Israël rejette la demande de l’OMS de vaccins pour les personnels soignants palestiniens, au milieu de l’indignation à propos de la disparité

Prétendant une pénurie, Israël décline une requête informelle pour que des piqûres soient rendues disponibles pour les travailleurs palestiniens en première ligne afin d’éviter un désastre sanitaire pendant le mois d’attente des vaccins.

Israël a décliné une requête informelle de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) de mettre immédiatement des vaccins contre la COVID 19 à la disposition des travailleurs médicaux palestiniens afin d’éviter un désastre sanitaire, prétendant une pénurie de piqûres pour leurs propres citoyens.

Ce refus arrive au milieu d’une critique croissante de la part des associations de défense des droits face à la différence énorme entre le déploiement de la vaccination en Israël et la Cisjordanie et Gaza occupées, étant données les obligations juridiques d’Israël en tant que puissance occupante. Le gouvernement israélien a dit qu’il n’a connaissance d’aucune requête, formelle ou informelle, à ce sujet.

Israël a battu des records mondiaux pour la rapidité de son programme de vaccination, qui a débuté le 20 décembre et, jusqu’à vendredi, a vu 1.7 millions d’Israéliens – ou plus de 18 pour cent de la population totale – vaccinés.

Tandis qu’Israël a fourni des vaccins aux Palestiniens qui vivent à Jérusalem Est, en revanche, aucun citoyen ou personnel soignant n’a reçu de piqûres parmi les presque 5 millions de Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza occupées, où les systèmes de santé délabrés et appauvris se battent pour faire face à la montée vertigineuse des cas.

Citant la Quatrième Convention de Genève, des associations de défense des droits, dont Amnesty, ont accusé Israël de « discrimination institutionnalisée » et d’ignorance de ses obligations internationales qui devraient l’obliger à s’assurer immédiatement que les vaccins contre la COVID 19 sont équitablement et impartialement distribués aux Palestiniens qui vivent sous occupation. Israël a nié exercer une discrimination envers les Palestiniens.

Gerald Rockenschaub, à la tête de la mission de l’OMS vers les Palestiniens, a dit à The Independent que l’organe de l’ONU avait demandé qu’Israël aide à fournir des piqûres contre la COVID-19 pour protéger les personnels de santé palestiniens ; il paraît que 8.000 soignants ont été infectés par le virus, impactant leur réponse au coronavirus.

Il a dit qu’Israël avait décliné pour l’instant la requête, évoquant des problèmes de pénurie pour sa propre population.

Après publication, l’OMS a expliqué que ceci avait pris place pendant « des discussions informelles avec le ministère israélien de la Santé pour savoir si on pouvait fournir des vaccins pour vacciner le personnel de santé palestinien, cible d’une priorité immédiate.

Le ministère israélien de la Santé a indiqué qu’il étudieraient cette option, mais qu’ils n’étaient pas actuellement en position de fournir des vaccins à cause d’une pénurie de vaccins en Israël ».

Les responsables de la santé de l’Autorité Palestinienne (AP) à court d’argent ont dit à The Independent qu’ils avaient remis une requête similaire, demandant à Israël de leur vendre 10.000 piqûres pour leurs soignants afin de prévenir un désastre sanitaire pendant le mois d’attente des vaccins fournis par le programme Covax de l’OMS et les fabricants de vaccins.

« Nous avons essayé de savoir si un lot inhabituel de vaccins pouvait être rendu disponible du côté israélien au vu de l’écart substantiel [dans les vaccinations] », a dit Mr. Rockenschaub à The Independent.

« Nous avons un nombre très important de soignants qui sont infectés. Cela ferait une énorme différence si nous avions 10.000 piqûres pour nous assurer que le système de soins de santé ne s’effondre pas et peut fonctionner », a-t-il ajouté.

« La réponse, c’est que [Israël] souffre de pénurie de son côté et qu’il ne peut rien fournir avant une autre étape », a-t-il dit.

Il a ajouté que « ce serait dans l’intérêt d’Israël de faire tous les efforts possibles pour s’assurer que la population palestinienne est correctement vaccinée et que l’écart prenne fin. En particulier, il a mentionné la circulation quotidienne d’au moins 140.000 travailleurs palestiniens entre les territoires et Israël comme l’une des raisons pour lesquelles la vaccination de la population palestinienne était une question d’intérêt public pour Israël.

« Plus 1.5 million d’Israéliens ont reçu leur vaccin, tandis que de l’autre côté, aucun, excepté les Palestiniens qui vivent à Jérusalem Est », a-t-il dit.

« Nous voyons tous les jours des gens mourir du coronavirus des deux côtés. Il est essentiel d’assurer une solidarité mondiale et un accès aux vaccins pour tou-te-s, parce que personne n’est à l’abri tant que tout le monde n’est pas protégé. »

Plus de 146.000 Palestiniens ont été infectés par le coronavirus et plus de 1.550 en sont morts. Le 31 décembre, on a fait état de 15 morts liées au Covid à Gaza, taux de mortalité quotidienne le plus haut depuis le début de la pandémie, d’après l’OMS.

Pendant ce temps, il y a eu plus de 470.000 cas répertoriés en Israël, avec plus de 3.500 morts.

Israël a reçu des félicitations du monde entier pour l’efficacité de son programme de vaccination et est en voie de devenir le premier pays à avoir vacciné la totalité de sa population.

Le premier ministre, Benjamin Netanyahou, a annoncé qu’avec la dernière arrivée de vaccins Pfizer, ils pourraient vacciner tous leurs citoyens de plus de 16 ans d’ici la fin mars.

Les Israéliens ont réfuté avec véhémence les accusations de discrimination et les responsables israéliens ont blâmé l’AP pour ne pas avoir cherché à coopérer avec le gouvernement israélien pour se procurer et distribuer les vaccins. Les responsables du ministère israélien de la Santé ont ensuite nié avoir reçu une requête de l’OMS pour des vaccins pour les Palestiniens.

Il paraît que le ministre israélien de la Santé, Yuli Edelstein, a dit la semaine dernière que, bien qu’il soit de leur intérêt de s’assurer que l’extension du virus est stoppée parmi les Palestiniens, la première responsabilité d’Israël concernait ses propres citoyens.

Le vice-ministre de la Santé du pays, Yoav Kisch, a dit jeudi qu’ils pouvaient envisager d’offrir ultérieurement tout surplus de vaccins à l’AP.

Les commentateurs israéliens citent les Accords d’Oslo, les accords de paix intérimaires signés par les Israéliens et les Palestiniens dans les années 1990, comme la raison pour laquelle les Palestiniens sont responsables de leur propre réponse sanitaire. Selon l’accord, l’AP doit maintenir les normes internationales de vaccination et les deux côtés doivent échanger leurs informations et coopérer pour combattre les épidémies.

Mais 18 organisations israéliennes, palestiniennes et internationales de défense des droits de la personne humaine ont écrit le mois dernier un communiqué soulignant les obligations morales et juridiques d’Israël.

Le communiqué cite l’Article 56 de la Quatrième Convention de Genève, qui prévoit que l’occupant a le devoir d’assurer « l’adoption et l’application des mesures prophylactiques et préventives nécessaires pour combattre l’expansion de maladies contagieuses et d’épidémies ».

Elles ont dit que le devoir d’Israël inclut de fournir un soutien à l’achat et à la distribution de vaccins de qualité à la population palestinienne sous son contrôle.

Israël occupe les territoires palestiniens depuis 1967 et impose depuis 13 ans un blocus paralysant à Gaza, après que le groupe militant du Hamas se soit violemment saisi du contrôle de la minuscule bande qui héberge près de 2 millions de personnes.

A Gaza, le système de santé dévasté souffre de pénuries chroniques d’électricité et de tous médicaments à cause de ces restrictions. Mr. Rockenschaub, de l’OMS, a dit que l’agence avait fourni 50 lits supplémentaires pour unité de soins intensif, mais que les Gazaouis se débattaient dans une pénurie de personnel médical et de vieilles installations d’approvisionnement en oxygène qu’il fallait urgemment remplacer.

Excepté pour le passage entre l’Egypte et Gaza, Israël contrôle toutes les frontières – et par conséquent toutes les importations – dans les territoires palestiniens. Les Palestiniens manquent par ailleurs d’équipements de réfrigération suffisants pour stocker les vaccins.

Tout ceci signifie que le programme palestinien de vaccination est inextricablement lié à la coordination avec Israël et à son assistance.

Mr. Rockenschaub a dit qu’ils étaient déjà en pourparlers avec le ministère israélien de la Santé et le Cogat – le Coordinateur des Activités du Gouvernement dans les Territoires, l’unité de l’armée israélienne qui s’occupe des besoins des civils en Cisjordanie et à Gaza – pour assurer sans heurts la livraison et la distribution des vaccins lorsqu’ils arriveront.

Les associations médicales et de défense des droits ont fait un pas de plus, exhortant Israël à assurer immédiatement la livraison de vaccins de qualité aux Palestiniens qui vivent sous occupation et contrôle israéliens, disant que, ne pas l’assurer faisait partie des abus systémiques.

« La responsabilité d’Israël découle de l’occupation et du contrôle prolongés de presque tous les aspects de la vie dans les territoires palestiniens occupés », a dit Hadas Ziv, directeur de l’éthique et du contenu à Médecins pour les Droits de l’Homme Israël.

« Il ne peut attendre d’une AP affaiblie et appauvrie qu’elle gère, avec ses ressources limitées, une crise de santé publique dans les territoires palestiniens occupés. C’est une obligation à la fois juridique et morale. »

Amnesty International a appelé le refus de vaccins aux Palestiniens « discrimination institutionnalisée », disant que la distribution injuste des vaccins pouvait « difficilement fournir une meilleure illustration de la façon dont la vie des Israéliens est estimée supérieure à celle des Palestiniens ».

« Cela va plus loin que ça », a dit à The Independent la directrice adjointe d’Amnesty pour le Moyen Orient et l’Afrique du Nord, Saleh Higazi.

« C’est le déni structurel des droits pour les Palestiniens. Nous voulons que cette structure soit démantelée », a-t-il ajouté.

Les responsables palestiniens de la santé ont dit à The Independent que l’AP avait verbalement demandé à Israël de lui vendre 10.000 doses de vaccins pour protéger ses travailleurs en première ligne alors qu’elle jouait des pieds et des mains pour obtenir suffisamment de doses pour la population tout entière.

Deux responsables de la santé de l’AP ont dit à The Independent qu’ils avaient confirmé l’achat de 2 millions de doses additionnelles du vaccin Oxford/AstraZeneca, mais la livraison initiale du premier lot de n’importe lequel de ces vaccins n’est pas attendue avant fin février, peut-être même début mars.

Les responsables ont dit que l’AP a besoin de 2 millions de doses supplémentaires en plus de celles-là pour assurer une immunité suffisante, et ils ont ajouté qu’ils poursuivent des négociations avec quantité de sociétés.

« Il est important d’avoir une coordination entre Israël et la Palestine. Il n’y a pas de véritables frontières, les gens se déplacent entre les deux, c’est problématique », a dit Ali Abed Rabou, directeur général du ministère palestinien de la Santé.

« On a besoin de la vaccination et de l’immunité collective pour arrêter cette pandémie qui exige que toutes les parties du monde travaillent ensemble. »

Cet article a été mis à jour le 10 janvier pour y inclure les réponses de l’OMS et de l’ambassade israélienne à Londres.