La répression de Harvard contre les manifestations sur Gaza a violé le droit du travail américain, affirme un syndicat

L’université a commencé à suspendre certaines étudiants à cause des campements [en solidarité avec Gaza]. L’UAW affirme que les investissements de l’université en Israël sont un problème lié au lieu de travail.

Le syndicat United Auto Workers [UAW] a déposé une plainte au conseil des prud’hommes des États-Unis pour la gestion par l’université de Harvard des manifestations en faveur de la Palestine, affirmant que l’université violait les droits des étudiants diplômés [travaillant à l’université] en tant qu’employés.

Dans un dossier déposé mercredi au Bureau national des relations du travail (NLRB), le syndicat a accusé l’université de surveillance et de vengeance contre une action collective sur le lieu de travail en réponse aux militants étudiants. Harvard a aussi violé le droit fédéral en refusant aux employés une représentation syndicale lors des réunions de l’enquête disciplinaire, et en changeant unilatéralement les politiques sur l’accès aux zones du campus pour décourager les manifestants, a affirmé l’UAW. L’allégation de vengeance visé par la plainte concerne des mesures comme la suspension d’étudiants pour leur participation au campement, ce qui peut aussi causer la perte de leurs emplois, selon le syndicat.

L’UAW a appelé à un cessez-le-feu à Gaza depuis décembre. Il a dénoncé les arrestations de personnes protestant contre la guerre à Gaza,  après l’attaque du 7 octobre par le Hamas qui a tué 1200 personnes et a kidnappé des centaines d’autres. La contre-attaque d’Israël a tué des dizaines de milliers de Palestiniens, y compris des civils.

« Si vous ne pouvez pas supporter le tollé général, arrêtez de soutenir cette guerre », a dit au début du mois le président du syndicat, Shawn Fain.

L’UAW représente environ 100000 employés des universités américaines, dont environ 5000 doctorants et étudiants de Harvard qui enseignent et font des recherches. Pendant des semaines, des étudiants, y compris des membres de l’UAW, ont maintenu un campement près du bureau du président de l’université, demandant que l’université rende publics, et cesse, ses investissements en Israël.

« C’ est quelque chose qui est important pour les membres et quelque chose qui est clairement lié à notre lieu de travail », a dit dans une interview Sal Sujri, chargé de cours en histoire des sciences à Harvard et vice-président du Syndicat des étudiants diplômés de Harvard, au sein de l’UAW. Les membres de l’UAW ne veulent pas que leur travail ou leurs salaires soient mêlés à la conduite d’Israël à Gaza, a dit Suri.

Les organisateurs des manifestations et les administrateurs de l’université ont annoncé mardi qu’ils avaient négocié un accord pour enlever les tentes, Harvard acceptant de répondre aux questions sur sa dotation et d’examiner les requêtes pour réintégrer les manifestants suspendus, mais pas de désinvestir. Un porte-parole a dit que l’université continuera les procédures disciplinaires, qui pourraient aboutir à des avertissements officiels et à des expulsions. L’université a commencé à suspendre certains manifestants vendredi dernier.

Des militants ont organisé des manifestations analogues dans d’autres établissements universitaires et universités sur l’ensemble des États-Unis, dont l’université Columbia, l’université de Pennsylvanie et l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT). Dans beaucoup de cas, les administrateurs ont appelé la police pour arrêter les manifestations et ont suspendu quelques étudiants.

Harvard n’a pas immédiatement répondu à l’enquête concernant le dossier déposé au NLRB. Un porte-parole de l’université a dit la semaine dernière que le campement sur Harvard Yard violait les politiques de l’université et créait « une perturbation importante à l’environnement éducatif », étant donné que les étudiants passaient leurs examens de fin d’année et se préparaient à la remise des diplômes.

Le cas Harvard est le dernier en date parmi plusieurs autres, dans des établissements comme l’université Brown et l’université de Californie du Sud, dans lesquels les syndicats sur le campus affirment que la direction viole les droits des travailleurs en réprimant des manifestations pro-palestiniennes. Alphabet Inc. est aussi confronté à des allégations selon lesquelles des dizaines d’employés auraient été licenciés illégalement pour leur participation à un sit-in s’opposant au contrat de l’entreprise avec le gouvernement israélien.

Ces affaires pourraient tester les limites du droit fédéral du travail, qui interdit les représailles contre des employés qui auraient mené une action collective liée à leurs conditions de travail, avec ou sans un syndicat.

 Tant Brown que l’université de Californie du Sud ont nié avoir commis des actes répréhensibles. Les membres du syndicat n’avait pas le droit de violer des règles de l’université dans le cadre d’une « manifestation sans relation avec leur emploi », a dit à Bloomberg Law un porte-parole de Brown la semaine dernière. Alphabet a également nié toute faute.

La conseillère générale de NLRB, Jennifer Abruzzo, a adopté une vue élargie de ce qui compte comme « activité concertée protégée » (ACP) selon le droit fédéral du travail. «  S’il y a une connexion avec vos conditions de travail, c’est ACP », a-t-elle dit en réponse à une question le mois dernier sur des manifestations d’employés en lien avec Gaza. « Nous devons protéger autant de travailleurs que possible », a dit Abruzzo, qui a été nommée par le président Biden en 2021. « Le statut est très large ».

— Avec l’aide de Janet Lorin, Parker Purifoy, et Jonathan Roeder