La condamnation à mort du poète palestinien Ashraf Fayadh annulée par un tribunal saoudien

Un jury dégrade la peine pour conviction d’apostasie en huit ans de prison et 800 coups de fouet.

Un tribunal saoudien a annulé la peine de mort d’un poète palestinien, accusé d’avoir renoncé à l’islam, en la remplaçant par une peine de huit ans de prison et 800 coups de fouet. Il doit également déclarer son repentir dans les médias officiels.

La décision de ce jury a fait suite à l’argumentation de l’avocat d’Ashraf Fayadh expliquant que sa condamnation était gravement viciée parce qu’il n’avait pas eu droit à un procès loyal. Dans un exposé à propos du verdict, Abdulrahman al-Lahem a dit que le jugement révoquait la peine de mort mais maintenait que le poète était coupable d’apostasie.

Dans un mémo posté sur Twitter, Lahem détaille la nouvelle peine de Fayadh. Il est condamné à huit ans de prison et 800 coups de fouet, peine applicable à 16 reprises, et il doit renoncer à sa poésie dans les médias de l’État saoudien.

Lahem a applaudi à l’abandon de la peine de mort mais a réaffirmé l’innocence de Fayadh et a annoncé qu’ils allaient faire appel et demander une caution.

Adam Google, chercheur sur le Moyen-Orient à Human Rights Watch, a dit : « Au lieu de décapiter Ashraf Fayadh, un tribunal saoudien a ordonné une longue peine d’emprisonnement et de flagellation. Personne ne devrait être arrêté pour avoir exprimé pacifiquement ses opinions, encore moins subir une peine corporelle et de la prison. Les responsables de la justice saoudienne devraient intervenir urgemment pour casser ce verdict injuste. »

L’auteur Irvine Welsh a dit : « Quand on envisage comme compromis une barbarie aussi tordue, il est plus que temps que les gouvernements occidentaux arrêtent de traiter avec ce régime pervers.

La peine de mort décrétée en novembre a provoqué une indignation mondiale.

Des centaines d’auteurs, artistes et acteurs de premier plan, dont le directeur de la Tate Moderne Chris Dercon, la lauréate britannique de poésie Carol Ann Duffy, et l’actrice Helen Mirren, ont demandé sa libération. Plus de 60 associations artistiques et de défense des droits de l’Homme, dont Amnesty International et l’association d’écrivains PEN international, ont lancé une campagne demandant aux autorités saoudiennes et aux gouvernements occidentaux de le sauver. Des lectures de sa poésie ont été organisées pour le soutenir dans 44 pays la semaine dernière.

Jo Glanville, directeur de PEN en Angleterre qui a demandé la libération de Fayadh, a dit : « C’est un soulagement de savoir que Fayadh ne craint plus son exécution, mais c’est un verdict totalement disproportionné et choquant. Il va causer la consternation de ses nombreux supporters dans le monde entier. Les charges contre lui auraient dû être abandonnées et, aujourd’hui, il devrait être un homme libre. Nous allons continuer à faire campagne pour sa libération. »

Fayadh, qui souffre de problèmes de santé mentale, a passé presque deux ans en prison à Abha, ville du sud-ouest du royaume ultra-conservateur.

Ce réfugié palestinien de 35 ans a acquis la notoriété en tant qu’artiste et commissaire pour l’association artistique britannico-saoudienne Edge of Arabia. Il est allé organiser des expositions à Jeddah et à la Biennale de Venise de 2013, qui a fait découvrir une génération émergeante d’artistes saoudiens.

Mais en août 2013, il a été arrêté par la mutaween (police religieuse) après une plainte disant qu’il blasphémait contre Allah et le prophète Mahomet, qu’il insultait l’Arabie Saoudite et qu’il distribuait un recueil de ses poèmes qui promouvait l’athéisme. Fayadh a dit que la plainte était issue d’une querelle personnelle pendant une discussion dans un café à Abha.

Alors qu’on l’avait relâché le lendemain, on l’a de nouveau arrêté le 1er janvier 2014 et détenu au poste de police avant de le transférer à la prison locale 27 jours plus tard. A son procès en mai 2014, il a été condamné à quatre ans de prison et 800 coups de fouet par le tribunal principal d’Abha.

On l’a aussi accusé de stocker dans son téléphone des photos de femmes, dont ses amis et collègues ont dit qu’il s’agissait d’artistes qui jouaient dans son spectacle à la foire artistique de Jeddah.

Après le rejet de son appel, Fayadh a été rejugé le 17 novembre 2015 et condamné à mort par un nouveau jury qui a déclaré que son repentir n’empêchait pas son exécution.

Mais le dossier d’appel fourni le mois dernier par son avocat déclarait que la condamnation de Fayadh se fondait sur des allégations non confirmées et ne tenait pas compte de la preuve de sa maladie mentale.

Le père de Fayadh a eu une attaque après avoir entendu que son fils allait être décapité. Fayadh n’a pas pu aller le voir avant sa mort le mois dernier et n’a pas non plus être présent à ses obsèques.

Dans le dossier examiné mardi par le jury, Lahem a démontré que la première arrestation de Fayadh en 2013 était illégale puisqu’elle n’avait pas été prononcée par les services du ministère public. L’allégation d’apostasie avancée par Shaheen bin Ali Abu Mismar, supposé avoir eu un querelle personnelle avec le poète, n’a pas été corroborée par une autre preuve, ce qui va à l’encontre des principes de la loi de la sharia, a-t- il déclaré.

Le dossier d’appel a également établi que la décision de novembre avait ignoré, au procès de Fayadh en 2014, la déposition des témoins de la défense, qui disaient qu’Abu Mismar mentait, et de l’oncle de l’accusateur qui disait qu’il n’était pas fiable. Il a soutenu que « le système judiciaire ne pouvait s’appuyer sur [sa preuve] étant donné la possibilité qu’elle soit malveillante ».