Le désinvestissement des entreprises israéliennes analysé par la justice britannique

En Grande-Bretagne, une loi fixant les grandes règles relatives aux pensions de retraite des agents du service public a été adoptée en 2013 par le Parlement. La loi de 2013….

En Grande-Bretagne, une loi fixant les grandes règles relatives aux pensions de retraite des agents du service public a été adoptée en 2013 par le Parlement.

La loi de 2013 a donné au secrétaire d’État aux collectivités locales le pouvoir de proposer une législation plus précise relative au régime des pensions de retraite des agents des collectivités locales.

Dans le cadre des pouvoirs que lui conférait cette loi, le secrétaire d’État a établi le 15 septembre 2016 un règlement sur le régime de pension des agents des collectivités locales, régissant notamment la gestion et l’investissement des fonds de ces régimes.

Ce règlement a été approuvé par le Parlement britannique et entré en vigueur le 1er novembre 2016.

Il précise que les gestionnaires du régime de pension des agents des collectivités locales doivent formuler une stratégie d’investissement des fonds qui doit être conforme aux orientations données par le secrétaire D’État.
A la même période, les orientations du secrétaire D’État ont été publiées sous la forme d’un décret.

Elles précisent que le recours à des politiques d’investissement décidées pour poursuivre le boycott, le désinvestissement et les sanctions contre les pays étrangers et les industries de défense du Royaume-Uni est inapproprié, sauf lorsque des sanctions légales, des embargos et des restrictions ont été mis en place par le gouvernement.

L’ONG PSC (Palestine Solidarity Campaign) UK, qui milite dans le cadre de la campagne BDS pour la mise en œuvre de politiques de désinvestissement des entreprises israéliennes impliquées dans les violations du droit international, a saisi la justice administrative britannique en lui demandant de déclarer illégal le décret du secrétaire d’Etat.

PSC UK a obtenu satisfaction en première instance le 22 juin 2017 puis perdu en appel le 6 juin 2018. L’ONG a donc porté l’affaire devant la Cour suprême, qui lui a donné raison par un arrêt rendu le 29 avril 2020.

Les juges de la Cour suprême du Royaume-Uni ont décidé (par 3 voix contre 2) que ni la loi ni le règlement n’a autorisé le secrétaire d’État aux collectivités locales à poser une règle de l’interdiction des politiques d’investissement des régimes de pension des agents des collectivités décidées en vue de poursuivre le boycott, le désinvestissement et les sanctions contre les pays étrangers et les industries de défense du Royaume-Uni.

La Cour suprême estime ainsi que le gouvernement britannique est allé au-delà des pouvoirs que lui confiaient la loi et le règlement.

Selon les juges, le gouvernement est certes autorisé à fixer des règles de gestion des investissements, règles qui s’imposent aux administrateurs des régimes de pension mais n’est pas autorisé à leur dire quel type d’investissement ils doivent réaliser ou pas.

La décision rendue constitue incontestablement une victoire pour l’ONG PSC UK et pour les promoteurs de décisions de désinvestissement fondées sur le respect du droit international et des droits de l’homme.

Cependant, cette victoire ne doit pas être surestimée. La Cour suprême a sanctionné le gouvernement parce qu’il est allé au-delà des pouvoirs que lui confiait la loi et le règlement et non pour des raisons de fond tenant à la légitimité des choix d’investissement décidés en vue de contribuer au respect du droit international ou des droits de l’homme.

Il s’agit en outre peut-être d’une victoire provisoire car la loi et le règlement peuvent tout à fait être modifiés par le Parlement pour autoriser le gouvernement dans le futur à poser des règles s’imposant aux administrateurs des régimes de pension des services publics quant à leur choix d’investissement.

L’actuel gouvernement britannique n’a d’ailleurs pas caché sa volonté d’interdire aux gestionnaires de régimes de pension des agents du service public de pouvoir prendre par eux-mêmes des décisions de désinvestissement dans des pays qui violent le droit international et les droits de l’homme, que ce soit dans le contexte israélo-palestinien ou ailleurs. Le combat de PSC UK en faveur du caractère éthique des investissements est donc loin d’être terminé.

Une étude récente->https://www.palestinecampaign.org/press-release-psc-research-uncovers-lgps-funds-invest-over-2bn-in-complicit-companies/] réalisée par PSC UK a montré que le régime de pensions des agents des collectivités locales a réalisé plus de deux milliards de livres d’investissements dans des entreprises israéliennes (par exemple, les banques Hapoalim BM ou Leumi et la société d’armement Elbit Systems) ou internationales figurant dans la [liste établie par les Nations unies en février 2020 comme ayant des activités dans les colonies israéliennes.

Ghislain Poissonnier, magistrat