La lauréate du prix de la meilleure actrice de télévision israélienne proteste sur la cérémonie de remise des prix tenue le jour de la Nakba

« Chaque jour je suis face à des dilemmes dans le choix des rôles et des projets auxquels je participe et dans mon refus intégral de rôles qui me blessent, moi, mon peuple ou mon humanité »dit Ruba Blal Asfour.

La gagnante du prix de cette année de la meilleure actrice de la télévision israélienne a renoncé au prix pour protester contre la décision de tenir la cérémonie de remise des prix le jour où les Palestiniens commémorent la Nakba (littéralement la « catastrophe ») de la création d’Israël.

La cérémonie, accueillie par l’Académie israélienne du film et de la télévision, a eu lieu mercredi, quand Israël célébrait le jour de l’Indépendance et que les Palestiniens observaient le jour de la Nakba. Ruba Blal Asfour a remporté le prix pour son rôle dans la série « Nos garçons » qui est consacré au meurtre du jeune Mohamed Abu Khdeir en 2014, par des Juifs qui cherchaient à venger l’enlèvement et le meurtre par le Hamas de trois adolescents israéliens le mois précédent.

Mardi, dans un post sur Facebook, Blal Asfour a écrit que dans cette série produite par HBO, elle représente « la mère du martyr Mohammed Abu Khdeir. Dans ce rôle, j’ai effectivement essayé de donner au téléspectateur une image de la douleur et de la souffrance permanentes des Palestiniens, comme des injustices de l’occupation israélienne.

« L’Académie a décidé, cette année, de remettre les prix le jour de la célébration de l’indépendance d’Israël. Comme chacun sait, pour moi c’est un triste jour, un jour d’injustice historique, celui des événements de la Nakba du peuple palestinien, qui continue ».

Plus loin sur le post, elle a écrit : « Personnellement, j’ai souffert d’une douleur indescriptible durant le tournage de l’histoire du martyr Abu Khdeir. Je rentrais voir mes enfants et j’étais incapable de les embrasser à cause de la terrible injustice que Mohammed et sa famille ont subie, la même injustice qui se produit aujourd’hui envers les enfants (palestiniens) qui sont prisonniers ou martyrs.

« En tant que militante palestinienne, chaque jour je suis face à des dilemmes dans le choix des rôles et des projets auxquels je participe et dans mon refus intégral de rôles qui me blessent, moi, mon peuple ou mon humanité. Cela n’est pas particulièrement facile quand on vit dans une totalité israélienne perpétuellement occupée à museler les gens qui réclament la paix et la fin de l’occupation ».

Finalement, elle a remercié l’académie de l’avoir choisie comme meilleure actrice. « J’ai joué un petit rôle, chargé de valeur humaine, en faisant connaître au monde l’histoire du martyr Al-Fajr, « l’aube » (comme l’appellent les Palestiniens) et pour moi, cela constitue une appréciation du plus haut niveau. Je suis consciente que ma décision se paie au prix fort, et j’en ai l’habitude, mais d’un autre côté, je suis fière de mener ma lutte palestinienne, ma lutte humaine, mes déclarations politiques et mon choix, que je considère être juste ».

L’académie a dit dans une déclaration que Blal Asfour avait été choisie comme la meilleure actrice par les membres de l’académie, qui ont « exprimé par là leur appréciation de son jeu excellent. Nous respectons sa décision de renoncer au prix ».

Hagai Levi, qui a co-écrit la série et accepté plusieurs récompenses au nom de la distribution, a dit dans son discours de réception des prix, qu’il comprenait la décision de Blal Asfour et était d’accord que le fait de tenir la cérémonie des prix le jour de l’indépendance était un manque d’égards. Il a invité l’académie à envisager de la tenir un autre jour à l’avenir, en signe de considération pour les acteurs palestiniens.

Blal Asfour, qui est née à Nazareth, est une actrice estimée. Elle a précédemment remporté le prix de la meilleure actrice du prix Ophir, l’équivalent israélien des Oscars, pour son rôle dans le film « Sand Storm » (tempête de sable), ainsi qu’un prix important au festival de Sundance.

Lorsqu’elle a remporté le prix Ophir, elle a refusé de monter sur le podium avec l’équipe du film, criant depuis les rangs du public qu’elle refusait de partager le podium avec Miri Regev, la ministre de la culture. Elite Zexer, qui a écrit et réalisé le film, a dit dans son discours qu’elle respectait la décision de Blal Asfour.

Blal Asfour a eu son premier rôle dans « Thirst » (soif) réalisé par Tawfik Abu Waël, qui était aussi le coréalisateur de « Our Boys ». En outre, elle a joué dans plusieurs pièces de théâtre et dans la série télévisée « The Writer » (L’écrivain) de Sayed Kashua.