Alors que la querelle de Harvard avec Trump s’est intensifiée, c’est aussi le cas des tensions autour d’un numéro spécial « Éducation et Palestine » d’un prestigieux journal [lié à l’université]. Des universitaires blâment l’« exception palestinienne » à la liberté académique.

En mars 2024, six mois après le début de la guerre d’Israël à Gaza, l’éducation dans le territoire était décimée. Des écoles étaient fermées — la plupart avaient été transformées en abris — et les 12 universités de la Bande de Gaza étaient partiellement ou complètement détruites.
Dans ce contexte, un prestigieux journal américain sur l’éducation a décidé de consacrer un numéro spécial à « Éducation et Palestine ». Le Harvard Educational Review (HER) a lancé pour cela un appel à propositions, demandant aux universitaires du monde entier des idées d’articles traitant de l’éducation des Palestiniens, de l’enseignement sur la Palestine et les Palestiniens et des débats liés dans les écoles et les universités aux États-Unis.
« Le domaine de l’éducation a un rôle important à jouer pour aider les étudiants, les éducateurs et les décideurs politiques à contextualiser ce qui est arrivé à Gaza avec les histoires d’occupation, de génocide et de contestations politiques et leurs impacts persistants », écrivaient les rédacteurs du journal dans leur appel à résumés.
Un peu plus d’une année plus tard, l’échelle de destruction à Gaza était exponentiellement plus grande. Le numéro spécial, prévu pour une publication cet été, était pratiquement prêt — les contrats avec la plupart des auteurs étaient finalisés et les articles édités. Ils couvraient des sujets allant de l’annihilation des écoles de Gaza aux défis de l’enseignement du sujet Israël-Palestine aux États-Unis.
Mais le 9 juin, le groupe Harvard Education Publishing [HEPG], la maison d’édition du journal, a brutalement annulé la publication. Dans un mail aux contributeurs du numéro, la maison d’édition mentionnait « un certain nombre de problèmes complexes », choquant autant les auteurs que les rédacteurs, a appris le Guardian.
Les universités américaines ont subi des attaques de plus en plus intenses de l’administration Trump les accusant de tolérer l’antisémitisme sur les campus. Beaucoup d’entre elles ont répondu en restreignant les manifestations, en punissant les étudiants et les membres du personnel qui s’expriment sur les droits palestiniens, et en scrutant les programmes qui incluent des études sur la Palestine.
Mais l’annulation du numéro entier d’un journal universitaire, ce qui n’avait pas été signalé auparavant, est un nouveau développement notable dans une liste de plus en plus longue d’exemples de censure de tout discours pro-palestinien.
Le Guardian a parlé avec quatre universitaires ayant écrit pour le numéro spécial et un des rédacteurs du journal. Il a aussi examiné des mails internes qui montrent comment l’enthousiasme pour un numéro spécial conçu pour promouvoir « une discussion experte sur l’éducation et la Palestine, au milieu de la répression, de l’occupation et du génocide » a été compromis par des craintes liées à la responsabilité juridique et a dégénéré en récriminations sur la censure, l’intégrité et sur ce que beaucoup d’universitaires en sont venus à décrire comme l’ « exception Palestine » à la liberté académique.
Paul Belsito, porte-parole de la Harvard Graduate School of Education, a écrit dans une déclaration au Guardian que la décision d’annuler le numéro spécial a suivi neuf mois de discussions et « un manque global d’alignement interne » sur le numéro.
Les auteurs le voient différemment. « Si les universités — ou dans ce cas une maison d’édition universitaire — ne sont pas disposées à résister pour ce qui est au cœur de leur mission, je ne sais pas ce qu’elles font. Quel est l’intérêt ? », a dit Thea Abu El-Haj, une anthropologue palestino-américaine de l’éducation à Barnard College, l’université féminine affiliée à l’université Columbia, qui était l’une des auteurs sollicités.
Harvard a été impliqué dans une bataille amère contre l’administration Trump à propos de millions de coupes de subventions fédérales et de la révocation de son éligibilité à accueillir des étudiants internationaux. En avril, elle est devenue la première, et pour le moment la seule, université à poursuivre en justice l’administration, obtenant des louanges pour sa résistance à l’attaque de Trump.
Mais Harvard a aussi réprimé les études sur la Palestine, rétrogradant des universitaires et annulant des programmes liés. « Harvard est tenue pour une institution héroïque, mais ce qui arrive en interne est bien plus compliqué », a dit Abu El-Haj.
En janvier, dans le cadre d’un règlement judiciaire avec des étudiants juifs qui avaient accusé Harvard de tolérer et de promouvoir l’antisémitisme sur le campus, l’université a adopté une définition controversée qui, arguent ses critiques, assimile critique d’Israël et antisémitisme.
Dans un mail aux auteurs annonçant l’annulation, la directrice exécutive du groupe d’édition n’a pas mentionné l’antisémitisme ; elle a écrit que la décision venait de ce qu’elle a décrit comme une procédure de révision inadéquate et le besoin d’une « révision approfondie des textes ».
Le comité éditorial du journal a rejeté cette description et a dit qu’ils avaient été écartés par la maison d’édition lors de la décision. La décision d’annuler le numéro était « incohérente avec les valeurs qui ont guidé HER depuis près d’un siècle », ont écrit les membres du comité dans une déclaration collective.
L’annonce est arrivée après la demande par la maison d’édition, tardivement dans le processus de publication, que les articles soient soumis à un examen juridique — une démarche que les auteurs ont trouvé hautement inhabituelle et ont appelé « une forme dangereuse de censure institutionnelle » dans une lettre commune objectant à cette demande. La requête de la maison d’édition était provoquée par la peur que le numéro ne s’attire des allégations d’antisémitisme, a dit un membre du comité de rédaction.
La dispute souligne les restrictions sans précédent placées sur la production des connaissances au milieu d’accusations croissantes d’antisémitisme sur les campus et de la croisade de l’administration Trump contre l’enseignement supérieur. Mais elle signale aussi le niveau d’abandon par les universités de leurs engagements affichés, par peur de répercussions juridiques ou financières.
« Même à l’intérieur du paysage plus large autour de la Palestine à l’université, c’est sans précédent », a dit Chandni Desai, professeure à l’université de Toronto et autrice d’un des articles mis au rancart. « Vous ne faites pas signer des contrats aux gens, vous ne les laissez pas faire de la promotion pour les articles pour ensuite annuler, non pas un seul article, mais un numéro spécial entier ».
Les tensions débordent
Le Harvard Educational Review (HER) est un journal universitaire qui date d’un siècle ; il publie des recherches et des articles d’opinion orientés vers les universitaires et les professionnels de l’éducation, et il est considéré comme une publication de premier plan dans le domaine. Il est publié par le groupe Harvard Education Publishing, une branche de la Harvard Graduate School of Education, et son comité de rédaction est composé de doctorants et doctorantes de l’université.
Le numéro sur la Palestine devait inclure une douzaine d’articles de recherche, d’essais et d’autres écrits sur des sujets allant de l’éducation en Israël-Palestine et au sein de la diaspora palestinienne à la liberté académique aux États-Unis. Selon les résumés finalisés des articles transmis au Guardian, ils exploraient l’évolution du concept de « scolasticide », un terme décrivant l’annihilation systématique de l’éducation utilisé d’abord pendant l’invasion de Gaza par Israël en 2008 ; les « responsabilités éthiques et éducatives » des enseignants d’anglais en Cisjordanie ; et l’impact des « répressions contre la dissidence » sur l’enseignement à propos de la Palestine dans les institutions américaines d’enseignement supérieur.
L’article d’Abu El-Haj, co-écrit avec deux autres universitaires, explorait la « centralité de l’éducation dans la lutte pour la libération palestinienne », à partir d’un projet d’histoire orale sur les expériences des enseignants avec l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens au Liban. Les rédacteurs du journal étaient si enthousiastes sur cet article qu’au printemps dernier, ils l’ont sélectionné avec deux autres pour promouvoir le numéro spécial à venir sur la 4e de couverture du numéro de printemps.
Le numéro spécial a aussi été formellement annoncé à une réunion annuelle de spécialistes de l’éducation à Chicago en mars. « Il y a eu pas mal d’intérêt », a dit Jo Kelcey, professeure à l’Université américaine libanaise à Beyrouth et co-autrice de l’article avec Abu El-Haj.
C’est peu après que les auteurs ont reçu le premier soupçon qu’il y aurait un problème.
Rabea Eghbariah, doctorant palestinien à la Harvard Law School, avait été sollicité pour écrire la postface du numéro spécial. En 2023, un autre journal de Harvard, le Harvard Law Review, avait bloqué la publication d’un article qu’il lui avait pourtant commandé. Quand le Columbia Law Review a publié l’article à la place, le comité d’administration de ce journal a répondu en fermant temporairement l’intégralité de son site web. Inquiet à cause de cette expérience, Eghbariah a exigé spécifiquement d’amender son contrat avec le Harvard Educational Review pour y ajouter une clause visant à sauvegarder sa liberté académique. Après un long silence, le journal a refusé sa demande en avril.
« C’est honteux, incroyablement, de voir une publication universitaire trahir si explicitement la liberté académique et rejeter une clause sur sa protection », a dit Eghbariah, qui n’a pas signé le contrat. « Ma post-face porte spécifiquement sur le déni de la Nakba — un phénomène de manipulation des faits pour confirmer le sionisme et refaçonner les connaissances par rapport à la Palestine — et il est assez ironique de se voir refuser sa publication. »
Plusieurs jours après leur réponse à Eghbariah, le comité de rédaction du journal a écrit aux auteurs, mentionnant « un climat de plus en plus difficile » et demandant leurs disponibilités pour une réunion, qui n’a finalement jamais eu lieu. « Dans le cadre d’une communauté universitaire profondément engagée à encourager les voix et la recherche palestiniennes, nous sommes confrontés à des contextes sans précédent », ont-ils écrit.
Le mail offrait peu de détails, mais pendant des semaines, les rédacteurs du journal avaient été soumis à une pression croissante de la maison d’édition. En janvier, on leur a dit qu’« un examen institutionnel » des manuscrits serait requis. En février, la maison d’édition a essayé — sans informer les rédacteurs — de changer la 4e du numéro de printemps promouvant quelques-uns des articles à venir, selon la correspondance par mail examinée par le Guardian. (La compagnie d’imprimerie a signalé le changement aux rédacteurs, qui l’ont annulé.) Dans des conversations avec les rédacteurs — bien que pas par écrit — la maison d’édition a reconnu qu’elle sollicitait un examen juridique d’« évaluation des risques » par un conseiller de Harvard, de peur que la publication du numéro ne déclenche des allégations d’antisémitisme, a dit un rédacteur.
Alors que les tensions atteignaient leur paroxysme, le comité a contacté les auteurs début mai, pour les informer de l’examen juridique exigé.
C’était une demande extraordinaire, ont dit les auteurs et le rédacteur interviewés par le Guardian. Des examens juridiques sont parfois demandés pour un article spécifique quand il s’agit de diffamation — mais cela arrive tôt dans le processus, et pas pour un numéro entier, ont-ils remarqué.
« Cela n’arrive pas, certainement pas au moment où votre publication a été acceptée et où vous avez des contrats », a dit Kelcey. « Ce n’est pas la manière dont la recherche est supposée opérer ».
À ce moment, l’administration Trump avait renversé l’enseignement supérieur en menaçant d’enlever des milliards de dollars de subventions aux universités des États-Unis à cause de leurs réponses aux manifestations pro-palestiniennes. Harvard avait engagé des poursuites en avril, augmentant sa querelle avec le président. Les auteurs qui n’avaient pas initialement été en contact entre eux se sont regroupés et ont organisé une réponse collective, contestant la requête pour un examen juridique à ce stade comme étant « sans précédent », ont-ils écrit dans une lettre du 15 mai au comité éditorial et à la maison d’édition du journal. « Cela envoie un message dangereux aux universitaires dans le monde entier : que les contrats de publication universitaires sont conditionnels, révocables et soumis à des calculs politiques externes ».
Les auteurs ont demandé que le journal revienne sur sa demande d’examen juridique. Mais moins d’un mois plus tard, la directrice exécutive de la maison d’édition, Jessica Fiorillo, leur a écrit que le numéro était entièrement retiré. Dans un mail vu par le Guardian, elle a affirmé que les manuscrits n’étaient pas « prêts pour publication », en partie à cause de la démission d’une correctrice. Elle a aussi mentionné de manière imprécise « le non-respect d’un processus d’évaluation adéquat », un « manque d’alignement interne » entre les auteurs, le comité de rédaction et la maison d’édition, et « l’absence d’une voie claire et rapide pour résoudre les multiples problèmes en cause ».
« Cette difficile situation est exacerbée par un manque d’accord très significatif sur la voie à suivre, en particulier et tout spécialement sur la question de publier ou non un tel numéro spécial en ce moment », a-t-elle écrit.
La question des corrections n’était pas simplement personnelle. La lettre de la maison d’édition affirmait que les rédacteurs « avaient donné des directives éditoriales très restrictives à la correctrice sous contrat pour travailler sur le numéro spécial, limitant sa révision à la grammaire, à la ponctuation et aux erreurs de syntaxe, et lui demandant de s’abstenir d’offrir des suggestions éditoriales quelconques pour traiter, selon les mots des rédacteurs, les contenus ‘politiquement sensibles’ ». Elle affirmait que la correctrice avait démissionné en grande partie à cause de ces restrictions.
Fiorillo ajoutait qu’il aurait été « tout à fait approprié » de soumettre le travail à des vérifications juridiques pour « tout matériel diffamatoire ou illégal » mais qu’une telle révision n’avait pas eu lieu. Elle ajoutait que l’annulation n’était pas « due à la censure d’un point de vue particulier et n’avait pas de lien avec les questions de liberté académique ».
Une « lourde perte »
Les rédacteurs du journal ont été pris au dépourvu. « Le comité de rédaction n’a pas été informé d’une quelconque prise de décision interne à HEPG à propos du numéro spécial et nous n’avons appris cette communication et cette décision que 30 mn avant que cela ne soit envoyé », ont-il écrit aux auteurs peu après le mail de Fiorillo.
Dans une plus longue lettre aux auteurs, deux jours plus tard, ils ont réfuté les affirmations de Fiorillo sur des irrégularités dans la procédure d’évaluation et ils ont exprimé leur déception face à la décision d’annuler le numéro.
« C’est une lourde perte que votre travail n’apparaisse pas dans les pages de [Harvard Educational Review] comme prévu — pour HER, pour le domaine de l’éducation et pour la justice sociale », ont-ils écrit.
En ce qui concerne l’affirmation de la maison d’édition à propos des directives excessivement restrictives qui auraient été données à la correctrice, les rédacteurs ont dit que la maison d’édition leur avait demandé de développer des directives de correction — ce qui n’avait pas été demandé pour les numéros précédents —et qu’ils avaient sollicité des commentaires à plusieurs moments du processus.
À quel niveau de l’administration de Harvard a été prise la décision d’annuler le numéro n’est pas clair. Belsito, le porte-parole pour la Harvard Graduate School of Education, a écrit que le bureau du Conseil général de Harvard « ne fait ni n’oriente les décisions éditoriales » pour l’école ou son groupe d’édition.
« HEPG est conscient de la déception que cette décision peut avoir causé aux auteurs et reste profondément impliqué dans notre solide procédure éditoriale, publiant seulement des travaux de la plus haute qualité scientifique par un processus enraciné dans l’intégrité, la collaboration et la rigueur éditoriale », a-il ajouté.
La branche de Harvard de l’Association américaine des professeurs d’université, qui a été impliquée après avoir appris l’annulation, pense que la décision est venue de la maison d’édition.
« Pour nous, cela semblait un cas d’école de l’assassinat de la parole et de la recherche universitaire liées à la Palestine », a dit Kirsten Weld, professeure d’histoire et présidente de la branche. « Pour le moment, et bien que notre investigation reste incomplète, il semble que l’initiative soit venue du groupe Harvard Education Publishing ».
Un des rédacteurs de la Harvard Educational Review, qui a demandé l’anonymat à cause du climat répressif dans le monde académique, a dit que la pression de la maison d’édition sur les rédacteurs s’est intensifiée un peu avant que Trump ne prenne ses fonctions. La demande de soumettre l’intégralité des manuscrits édités à une évaluation des risques était « totalement anormale », a dit le rédacteur. « Je ne savais même pas que l’examen [par le bureau du Conseil général] était une option, je n’avais jamais entendu parler de cela ».
La censure du numéro, a ajouté le rédacteur, est « exactement la façon dont l’autoritarisme augmente ».
Les membres du comité de rédaction qui travaillaient sur le numéro ont dit qu’ils avaient fait de leur mieux pour « faire avancer ce travail dans un climat de répression et de compromis institutionnel ».
« Réfléchissant sur ce moment, nous pressons la communauté académique de défendre sa capacité à publier des recherches rigoureuses, orientées vers la justice, sans interférence ni répression », ont-ils ajouté.
L’épreuve a été un test pour la liberté académique, a dit Desai, dont l’article sur le scolasticide, co-écrit avec trois collègues palestiniens, a aussi fait l’objet d’une sollicitation directe et d’une publicité en 4e de couverture du numéro de printemps du journal. (C’est d’ailleurs l’annonce de leur article que la maison d’édition a essayé d’enlever de la 4e de couverture du numéro précédent, sans que les rédacteurs le sachent.)
Desai a critiqué l’annulation, comme « une sérieuse violation de la liberté et de l’intégrité académiques », mais aussi un affront au travail des universitaires qui « écrivent ces articles pendant un génocide ».
Ses co-auteurs et elle, dont un doyen de l’université Al-Azhar de Gaza, ne faisaient pas que documenter la résilience de l’éducation palestinienne au milieu de sa destruction, mais étaient personnellement impliqués dans ces efforts, a-t-elle fait remarquer. Beaucoup de ses collègues et étudiants ont été tués alors que le groupe travaillait sur l’article. « Ce n’est pas un exercice universitaire abstrait quelconque », a dit Desai. « Je ne peux m’empêcher de souligner l’urgence de cet article alors que nous regardons les universités exploser ».
Les auteurs sont en pourparlers avec d’autres journaux et espèrent que leurs articles peuvent être publiés ensemble comme prévu. Tous ceux interviewés par le Guardian exprimaient leur crainte que l’incident ne dissuade d’autres universitaires de continuer leur travail sur la Palestine — un problème de longue date, dont ils disent qu’il n’a fait que s’exacerber pendant les deux dernières années. « Il y a ce risque, de plus ou moins fermer l’espace démocratique », a dit Kelcey.
Alors qu’Israël et la Palestine sont devenus la poudrière d’un climat en rapide détérioration pour la libre expression et la liberté académique aux États-Unis, Harvard a déjà rétrogradé deux enseignants dirigeant le Centre des Études sur le Moyen-Orient (l’un d’eux a écrit le préambule du numéro annulé), suspendu un partenariat avec l’université Bir-Zeit en Cisjordanie occupée par Israël et mis fin à une initiative de l’école de théologie consacrée au conflit.
Les universitaires craignent que la capitulation des universités ne heurte un champ entier d’études au moment où il est le plus utile. Mais Abu El-Haj a aussi alerté sur le fait que l’annulation du numéro spécial met en place un dangereux précédent pour l’indépendance de la recherche universitaire sur une variété de sujets. Elle a accusé la maison d’édition d’« obtempérer par anticipation » et a averti que « cela ne va pas s’arrêter avec la Palestine », a-t-elle dit.
Mais elle a aussi exprimé une note d’optimisme. Dans un signe du fossé grandissant entre les décideurs et le public général sur la question, elle a dit que la guerre à Gaza avait conduit à un intérêt sans précédent parmi les étudiants pour l’enseignement et la recherche sur la Palestine.
Elle a rappelé le temps où elle était étudiante aux États-Unis, pendant l’invasion par Israël du Liban en 1982 et les massacres des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Shatila par les milices libanaises soutenues par Israël. « Nous étions trois à manifester », s’est-elle souvenu. « Je n’aurais jamais imaginé voir dans ma vie les campements qui ont eu lieu l’année dernière ».
« Nous sommes à un croisement vraiment critique », a-t-elle ajouté. « Le niveau de répression que nous voyons est lié à un changement dans le narratif, et à la perte de contrôle sur ce narratif ».
- Cet article a été amendé le 23 juillet 2025. Une référence à « l’évaluation par les pairs » dans une citation a été enlevée. Si les articles du journal en question sont passés par une processus d’examen interne incluant plusieurs rédacteurs, ils n’ont pas été soumis à une processus traditionnel d’évaluation externe par les pairs.
- Photo : Une copie du journal Harvard Education Review annonçant un futur numéro consacré à l’enseignement en Palestine et sur la Palestine. Photographie : Thea Abu El-Haj.