Israël va emprisonner un soldat de 19 ans pour avoir critiqué publiquement l’occupation

Le gouvernement israélien va emprisonner le soldat des Forces de Défense Israéliennes (IDF : Israel Defense Forces) Shachar Berrin pour avoir critiqué son occupation illégale des territoires palestiniens. Lors de….

Le gouvernement israélien va emprisonner le soldat des Forces de Défense Israéliennes (IDF : Israel Defense Forces) Shachar Berrin pour avoir critiqué son occupation illégale des territoires palestiniens.

Lors de la séquence questions/réponses pendant l’enregistrement public d’une émission télévisée le 14 mai, le soldat de 19 ans a parlé du racisme largement répandu qu’il a constaté au sein des forces israéliennes d’occupation. Il s’est souvenu d’un incident lors duquel un soldat israélien a dit à ses compagnons des troupes de l’IDF d’arrêter de harceler des touristes chrétiens parce que : « allons, ce sont des gens, pas des Palestiniens »

Haaretz rapporte que 12 heures après sa prise de parole, Berrin a reçu l’ordre de regagner sa base et a été immédiatement accusé d’ « avoir pris part à un meeting politique et à une interview dans les médias, sans autorisation de l’armée ». Haaretz dit qu’il devra purger une semaine de prison. Le journaliste Gideon Levy note toutefois que « Berrin n’a pris part à aucune sorte de ‘meeting politique’ et n’a pas accordé d’interview ».

En fait, Berrin faisait partie du public au centre de conférence Mishkenot Sha’ananim de Jerusalem lors du tournage de l’émission de télévision allemande « The New Arab Debates ». Le thème du débat était « L’occupation est en train de détruire Israël » et il opposait Uri Zaki, un militant des droits de l’homme et membre de l’aile gauche du parti israélien Meretz, à l’homme d’affaires de droite Dani Dayan, un activiste partisan de la colonisation qui s’oppose à toute organisation étatique des Palestiniens et qui, lors de l’émission, se réfère à l’annexion par Israël des territoires palestiniens – que toutes les grandes institutions juridiques internationales, y compris la Cour Internationale de Justice, le Conseil de Sécurité de l’ONU, l’Assemblée Générale de l’ONU et d’autres, jugent illégale – en l’appelant « la soi-disant occupation »

Les interventions de Berrin peuvent être vues de 42:58 à 44:08 dans la video de Deutsche Welle qui suit.



Lorsque l’émission demanda s’il y avait des questions du public, le jeune homme, un Israélo-Australien qui portait son uniforme de l’IDF, s’est levé et a dit, en anglais, ce qui suit :

« Mon nom est Shachar Berrin et je pose ma question à Dani Dayan. Il a été mentionné qu’au classement des pays sur l’échelle du bonheur, Israël est au onzième rang. D’autres organisations et institutions le placent plutôt vers le trentième rang ou ailleurs, mais ça n’a pas d’importance. Je propose que ce qui peut faire aimer un pays ce n’est pas qu’il soit heureux ou pas, c’est qu’il possède une éthique et une morale.

Quand les soldats, quand nous sommes conditionnés et convaincus quotidiennement de soumettre et humilier les gens et de considérer d’autres êtres humains comme moins qu’humains, je pense que cela s’infiltre, et je pense que les soldats, quand ils retournent chez eux…ils ramènent cela avec eux. »

L’ancien journaliste de la BBC Tim Sebastian, qui modérait le débat, demanda si Berrin parlait « à partir de son expérience personnelle ». Berrin a répondu :

« Certainement. Tout à fait. Il y a seulement quelques semaines, alors que certains soldats de la police des frontières rudoyaient des touristes chrétiens, un autre soldat proche de moi, une collègue, a dit qu’elle ne pouvait croire ce qu’ils étaient en train de faire : « Allons, ce sont des gens, pas des Palestiniens ». Et cela, je pense, résonne dans l’esprit de beaucoup de soldats dans les territoires occupés.

Personnellement, j’ai servi dans la vallée du Jourdain, et nous pouvions voir chaque jour comment les soldats parlent de ce qu’ils sont en train de faire, comment ils agissent, comment ils voient ces gens non pas comme d’autres êtres humains, non pas comme des égaux, mais comme des gens qui leur sont inférieurs.

Et penser que, oh non, nous pouvons juste laisser là bas ce racisme, nous pouvons y laisser cette xénophobie, ce ne sera qu’envers les Palestiniens, cela n’humiliera que les Palestiniens, évidemment non. Ce sur quoi ce film [L’occupation est en train de détruire Israël] porte c’est comment cela affecte Israël. Tout cela sera ramené en Israël.

Il y a quelques semaines, un soldat de la police des frontières a été filmé frappant un Israélien d’origine éthiopienne en uniforme. Dire que nous allons laisser cela derrière nous est un non-sens, je pense. Je pense qu’une fois conditionné à penser d’une certaine façon, vous ramenez cela avec vous et cela affecte profondément Israël et l’amène, comme [notre président Reuven Rivlin] l’a dit, à devenir plus raciste. »

Dayan et le public accusèrent immédiatement Berrin, qui est né en Israël, d’être un menteur et un ‘jobnik’ (un terme hébreux péjoratif pour qualifier un soldat de bureau).

Sebastian demanda : « Vous pensez qu’il ment ? Sur quelles bases ? Parce que vous n’aimez pas ça ? »

Dayan répliqua : « Je le mets au défi de fournir un exemple montrant un [commandant] lui donner un ordre de traiter les Palestiniens de façon inhumaine ».

Sebastian demanda : « Vous n’avez jamais vu les rapports de [l’organisation de vétérans israéliens] Breaking the Silence ? »

Dayan en appela à la conspiration et prétendit « Breaking the Silence est également un de ces groupes qui participent à un effort orchestré contre Israël. »

Un rapport de Breaking the Silence, remis il y a trois semaines et basé sur des entretiens avec plus de 60 soldats et officiers de l’armée d’Israël, armée de l’air, et marine, constate que, durant l’attaque contre Gaza l’été dernier, des officiers de l’IDF ont ordonné à des soldats de « tirer pour tuer », »toute personne dont vous êtes certain qu’elle n’appartient pas à l’IDF », même si ce sont des civils. Des soldats se sont aussi rappelé avoir tiré sur d’innocents civils palestiniens parce qu’ils « s’ennuyaient »

A 48:45 dans l’enregistrement, Berrin revient au micro. Il parle de « l’attitude générale de » racisme envers les Palestiniens de la part de soldats et officiers israéliens. Il dit que l’IDF ne s’adresse aux Palestiniens qu’en utilisant «grognements, courtes phrases et hurlements » et que ce racisme « est présent partout, j’ai entendu cela venant de toutes sortes d’autres unités » « Ce ne sont pas des cas isolés » explique Barrin. « C’est quelque chose qui survient à travers tous les territoires occupés. »

L’homme assis à côté de Berrin est le suivant à intervenir lors de l’émission. On peut le voir à 50:25 dans la vidéo de DW. Il corrobore le témoignage de Berrin et affirme que, pendant les six mois où il a servi en tant qu’officier d’infanterie de l’armée israélienne en Cisjordanie :

« J’ai été témoin de violence systématique à l’égard d’une population réticente qui ne voulait pas de nous pour maintenir l’ordre chez elle. J’ai rejoint l’armée pour protéger mon pays et ce que je me suis retrouvé à faire était principalement d’arrêter des dealers palestiniens, de réprimer des protestataires et d’être partie prenante d’un système violent.

Et quand la violence atteint une ligne rouge, alors c’est le plus souvent simplement couvert et ne passe pas en cours martiale. »

Dayan l’a interrompu pour demander s’il avait signalé la violence qu’il avait observée aux autorités israéliennes. Il a répondu : « Oui, je l’ai signalé de nombreuses fois ».

A la fin du débat, le producteur de l’émission a demandé à Berrin s’il voulait que son visage soit flouté. Il a répondu non, insistant qu’il n’avait rien à cacher.

Moins de 12 heures après le tournage du film, les autorités ont ordonné à Berrin de retourner à sa base. Il a été jugé et déclaré coupable avant même que l’épisode soit diffusé à la télévision.

Gidéon Levy a contacté l’IDF pour obtenir un communiqué officiel. L’unité porte-parole de l’IDF lui a dit que Berrin « avait tenté de s’exprimer dans les medias sans autorisation ou permission, comme cela est exigé par le commandement militaire. »

Levy, un éminent journaliste israélien, explique :

« Tout cet incident montre que lorsqu’une action rapide et déterminée est exigée, les Forces de Defense Israéliennes (IDF) savent comment agir. Quand des soldats tuent des enfants palestiniens, les investigations s’étendent sur des années, se couvrant de poussière avant généralement de n’arriver nulle part. Quand des soldats sont filmés tenant des slogans injurieux, ou quand ils s’identifient publiquement avec « David Hanahalawi » – le soldat de la brigade Nahal qui a menacé un jeune Palestinien avec son fusil et l’a tabassé il y a un an, poussant des centaines de soldats à manifester leur solidarité avec lui sur les réseaux sociaux – personne n’a envisagé de leur faire un procès. Mais si un soldat ose attester publiquement que ses compagnons d’arme humilient les Palestiniens, l’IDF se mobilise promptement pour piétiner, punir et réduire au silence. C’est ce qui est arrivé à Shachar Berrin. »

Haaretz signale également une autre scène dont Berrin a été témoin, dans laquelle un commandant de l’IDF dit à un soldat de « donner des coups de pied » à des enfants palestiniens. Quand elle a répondu : « Je ne peux pas leur donner de coups de pied. Ce sont des enfants », l’officier a dit « Et alors ? Chacun d’entre eux vous lancera un cocktail Molotov quand il aura grandi ». Elle a insisté : « Pas tous ». Le commandant lui a dit fermement « Si, chacun d’eux ».

Berrin dit qu’il a approché le soldat après cela et l’a questionné à propos de cet échange. Elle lui a dit : « Je déteste les Arabes, mais ce n’était que des enfants ».