Le Conseil d’administration de Harvard a annulé la décision du corps enseignant et il exclut de la remise des diplômes 13 étudiants qui ont participé à un campement pro-palestinien

Le principal conseil d’administration de Harvard a rejeté mercredi la recommandation du corps enseignant de permettre à 13 étudiants pro-palestiniens qui ont participé à un campement de trois semaines sur Harvard Yard de recevoir leur diplôme en même temps que leurs camarades.

CAMBRIDGE — Le principal conseil d’administration de Harvard [appelé la « Corporation de Harvard »] mercredi a rejeté la recommandation du corps enseignant de permettre à 13 étudiants pro-palestiniens qui ont participé à un campement de trois semaines suer Harvard Yard de recevoir leur diplôme en même temps que leurs camarades.

Les étudiants impactés pourront participer aux cérémonies de remise des diplômes jeudi mais ne recevront pas leurs diplômes, ce qui risque de compromettre leurs projets futurs.

L’annonce a été faite deux jours après que plusieurs membres de la Faculté des Arts et des Sciences de Harvard ont voté en faveur d’accorder leurs diplômes aux 13 étudiants et alors que l’université se préparait à la pompe d’un des jours les plus importants de l’année universitaire. Et elle suit un débat acharné sur les campus des universités de tout le pays sur les sanctions appropriées pour les manifestants pro-palestiniens qui ont établi des campements en protestation contre la guerre entre Israël et le Hamas.

La décision mercredi a choqué les enseignants qui ont la conviction profonde que les manifestants étudiants sont punis injustement, et largement à cause de la pression politique sur les dirigeants de l’université.

« Cela me perturbe », a dit Ryan Enos, un professeur de gouvernement. « C’est de l’orgueil pur de la part de la Corporation. Penser qu’un tas de milliardaires qui visitent Cambridge quelques jours par an pourraient dire aux professeurs qui enseignent aux étudiants qu’ils savent mieux qu’eux qui mérite un diplôme — l’audace est à couper le souffle. À mon avis, la Corporation n’est pas digne de diriger l’université. »

La Corporation de Harvard, dans une déclaration expliquant sa décision, a cité le manuel de l’université de Harvard qui dit qu’un « diplôme ne pourra être accordé à un étudiant qui n’est pas en règle ou contre lequel une procédure disciplinaire est en cours devant le conseil d’administration, le conseil d’honneur ou le conseil de discipline d’un autre établissement ».

Les étudiants en question sont soit en probation soit suspendus. Harvard n’a pas fourni le détail des sanctions disciplinaires ou de ce que les étudiants auraient fait, disant qu’ils ne peuvent commenter les cas individuels.

La Corporation a été confrontée à des pressions de la part de politiciens conservateurs, de donateurs, d’étudiants et d’anciens étudiants qui soutiennent Israël pour qu’elle montre que les manifestants, qui ont à plusieurs reprises ignoré les avertissements disciplinaires pendant leur campement, auront à subir des conséquences sérieuses.

Chaque semestre, la Faculté des Arts et des Sciences a un vote pro forma pour approuver la liste des étudiants de dernière année, au cours de ce qui est d’habitude une réunion somnolente à laquelle prennent part peu des membres autorisés à voter.

Lundi, cependant, 115 enseignants parmi les 900 environ de la Faculté des Arts et des Sciences étaient présents, selon Harvard, et un amendement a été ajouté à l’ordre du jour pour accorder des diplômes aux 13 étudiants de licence qui ont appris la semaine dernière qu’ils pourraient ne pas être autorisés à recevoir leurs diplômes à cause de leur participation au campement. La mesure a été approuvée par un vote oral.

Le principal groupe étudiant pro-palestinien à Harvard a attaqué la décision de la Corporation. « Les actions d’aujourd’hui ont plongé encore plus l’université dans une crise de légitimité et de gouvernance, qui aura des répercussions majeures pour Harvard dans les mois et les années à venir, » a déclaré la coalition « Out of Occupied Palestine » [Dégagez de la Palestine occupée] de Harvard.

La mesure du conseil d’administration a aussi résonné mercredi soir sur le campus après les cérémonies de la Journée annuelle de la promotion de Harvard.

« L’absence de responsabilité est exaspérante », a dit Jeremy Ornstein, un étudiant de dernière année, qui a parlé à la Journée de la promotion. Ornstein a dit que les étudiants sont divisés et a ajouté : « les gens souffrent quel que soit leur côté » dans le conflit israélo-palestinien.

Stephen Marglin, un professeur d’économie qui a enseigné à Harvard pendant 59 années, a qualifié la décision de la Corporation de « gifle à la face » des enseignants, une gifle qui va probablement provoquer des protestations à la remise des diplômes jeudi.

Il ne soutient pas les manifestations pro-palestiniennes parce que les manifestants n’ont pas mentionné l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre qui a tué 1200 personnes et pris en otage 250 autres avec la même ferveur que « l’atrocité des représailles par le gouvernement Netanyahou ».

Mais il pense que la punition est allée trop loin en empêchant les étudiants de recevoir leurs diplômes. Le campement, qui incluait 30-40 tentes, était « largement dans les limites de ce que Harvard a toléré dans le passé », a dit Marglin.

Peu après la décision de la Corporation mercredi, Accuracy in Media [Exactitude dans les médias], la compagnie conservatrice de médias responsable pour les camions porte-affiches qui ont débarqué dans Harvard Square en octobre avec des photos et des informations personnelles sur les manifestants, a dit qu’elle envoyait un autre « panneau mobile » à la cérémonie de remise des diplômes pour exposer « les étudiants qui sont impliqués dans des activités antisémites ou ont utilisé une rhétorique antisémite sur le campus ».

Massachusetts Peace Action [Action pour la paix Massachusetts], une organisation sans but lucratif de Cambridge qui promeut le désarmement, a dit qu’elle organisera une « veillée solennelle pour Gaza » avant la remise des diplômes.

Les manifestants étudiants pro-palestiniens ont exprimé leur choc la semaine dernière en apprenant que certains étudiants pourraient ne pas être autorisés à recevoir leurs diplômes, alors qu’ils ont démantelé leur campement en pensant — selon leur interprétation de leurs communications avec le président par interim de Harvard, Alan Garber — que les étudiants de dernière année seraient autorisés à recevoir leurs diplômes ce semestre.

Dans un mail le 14 mai aux étudiants manifestants, Garber a dit qu’Harvard « encouragera les départements à gérer les cas rapidement sur la base des précédents existants et de la pratique (y compris en prenant en compte quand ce sera pertinent la décision volontaire de quitter le campement) », pour tous les étudiants, y compris les étudiants éligibles à l’obtention d’un diplôme par la suite, afin qu’ils puissent l’obtenir ».

Le porte-parole de Harvard, Jonathan Swain, a dit dimanche que Garber n’a pas autorité sur les affaires disciplinaires concernant les étudiants, qui sont de la compétence des départements individuels à l’intérieur de l’université. Cependant, dans une lettre à l’Alliance des anciens élèves juifs de Harvard, Garber a dit qu’il « soutenait fortement une action disciplinaire appropriée pour ceux qui auront violé les politiques de l’université ». 

Plusieurs membres du corps enseignant qui ont assisté à sa réunion lundi ont dit qu’ils pensaient qu’Harvard devrait respecter l’essence du marché que Garber avait fait selon eux avec les étudiants pour les persuader de démanteler le campement.

« Il était aussi clair qu’il pouvait l’être dans sa communication aux étudiants, à savoir qu’il encourageait à l’indulgence », a dit de Garber Steve Levitsky, professeur de gouvernement. «  Et puis brusquement le Bureau [administratif] viole clairement les termes de l’accord ».

Le Bureau, qui est responsable pour la discipline en licence et est composé d’administrateurs et d’instructeurs, a administré cette punition pour les 13 étudiants de dernière année la semaine dernière. La décision a été confirmée par la Corporation de Harvard mercredi.

Le Bureau administratif est supervisé par le doyen de l’université de Harvard, Rakesh Khurana. Plusieurs membres du corps enseignant qui ont voté à la réunion de lundi ont dit qu’ils croient que certains membres du Bureau auraient dû se récuser de l’examen des cas disciplinaires liés au campement parce qu’ils étaient aussi responsables de l’identification et des photos et vidéos des manifestants dans le campement, ce que Harvard leur a demandé de faire. Mais les manifestants ont ressenti cela comme une violation étant donné que beaucoup de manifestants ont été harcelés depuis le 7 octobre.

Garber a dit dans un mail du 6 mai à la communauté que les manifestants avaient hurlé contre des membres du personnel de Harvard et les avaient encerclés quand les employés « leur ont demandé de voir leurs papiers d’identité afin d’appliquer nos politiques ».

« Nous avons aussi des rapports disant que les manifestants avaient affronté, surveillé et suivi des passants « , a écrit Garber. « De telles actions sont indéfendables et inacceptables ».

Plusieurs enseignants ont mis en question ces rapports. Harvard a fermé ses grilles au public et aux medias après l’arrestation d’étudiants à l’université Columbia en avril.

La Corporation a dit mercredi qu’elle prenait aussi en compte l’injustice « d’exempter un groupe particulier d’étudiants qui n’avaient pas respecté nos règles établies ». Les étudiants impactés peuvent maintenant passer par un examen accéléré de leur cas et une procédure d’appel. La durée que pourrait avoir la procédure d’appel n’est pas claire.

Harvard et MIT sont pour l’instant les seules universités du Massachusetts qui ont décidé d’empêcher des étudiants de recevoir leurs diplômes ce semestre à cause de leur implication. Garber a aussi indiqué que Harvard n’envisageait pas de désinvestir d’Israël.

Les administrateurs de Harvard ont auparavant dit aux étudiants dans des mails et dans des affichages sur le campus que « ériger des structures, des tentes et des tables sans autorisation est une violation » des règles de l’université, ajoutant que les étudiants qui ont perturbé les activités normales seraient confrontés à des conséquences disciplinaires.

Beaucoup à l’intérieur de la communauté de Harvard veulent voir les manifestants étudiants rendre des comptes. Steven Pinker, un professeur de psychologie, a qualifié de « malheureux » le vote des enseignants de lundi.

« Ce ne serait pas une politique cohérente d’autoriser des étudiants à exproprier unilatéralement les parties communes de l’université et à perturber son fonctionnement pour une cause politique à laquelle s’opposent beaucoup d’autres membres de la communauté universitaire », a dit Pinker. « Et sans sanctions, il n’y a pas moyen de mettre en place une politique cohérente. Les universités devraient encourager le débat et la réflexion, pas les prises de contrôle forcées et les menaces. »

Notre correspondante Alexa Coultoff a contribué à ce rapport.

Hilary Burns peut être jointe hilary.burns@globe.com. Suivez-la à @Hilarysburns.