubes – dont 48 iraient aux colonies et 93 aux Palestiniens. Les chefs des colons ont pris part aux réunions du comité de direction.

Les porte-paroles israéliens parlent des améliorations vendues aux Palestiniens par Mekorot comme d’actes de bonne volonté. Les Palestiniens les voient comme une confirmation des limites qu’on leur impose dans leur quête d’indépendance pour utiliser l’eau de l’aquifère de la montagne.

Selon l’accord intérimaire de 1995, les Palestiniens peuvent continuer à extraire 20 pour cent de l’eau de leur nappe phréatique (118 millions de mètres cubes par an), c’est-à-dire le montant de l’extraction avant la signature de l’accord. Les 80 pour cent restants étaient alloués à Israël.

Cette phase intermédiaire était supposée prendre fin en 1999, date à laquelle les Palestiniens s’attendaient à obtenir leurs droits de contrôle des ressources en eau et de jouissance plus équitable du partage de l’eau avec Israël. L’accord intermédiaire stipulait aussi une croissance annuelle pouvant aller jusqu’à 80 millions de mètres cubes que les Palestiniens pourraient extraire grâce à de nouveaux forages indépendants dans le bassin aquifère oriental, ou « d’autres sources », afin de faire face aux besoins de sa population croissante.

Il s’avéra que le bassin oriental était moins productif que prévu par les calculs israéliens. En attendant, de vieux puits activés par les Palestiniens fournissaient moins d’eau ; les Palestiniens n’obtiennent que 103 millions de mètres cubes par an de l’aquifère.

Pendant ce temps, dans la Vallée du Jourdain, Mekorot extrait 30 millions de mètres cubes par an pour seulement 10.000 colons. Ce montant représente à peine moins d’un tiers du total extrait par les Palestiniens de tout l’aquifère montagnard de Cisjordanie pour 2.7 millions de personnes.