L’université hébraïque lance la police sur les étudiants qui manifestent contre le recrutement dans l’armée

La première tentative d’Israël visant à recruter des citoyens palestiniens chrétiens pour un service volontaire dans l’armée rencontre une forte résistance dans la communauté avec une réaction violente de la….

La première tentative d’Israël visant à recruter des citoyens palestiniens chrétiens pour un service volontaire dans l’armée rencontre une forte résistance dans la communauté avec une réaction violente de la part de l’université hébraïque et des autorités israéliennes.

L’armée israélienne a récemment commencé l’envoi de feuilles d’incorporation au domicile des citoyens palestiniens chrétiens de l’État, provoquant une confrontation entre le gouvernement et la communauté palestinienne dans l’Israël d’aujourd’hui.

Hormis des petits groupes comme les Druzes, les près de 1,7 million de citoyens palestiniens d’Israël, représentant environ 20 % de la population de l’État, ne sont pas obligés de faire le service militaire.

Mais les jeunes gens de la communauté druze sont de plus en plus nombreux à refuser les ordres d’incorporation obligatoire et ils s’organisent en groupes de jeunes militants. Omar Saad purge actuellement sa septième condamnation consécutive pour avoir refusé de servir dans l’armée ; il a passé plus de 150 jours en prison depuis début décembre.

Les militants druzes ont longtemps critiqué la tactique d’Israël consistant à diviser pour régner, notamment avec ses tentatives de « lavage de cerveau », faisant croire aux membres de la communauté qu’ils ne sont ni arabes ni liés au reste de la population palestinienne.

La relation censée être étroite entre communauté druze et État a connu son niveau le plus bas quand la participation du président Shimon Peres a été refusée aux cérémonies religieuses druzes annuelles il y a deux semaines.

Les dirigeants de la communauté druze ont déclaré qu’ils souhaitaient éviter une confrontation avec les manifestants prévoyant de protester contre la participation de Peres. L’hostilité croissante entre la communauté druze et l’État provient de la condamnation en avril de 16 notables druzes du plateau du Golan occupé, pour avoir rendu visite à de la famille en Syrie, entre 2007 et 2010 ; l’appel du chef spirituel druze, Sheikh Muwaffak Tareef à Perès lui demandant de gracier les notables est resté sans réponse.

En résidence surveillée

« Huit cents feuilles (d’incorporation) ont été envoyées ; quel gaspillage de papier ! Je ne voudrais même pas gaspiller un timbre pour la renvoyer à l’administration de recrutement » dit Ghassan Monayer, militant politique et représentant du parti Balad dans la municipalité de Lydd, ville palestinienne dans le centre de l’Israël d’aujourd’hui.

Le parti Balad représente les citoyens palestiniens d’Israël et a trois députés au parlement d’Israël, la Knesset.

Monayer a été placé en résidence surveillée pendant cinq jours la semaine dernière, et son ordinateur, son téléphone et son iPad ont été saisis, cela parce qu’il a rédigé un statut Facebook contre le recrutement des Arabes dans l’armée.

Comme le quotidien israélien Haaretz l’a rapporté :

« (Monayer) a, sur sa page Facebook, partagé des photos du père (Jibril) Nadaf, prêtre grec orthodoxe et l’une des deux têtes du forum pour la promotion du recrutement des membres de la communauté arabe chrétienne, montrant une rencontre de Nadaf avec le ministre des Finances, Yair Lapid. Munir a également publié une liste de noms d’Arabes chrétiens qui ont participé à la réunion avec Lapid. En marge des photos et de la liste, il écrit « pour la liberté d’expressions et la transparence, ceux, « estimés », dont les photos et les noms apparaissent ci-dessous sont ceux qui veulent incorporer dans l’armée vos fils contre les fis de votre peuple – soyez sur vos gardes et souvenez-vous ». »

Durant son interrogatoire au poste de police, Monayer a été questionné sur ses opinions à propos de l’incorporation des Palestiniens au sein de l’armée israélienne, il dit qu’il a été arrêté pour avoir proféré des menaces contre Lapid et Nadaf, ajoute Haaretz.

« La ligne rouge »

« Si vous interrogez mon fils de 14 ans, chrétien, à ce sujet, il vous répondra qu’il préfère aller en prison plutôt que de servir dans les FDI (l’armée israélienne) » déclare Monayer à The Electronic Intifada.

« La population palestinienne de Lydd a été chassée de ses maisons et déplacée, et elle est devenue une population de réfugiés. Nos terres à Lydd ont été confisquées. Des massacres ont eu lieu. Il n’est pas logique de servir dans cette armée, comment pourrions-nous un jour faire cela ? » s’exclame Monayer.

« Même quand 66 années ont passé », ajoute-t-il, en se référant au nettoyage ethnique de la Palestine en 1948. « Aujourd’hui, les juifs exigent toujours des Allemands (à titre de réparation) leurs biens les plus mineurs, comme des photos. Où puis-je, moi, commencer mes exigences quand ils m’ont pris non pas une photo, mais un pays tout entier ? Comment osent-ils me demander à moi et à mon fils de servir dans leur armée ? »

Beaucoup dans la communauté palestinienne en Israël seraient d’accord avec Monayer que les feuilles d’incorporation volontaire ne sont qu’une étape vers la conscription militaire obligatoire imposée aux Druzes depuis 1956.

« Nous devons déraciner cet arbre avant qu’il ne pousse. Ils nous demandent de nous battre contre nos frères palestiniens chrétiens. Mon frère vit à Ramallah ; mon fils doit-il pointer un fusil contre son propre cousin ? Doit-il se poster sur les checkpoints et réprimer son propre peuple palestinien ? » dit Monayer.

« Je me bats pour mon fils et pour le fils de mon voisin. Nous, chrétiens, avons toujours essayé de vivre en paix et d’éviter la confrontation. Mais cela, c’est la ligne rouge », ajoute-t-il.

Des étudiants arrêtés

Des dizaines d’étudiants ont manifesté à l’université hébraïque de Jérusalem mardi dernier contre les tentatives d’enrôlement, défiant l’interdiction de manifester de l’administration de l’université

La sécurité de l’université a fait appel aux forces de police pour qu’elles empêchent la tenue de la manifestation pacifique, et l’assemblée a été dispersée par la force.

Étudiante de maîtrise en droit international et en droits de l’homme, Farah Bayadsy a été frappée et arrêtée, avec deux autres étudiants.

« Les forces de sécurité (de l’université) ont commencé par nous demander nos cartes d’identité, » rappelle Bayadsy. « Cinq hommes de la sécurité se sont regroupés et ont encerclé un étudiant, et ils l’ont interrogé. Ils ont essayé de nous faire peur, jusqu’à ce qu’ils décident qu’il était temps d’appeler la police pour nous arrêter, car eux ne peuvent pas procéder à des arrestations d’étudiants, mais la police, si. C’était une manifestation pacifique et organisée. Nous portions des pancartes contre le (service) militaire pour les Arabes. »

La police d’infiltration, des agents déguisés en étudiants

Une vidéo de la manifestation montre la police israélienne arrêtant les étudiants Majd Hamdan, Khalil Gharra et puis Bayadzy :

Une autre vidéo des manifestants montre une scène tumultueuse où l’on pourrait croire que ce sont des étudiants qui se confrontent à d’autres étudiants. Sauf qu’en réalité, ce sont des policiers en civil, se présentant comme des étudiants, qui se sont joints aux policiers, et que l’on identifie par leurs chapeaux comme étant de la sécurité, qui bousculent les étudiants et traînent Hamdan sur le sol :

À propos de cette police d’infiltration, Bayadsy dit : « Nous avons cessé en reconnaissant des hommes de la sécurité parmi les autres étudiants. » Utilisant le terme hébreu pour désigner les agents clandestins israéliens vêtus comme des civils arabes, des agents qui sont utilisés pour perpétrer des arrestations et des assassinats extrajudiciaires en Cisjordanie et dans la bande de Gaza occupées, elle affirme : « Ils ont agi exactement comme des mistarivims (commandos caméléons – ndt). C’était effrayant. »

Une autre vidéo de la manifestation vue par The Electronic Intifada montre des policiers déguisés en arabe, agissant aux côtés de la police, pour arrêter les étudiants.

Bayadzy et les deux autres étudiants arrêtés, Hamdan et Gharra, ont reçu des injonctions restrictives leur interdisant de pénétrer sur le site de l’université pendant dix jours. En réponse, les étudiants ont adressé au doyen une lettre dénonçant ces injonctions et tenant l’université pour responsable des violences contre Hamdan et Gharra, victimes des violences policières sur le terrain du campus.

La liberté d’expression

En attendant, le parti Balad, qui avait lancé la manifestation qui incluait une large participation multipartite, a adressé un courrier leur suspendant toute activité à l’université jusqu’à nouvel ordre. L’organisation de la société civile, le Centre Média I’lam, a reçu une lettre similaire car certains de ses membres avaient participé à la manifestation.

Alors qu’elles visent à empêcher de nouvelles manifestations, les mesures répressives prises par l’université ne font que générer davantage d’opposition.

Plus de 120 manifestants ont protesté le 8 mai contre les agissements de l’université. Haneen Zoabi et Muhammad Barakeh, deux députés de la Knesset, se sont joints aux étudiants et enseignants de l’université hébraïque exigeant la liberté d’expression pour les étudiants palestiniens dans les universités israéliennes.

Pendant la manifestation, Zoabi a déclaré que ce qui gênait l’université, c’était le contenu de la manifestation. Un communiqué de presse du parti Balad la cite en disant : « L’université a maintenant apporté la confirmation que sa démarche à l’égard de la manifestation qui s’opposait au service militaire pour les Arabes est la même que celle de l’État, un défi et une menace. Ce qu’a fait l’université, c’est se déguiser en policier contre les opinions et les pensées des étudiants, afin de protéger une idéologie fidèle au sionisme et fidèle à la politique oppressive raciste ».

Majd Hamdan, étudiant en informatique, et secrétaire du parti Balad à l’université hébraïque, n’a pu participer à la manifestation à cause d’une injonction restrictive.

Hamdan, s’adressant à The Electronic Intifada : « Dans une démocratie, la liberté d’expression est garantie dans un espace libre, dehors, dans la rue, mais ici, nous ne l’avons même pas au sein des universités ».