La CIJ enjoint à Israël de laisser l’aide entrer dans Gaza et affirme que les restrictions ont enfreint les obligations internationales

La plus haute juridiction de l’ONU considère également qu’Israël n’a pas justifié le blocage de l’UNRWA et d’autres agences de secours

Israël doit laisser l’aide entrer dans Gaza, et les restrictions qu’elle a imposées à cette entrée au cours des deux dernières années constituent un manquement à ses obligations, a estimé la plus haute juridiction de l’ONU.

L’avis consultatif cinglant rendu par la Cour Internationale de Justice de La Haye a également déclaré qu’Israël avait le devoir de ne pas empêcher la fourniture d’aide par les organisations de l’ONU, y compris l’UNRWA, agence de secours à la Palestine de l’ONU qui a subi de la part d’Israël, une exclusion effective du territoire depuis janvier.

La Cour a estimé qu’Israël n’avait pas produit d’éléments de preuve suffisants pour justifier la fin de sa coopération avec l’UNRWA en alléguant qu’elle ne serait pas une organisation neutre aux termes des conventions de Genève.

La Cour a constaté que l’organisation était l’épine dorsale de toute l’assistance humanitaire dans cette zone, réclamant qu’Israël coopère avec l’organisation en toute bonne foi.

L’avis selon lequel Israël a violé les immunités de l’ONU inscrites dans la Charte des Nations unies, et manqué à ses obligations humanitaires en tant que puissance occupante aux termes des conventions de Genève suscitera certainement d’autres appels pour que l’appartenance d’Israël à l’ONU soit suspendue.

Il est également possible que certains pays considèrent maintenant que le secrétaire général de l’ONU António Guterres devrait demander à Israël de verser des dédommagements pour avoir violé l’immunité des locaux et des entités du personnel des Nations unies en Palestine occupée, en les bombardant et en mettant fin à la coopération avec l’UNRWA. Israël a déjà versé des indemnités lors d’une précédente affaire, il y a près de 40 ans.

Israël a rejeté les conclusions de la CIJ. Dans un message publié sur le réseau social X, le ministère israélien des Affaires étrangères a affirmé qu’il rejetait catégoriquement les conclusions de la Cour et a ajouté : « Israël s’acquitte pleinement de ses obligations en vertu du droit international. »

La décision de la CIJ a été rendue sous la forme d’un avis consultatif après une requête de l’Assemblée générale des Nations unies en décembre, motivée par la décision prise en octobre par le Parlement israélien de mettre fin à toute coopération avec l’UNRWA, affirmant que l’organisation avait été irrévocablement infiltrée par le Hamas à Gaza.

L’UNRWA rejette cette affirmation, et la CIJ a estimé qu’Israël n’avait pas « étayé ses allégations », a déclaré son président, Yuji Iwasawa.

La lecture des conclusions de la CIJ – dont l’affirmation que la situation humanitaire à Gaza reste catastrophique et que les pertes humaines sont massives – a duré plus d’une heure et a été approuvée à une très large majorité des juges, par 10 voix contre 1.

La Norvège, pays qui a introduit la procédure auprès de l’ONU, a déclaré qu’elle chercherait à faire adopter par l’assemblée générale une résolution sur la base des conclusions accablantes de la Cour.

Andreas Kravik, vice-ministre des affaires étrangères de Norvège, a déclaré : « C’est depuis longtemps la position de la Norvège qu’Israël a l’obligation de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire aux Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, et que les organisations humanitaires de l’ONU ainsi que les pays tiers peuvent fournir une aide vitale aux Palestiniens. Cette décision de la CIJ confirme que c’est à l’ONU que devrait revenir la responsabilité d’acheminer l’aide, et ceci est conforme à ce qui est prévu dans le plan Trump.

« Nous nous attendrions maintenant à ce qu’Israël respecte cette décision et nous espérons que cela se traduira par l’octroi à l’ONU d’un accès total au territoire occupé. Nous nous attendons maintenant à ce qu’Israël, en conformité avec l’avis de la Cour, accorde l’accès non seulement à l’ONU mais également aux ONG qui sont prêtes, disposées et capables d’apporter leur aide. »

Dans l’une de ses conclusions les plus accablantes, la Cour a déclaré qu’Israël en tant que puissance occupante avait l’obligation de ne pas utiliser la faim comme arme de guerre, soulignant que le gouvernement israélien a empêché l’entrée à Gaza de toute aide onusienne du 2 mars au 18 mai.

La Cour a estimé que la Fondation humanitaire de Gaza, l’agence d’aide mise sur pied par Israël, ne constituait pas un substitut adéquat, et que son existence n’exonérait pas Israël de l’accusation d’utiliser la faim comme arme de guerre.

Selon la CIJ, plus de 2100 Palestiniens avaient été tués près des points de distribution. Les conditions ont continué à s’aggraver et les experts alimentaires internationaux ont déclaré en août que la famine sévissait dans certaines parties de Gaza.

Les juges ont estimé que les transferts de masse ou les déportations de population dans un territoire occupé sont prohibés en vertu des Conventions de Genève. Ils ont déclaré qu’Israël n’avait pas le droit de bloquer l’aide humanitaire, ni d’obliger des centaines de milliers de personnes à rejoindre des zones surpeuplées, ni encore de restreindre la présence de l’ONU à un degré tel que cela créerait des conditions d’existence qui forceraient la population à partir.

La Cour a également estimé qu’indépendamment des obligations qui lui incombent en tant que puissance occupante, Israël, en tant que membre de l’ONU, avait le devoir de coopérer avec cette organisation.

Les deux lois adoptées unilatéralement par la Knesset en octobre mettant fin à toute coopération avec l’UNRWA dans les territoires occupés étaient illégales car elles empêchaient l’UNRWA d’exécuter sa mission de fourniture d’aide. La Cour a déclaré que 360 membres du personnel de l’UNRWA avaient été tués au cours du conflit.

La Cour a estimé qu’Israël avait l’obligation de respecter l’immunité et les privilèges accordés à l’ONU, à ses entités, à ses biens et à son personnel pour pouvoir fonctionner dans les territoires occupés. Elle a déclaré que cette immunité dans les territoires occupés ne cessait pas de s’appliquer en temps de guerre et que, par conséquent, les écoles, les hôpitaux et autres locaux gérés par l’UNRWA devaient être considérés comme inviolables. La Cour a estimé qu’il appartenait à l’ONU, en temps de conflit, de décider si elle avait perdu le contrôle de ses locaux et si l’immunité était perdue. Elle a également déclaré qu’Israël avait le devoir de respecter l’immunité du personnel de l’ONU tant que celui-ci agissait à titre officiel dans les territoires occupés, définis dans un précédent avis de la CIJ comme la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est.

La Cour a également estimé qu’Israël avait l’obligation d’autoriser le Comité international de la Croix-Rouge à rendre visite aux prisonniers palestiniens détenus en Israël.

Bien que la Cour ait reconnu à Israël le droit, en tant que puissance occupante, d’inspecter les cargaisons d’aide, elle a déclaré qu’Israël ne pouvait exercer ce droit d’une façon qui compromette l’exécution de son obligation fondamentale d’assurer l’approvisionnement en denrées alimentaires indispensables à la survie de la population civile.

Selon la Cour, les niveaux d’aide sont demeurés insuffisants. Une puissance occupante ne peut pas non plus invoquer des raisons sécuritaires pour imposer une suspension générale de l’aide.

La Cour a fait observer qu’une « puissance occupante ne doit pas se borner à simplement autoriser le passage d’articles essentiels dans le territoire occupé. Elle doit aussi utiliser tous les moyens dont elle dispose pour faire en sorte que ces articles soient distribués de manière régulière, équitable et non discriminatoire, notamment en en facilitant l’accès et en s’abstenant de recourir à la menace ou à l’emploi de la violence ou de la force létale contre la population civile qui tente d’accéder à cette aide humanitaire. »

De son côté, le directeur de l’Organisation mondiale de la Santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré que même aujourd’hui les niveaux d’aide atteignant Gaza faisaient toujours l’objet de restrictions.

M. Tedros a déclaré que la situation restait « catastrophique et indescriptible » et que Gaza vivait une « catastrophe » sanitaire dont les effets perdureraient pendant des « générations ».