La presse italienne signale une opposition au parrainage de l’État israélien d’un spectacle de la Batsheva Dance Company, qui se tiendra demain à Turin. La Republica a publié intégralement la….
La presse italienne signale une opposition au parrainage de l’État israélien d’un spectacle de la Batsheva Dance Company, qui se tiendra demain à Turin.
La Republica a publié intégralement la lettre qui a été adressée, en juin, au directeur artistique de la Batsheva, Ohad Naharin, par Brian Eno, où celui-ci explique pourquoi il retire l’autorisation d’utiliser sa musique dans ce spectacle. La Stampa a cité la lettre à son tour, et l’affaire a été reprise par l’agence italienne d’informations ANSA.
Voici une traduction par Stephanie Westbrook, de BDS Italie, de l’article de La Republica, puis du texte de la lettre de Brian Eno (de l’italien en anglais – puis de l’anglais en français par BDS France).
Dans La Republica
L’affaire Israël/Palestine a éclaté avec le TorinoDanza, un spectacle dédié à la danse sous toutes ses formes et qui s’ouvre demain au Teatro Regio (Théâtre Royal) dans le cadre du festival du MiTo (Milan-Turin). Brian Eno, musicien et compositeur de renommée mondiale, a écrit à la Batsheva Dance Company, qui doit inaugurer le TorinoDanza, pour refuser que sa musique soit utilisée pour le spectacle « Three » et ce, en raison de son « parrainage par l’ambassade israélienne ». Eno soutient depuis longtemps le BDS, la campagne sous égide palestinienne pour le « Boycott, Désinvestissement et Sanctions » contre Israël. Il est aussi signataire, avec 1700 autres artistes de Grande-Bretagne, de la déclaration des « Artistes pour la Palestine » où ils s’engagent à ne pas entretenir de relations avec le gouvernement israélien.
Sur le site du TorinoDanza, en fait, le nom d’Eno a récemment été retiré, et la musique pour « Humus », le deuxième acte de « Three », créé par le directeur de la Batsheva, le chorégraphe Ohad Naharin, a été remplacée par une autre musique. Dans sa lettre, tout en se déclarant « flatté » du choix de sa musique pour l’œuvre, Eno indique que son utilisation crée pour lui « un sérieux conflit » étant donné que, pour le compositeur, « le gouvernement israélien se sert de l’art pour promouvoir une « image d’Israël » et pour détourner l’attention de l’occupation des terres palestiniennes ».
Note factuelle par les Artistes pour la Palestine du Royaume-Uni : Le nombre des signataires de l’engagement des Artistes pour la Palestine est presque de 1200, pas de 1700.
Ci-dessous le texte intégral de la lettre de Brian Eno :
Chers Ohad Naharin et Compagnie Batsheva,
Il a récemment été porté à mon attention que vous utilisiez une partie de ma musique dans une œuvre appelée HUMUS.
Je n’étais pas au courant de cette utilisation jusqu’à la semaine dernière, et, bien que dans un sens, je sois flatté que vous ayez choisi ma musique pour votre œuvre, je crains que cela ne crée pour moi un sérieux conflit.
À ma connaissance, l’ambassade israélienne (et par conséquent, le gouvernement israélien) parrainera les spectacles à venir et ceci, étant donné que je soutiens la campagne BDS depuis maintenant plusieurs années, est pour moi une perspective inacceptable. Il est dit souvent par les adversaires du BDS que l’art ne doit pas être utilisé comme une arme politique. Cependant, étant donné que le gouvernement israélien a clairement fait savoir qu’il utilisait l’art exactement de cette manière – pour promouvoir une « image d’Israël » et détourner l’attention de l’occupation de la terre palestinienne -, je considère que ma décision de refuser l’autorisation est un moyen de lui retirer des mains cette arme particulière.
Il y a quelques jours seulement, un officier de l’armée israélienne a tué Mahmoud Badan, 15 ans, et il n’est pas du tout certain qu’il en soit tenu responsable pénalement, et que même il en soit puni. Et des centaines de milliers de Palestiniens en Cisjordanie vont devoir passer un été de plus sans réels services d’eau, pendant que les démolitions des maisons palestiniennes et les confiscations de la terre palestinienne se poursuivent sans interruption, comme c’est le cas depuis de nombreuses années maintenant. Il n’y a aucun signe de la moindre tentative de limiter l’activité coloniale d’une façon ou d’une autre.
J’essaie de comprendre les difficultés auxquelles doit faire face tout artiste israélien aujourd’hui – et en particulier ceux qui, comme vous, ont montré quelque sympathie pour la cause palestinienne. J’ai le sentiment que votre gouvernement exploite les artistes tels que vous, jouant sur votre désir naturel de continuer à travailler – même si cela signifie intégrer sa stratégie de propagande. Votre Compagnie de danse n’est peut-être pas en mesure de se démarquer officiellement du gouvernement israélien, mais moi je le suis, et je le fais : je ne veux pas que ma musique soit autorisée pour tout évènement parrainé par l’ambassade israélienne.
J’ai discuté avec mon amie Ohal, une artiste israélienne qui elle aussi soutient le BDS, et je sais qu’elle et ses collègues israéliens du BDS comprennent la nécessité d’un boycott. En tant qu’artistes, nous devons être libres de faire le choix de répondre aux injustices des gouvernements, du vôtre comme du mien.
Très sincèrement
Brian Eno