La suspension d’un cours controversé sur la Palestine à l’UC de Berkeley provoque un débat

Ses détracteurs soutiennent que le cours, qui étudie la Palestine « à travers le prisme du colonialisme de peuplement (ou d’implantations) » est anti-Israël et antisémite.

L’université de Californie de Berkeley a suspendu un cours consacré à l’étude de la Palestine « à travers le prisme du colonialisme de peuplement », provoquant ainsi un débat international sur la liberté académique.

Le cours à l’UC de Berkeley – intitulé : Une analyse du colonialisme de peuplement – s’est trouvé confronté à une violente réaction cette semaine de la part d’organisations juives qui soutiennent que le cours était « anti-Israël et antisémite » et qu’ « il visait à inculquer aux étudiants la haine de l’État juif ».

Après un flot d’articles et d’éditoriaux négatifs, l’université du Nord-Californie, considérée comme le top de l’université publique aux États-Unis, annonça qu’elle suspendait le cours parce qu’il « n’avait pas fait l’objet du niveau suffisant d’examen pour être sûr que le programme réponde aux normes académiques de Berkeley »

Les partisans d’Israël et les groupes de surveillance de l’antisémitisme applaudirent à la décision et demandèrent un examen d’ensemble du processus de réexamen du cours. Mais les organisations pro-Palestine, ainsi que des membres du corps enseignant universitaire de l’UC Berkeley, critiquent cette suspension, arguant que les administrateurs réduisent ainsi au silence certaines opinions et établissent des priorités dans les relations publiques sur le discours académique.

Le conflit survient à un moment où les tensions sont montent entre les militants de l’université pro-Israël et ceux pro-Palestine, avec des donateurs et des organisations juifs qui lancent des campagnes coordonnées, partout dans les États-Unis, pour contrer le mouvement grandissant des Étudiants pour la justice en Palestine (SJP).

Le cours sur le « colonialisme », qui fut donné pour la première fois cet automne, s’intègre dans un programme de l’UC Berkeley qui est très applaudi, appelé DeCal, programme qui permet aux étudiants de proposer et donner des cours à leurs pairs, sous les conseils d’un membre du corps enseignant.

Hatem Bazian, enseignant et parrain du cours, proposé par l’étudiant Paul Hadweh, a déclaré que le cours avait suivi les procédures normales d’examen et qu’il avait été approuvé à de multiples reprises, avant d’être brutalement suspendu cette semaine sans avertissement ni discussion.

« Cela a été démoralisant et insultant, et honteux de la part de l’université », dit Bazian, conférencier pour les études sur le Moyen-Orient et les études ethniques. « Ils sont en train, avant tout, de prendre des étudiants pour des boucs émissaires et de céder à des pressions politiques ».

Bazian affirme que le cours a été conçu pour offrir une « approche comparative » et que ce sont des chercheurs dignes de respect qui ont utilisé le prisme du « colonialisme » pour étudier la région.

« Le fait que quelque chose est controversé ne signifie pas qu’il est antisémite. Cela ne rabaisse pas une personne juive » dit-il.

Hadweh indique que personne de l’administration ne l’avait contacté avant d’annoncer publiquement la suspension.

« Je ne pouvais pas le croire. J’étais anéanti. » révéle cet étudiant de licence de 22 ans. « Je connais et j’ai suivi toutes les politiques et les procédures ».

Mais dans une lettre adressée à Nicholas Dirks, le président de l’UC Berkeley, l’organisation AMCHA Initiative qui se consacre à la « protection des étudiants juifs », attaqua Hadweh et Bazien et évoqua la relation du cours avec le mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS).

« C’était totalement à sens unique » dit la directrice de l’AMCHA, Tammi Rossman-Benjamin, lors d’une interview. « C’était une perspective qui était… haineuse ».

Les dirigeants du BDS et de la SJP firent alors valoir qu’ils ne sont aucunement antisémites, et que s’ils poussent au boycott d’Israël, c’est en réponse aux violations des droits humains liées à l’occupation des territoires palestiniens.

Leurs détracteurs, cependant, soutinrent que ces groupes veulent démanteler l’État juif, et l’AMCHA de citer l’objectif du programme d’« explorer les possibilités d’une Palestine décolonisée », comme une preuve de la tentative d’ « éliminer » Israël.

À l’UC Berkeley, où des étudiants militants ont lancé le mouvement Liberté d’expression dans les années 1960, un groupe de professeurs juifs demanda aux administrateurs de rétablir le cours. Ils mettent en avant que ses détracteurs dénaturent le cours et que l’université étouffe la liberté académique en réponse aux exigences d’organisations qui défendent Israël.

Sur l’idée que « toute référence au colonialisme de peuplement est antisémite », les professeurs écrivent : « Cette affirmation est manifestement dénuée de fondement, une innovation récente venant de ceux qui cherchent à supprimer toute investigation intellectuelle sur le sionisme, Israël, la Palestine et l’occupation. Un nombre important de publications, dont beaucoup émanent de l’intérieur même de l’État d’Israël, ont considéré que le colonialisme de peuplement est un cadre approprié pour étudier la région ».

Michael Burawoy, un professeur de sociologie qui est signataire de la lettre, affirme qu’il est évident que l’université s’inquiétait de la perte d’un financement à la suite de cette réaction violente contre le cours : « C’est une intervention administrative arbitraire qui a été provoquée par la pression ».

Bazian ajoute qu’il juge la situation particulièrement injuste envers Hadweh et les 28 étudiants inscrits au cours. « Je suis totalement affligé ».

Les étudiants du cours ont publié une lettre publique jeudi, condamnant la suspension comme « un acte de discrimination envers les étudiants qui veulent débattre et discuter de cette question controversée ».

Pour Rossman-Benjamin, son groupe n’a pas tenté de cibler l’étudiant spécifiquement, mais qu’il a voulu faire pression pour un système amélioré de réexamen pour les programmes DeCal. « L’étudiant n’a rien fait de mal… Le processus est tombé en panne ».

Un porte-parole de l’UC Berkeley, Dan Mogulof, affirme qu’un doyen n’a pas été correctement informé sur le cours et que les administrateurs envisageaient plusieurs options, notamment l’annulation du cours complet, ou son rétablissement après modifications.

« Il convient aussi de noter que le doyen est très inquiet à propos d’un cours, même un cours dirigé par des étudiants, quand il épouse un point de vue politique unique, et/ou qu’il semble offrir une tribune à une organisation politique plutôt qu’une occasion pour le genre d’investigation académique publique pour lequel Berkeley est réputée », dit-il dans un communiqué.