Le Gouvernement israélien est pétrifié par le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions

Comment faire la différence entre le phénomène très réel et néfaste de l’antisémitisme et de fausses accusations d’antisémitisme utilisées pour défendre la politique de l’État israélien ? Jewish Voices for Peace, une organisation de base qui agit pour la justice et l’égalité en Palestine et Israël, a rassemblé une série d’essais sur cette question, avec une préface de Judith Butler. Commandez votre exemplaire de « Sur l’Antisémitisme aujourd’hui : La Solidarité et la Lutte pour la Justice »!

Ce qui suit est un interview de Rébecca Wilkomerson, la directrice exécutive de Jewish Voices for Peace (Voix Juives pour la Paix), par l’éditeur de « Sur l’Antisémitisme aujourd’hui : La Solidarité et la Lutte pour la Justice ».

Mark Karlin: comment l’accusation d’antisémitisme est-elle utilisée pour dénigrer les critiques envers le gouvernement israélien et sa politique ignoble vis-à-vis des Palestiniens ?

Rebecca Vilkomerson: Comme en traite la contribution de Tony Lerman dans le livre « Sur l’Antisémisitme », Israël et ses soutiens ont travaillé dur pour présenter la critique de l’État d’Israël comme le « nouvel antisémitisme ». Quoi qu’il en soit, utiliser l’accusation d’antisémitisme pour faire taire une critique légitime de la politique israélienne affaiblit le sens du mot et rend plus difficile de combattre le fait auquel il renvoie.

Dans notre travail de plaidoyer pour les droits des Palestiniens, nous devons toujours être vigilants face à des cas avérés d’antisémitisme à l’égard de Juifs, ce que ne sont pas les protestations contre l’Etat israélien, tout comme nous avons besoin de combattre toutes formes d’intolérance et d’oppression dans tous nos mouvements.

Dans le contexte politique actuel, lorsque des actes antisémites se sont accrus, il a été encore plus dérangeant de voir de nombreuses organisations juives se centrer davantage sur la diabolisation de la défense des droits des Palestiniens plutôt que de combattre l’antisémitisme des suprématistes blancs renforcés dans leur pouvoir par l’administration Trump.

Comment cette dynamique se déroule-t-elle en milieu universitaire aux USA ?

Tout récemment, le groupe pro-israélien AMCHA a publié une nouvelle liste noire de professeurs anti-Israël, une tactique qu’il met en œuvre depuis des années pour que les universitaires craignent d’exprimer clairement leur soutien aux droits des Palestiniens. Il y a une bataille depuis des années sur les campus quant à la définition de l’antisémitisme, certains soutiens d’Israël ayant essayé de pousser l’Université de Californie (et maintenant certaines législations d’États ou nationales) à codifier une définition problématique de l’antisémitisme émanant du Département d’État, qui inclut la légitime critique d’Israël. Heureusement, nous avons pu nous opposer avec succès à ces mesures et éduquer les gens sur la différence entre d’un côté la critique de l’État d’Israël ou l’opposition à l’idéologie politique et aux effets néfastes du sionisme et d’un autre côté le sectarisme anti-juif. Un chapitre du livre, auquel ont contribué Dima Khalidi, Ben Lorber, Kelsey Waxman et Orian Zakai, traite de l’impact sur les étudiants et les enseignants qui sont constamment obligés de combattre les accusations d’antisémitisme (utilisées) pour les empêcher de parler publiquement des droits des Palestiniens.

Pourquoi le gouvernement israélien est-il à ce point pétrifié par le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) qu’il vient de promulguer une loi interdisant à quiconque soutient BDS d’entrer en Israël ?

Le vote de la nouvelle loi empêchant ceux qui soutiennent de BDS d’entrer en Israël, le ciblage du dirigeant de BDS Omar Barghouti et l’investissement de dizaines de millions de dollars par le gouvernement israélien, sont tous des signes de la façon dont Israël est préoccupé par la croissance de la puissance du mouvement destiné à boycotter Israël jusqu’à ce que les Palestiniens jouissent de droits égaux. Comme dans tout mouvement qui cherche à transformer les relations de pouvoir pour un avenir plus juste et équitable, l’opposition devient plus forte à mesure que le mouvement se développe. La répression contre BDS est la prochaine étape dans l’évolution de cette lutte.

Comment pensez-vous que le combat contre l’islamophobie puisse être partenaire de la lutte contre le véritable antisémitisme ?

L’antisémitisme n’agit pas dans le vide ; nous devons le combattre en même temps que l’islamophobie, le sexisme, les préjugés de classe et l’homophobie, de même que le racisme anti-Arabe, anti- Noir et les autres formes de racisme ; cela fait partie du travail visant à démanteler tous les systèmes d’oppression. Aujourd’hui aux États Unis, l’antisémitisme est un sérieux problème mais il n’est pas institutionnalisé de la même façon que le racisme anti-Noir et l’islamophobie le sont via la police, la surveillance et la dépossession. Ce livre a été publié à partir du besoin ressenti par notre base et nos alliés d’avoir des ressources et des analyses sur l’antisémitisme qui n’en fassent pas l’équivalent de la critique d’Israël mais qui le prennent sérieusement comme une forme d’intolérance et l’analysent en relation avec d’autres formes d’oppression.

La façon dont l’accusation d’antisémitisme est utilisée contre les critiques d’Israël contribue souvent à la diabolisation de ceux qui soutiennent les droits des Palestiniens, d’une manière qui perpétue souvent les préjugés antimusulmans et anti-Arabes. Israël lui-même joue un rôle non négligeable dans la reproduction de l’islamophobie et du racisme anti-Arabe, par des discours et des politiques qui dépeignent tous les Palestiniens comme violents, haineux ou terroristes et présentent Israël comme un havre de la civilisation dans un Moyen Orient « barbare ». Dans ce contexte, il est particulièrement important de contester l’islamophobie comme une part de l’action pour la justice pour les Palestiniens et d’être clairs sur ce qu’est l’antisémitisme et ce qu’il n’est pas.

Deux contributions du livre en particulier, celle de Donna Nevel et une interview de Linda Sarsour traitent spécifiquement de ces questions.

Quelle est, selon vous, la mission de Jewish Voices for Peace ? Et sentez-vous un élan né de la conférence nationale de 2017 qui s’est récemment tenue à Chicago ?

Jewish Voices for Peace est une association nationale de base, inspirée par la tradition juive d’action pour la liberté, l’égalité et la dignité de tous en Israël/Palestine. Pour nous, la lutte contre l’islamophobie, le racisme et l’antisémitisme est au cœur de cette action. Cette semaine nous avons eu un rassemblement historique de plus de 1000 de nos membres et partenaires ; lors de cette rencontre, nous nous sommes plongés dans des discussions cruciales sur le sionisme, l’État sécuritaire et policier aux USA et en Israël, sur l’opposition à l’islamophobie comme partie centrale de notre travail pour les droits des Palestiniens, sur la responsabilité, l’antiracisme et la construction d’une communauté juive fondée sur l’amour et la solidarité. Nous savons que nos membres sont rentrés chez eux pleins d’énergie et d’enthousiasme pour les actions à venir !

Quelle est la place des jeunes dans l’accroissement du nombre de militants de Jewish Voices for Peace ?

Nous savons qu’il y a un tournant générationnel sur cette question, au sens où les jeunes sont beaucoup plus enclins à soutenir la liberté pour les Palestiniens et à être critiques de la politique israélienne. Jewish Voices for Peace est fière d’être une organisation intergénérationnelle qui valorise le fait d’apprendre de l’expérience et la sagesse des anciens, des organisateurs et des militants, tout en créant une communauté où les jeunes peuvent montrer la voie de la réinvention de notre avenir.