Depuis le 7 octobre, plus de 3 700 mineurs sont morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas. Les ONG craignent que ce nombre explose en raison de la crise humanitaire.
Le 25 octobre, le journaliste vedette de la chaîne d’information Al-Jazeera, Wael Al-Dahdouh, a appris en direct la mort de sa femme et de ses deux enfants. Alors qu’il décrivait, face caméra, les bombardements incessants de l’armée israélienne dans la bande de Gaza, le correspondant du média qatari dans l’enclave palestinienne s’est brusquement interrompu. Plus tard, des images montraient le quinquagénaire, en état de choc et en larmes, agenouillé au-dessus du corps sans vie de son fils de 15 ans, enveloppé dans un linceul blanc.
«Ils se vengent sur les enfants ?» a fustigé le reporter chevronné devant la dépouille de l’adolescent. Son épouse, sa fille de 7 ans et son petit-fils ont également été tués dans cette frappe sur le camp de réfugiés de Nuseirat, où la famille s’était installée après l’appel des autorités israéliennes d’évacuer vers le sud de la bande de Gaza. «Ce qui s’est passé est clair. Il s’agit d’une série d’attaques ciblées contre des enfants, des femmes et des civils», a déclaré Wael al-Dahdouh en sortant de l’hôpital des martyrs d’Al-Aqsa.
Jeudi, l’ONU a dénoncé des frappes ayant touché quatre écoles transformées en refuge pour les déplacés. Dans l’une d’elles, les bombardements auraient fait 20 morts et 5 blessés.
«Gaza est devenu un cimetière»
Parmi les rares images qui parviennent encore à sortir du territoire assiégé, nombre d’entre elles montrent les corps ensanglantés de mineurs, ou de Gazaouis serrant dans leurs bras des sacs mortuaires de petite taille. Parmi les 9 000 personnes tuées dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre, plus de 3 700 sont des enfants (soit plus de 40 %), selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas, qui ne cesse d’augmenter. Ces chiffres, impossibles à vérifier, sont généralement jugés crédibles par de organisations internationales comme l’Organisation mondiale de la santé ou Amnesty International. L’ONG Save the Children affirme que le nombre d’enfants tués par les bombardements israéliens dans l’enclave a même dépassé le bilan annuel d’enfants tués dans les zones de conflit depuis 2019. Au-delà de la bande de Gaza, plus de 30 enfants ont été tués en Israël et au moins 37 en Cisjordanie occupée, où le nombre de mineurs tués par les forces de l’ordre israéliennes était déjà, avant le début de la guerre, au plus haut depuis quinze ans.
Alors que les enfants représentent environ la moitié des 2,3 millions de Gazaouis, le risque qu’ils meurent des suites de leurs blessures «n’a jamais été aussi élevé», pointe l’organisation. Selon l’ONU, environ un tiers des hôpitaux ne sont plus opérationnels à cause des coupures d’électricité et le blocus total imposé par Israël sur la bande de Gaza, bloquant l’acheminement de carburant et de médicaments. «Nos craintes les plus vives de voir le nombre d’enfants tués se transformer en dizaines, puis en centaines, et enfin en milliers, se sont réalisées en l’espace de quinze jours, a déclaré le porte-parole de l’Unicef, James Elder, dans un communiqué du 31 octobre. Gaza est devenu un cimetière pour des milliers d’enfants.»
«Les femmes et les enfants paient le plus lourd tribut»
Alors que le manque d’eau potable plonge la bande de Gaza dans une catastrophe humanitaire, le taux de mortalité chez les enfants pourrait donc encore fortement augmenter. «Dans chaque zone de conflit ou de crise, les femmes et les enfants paient le plus lourd tribut car ils sont les plus vulnérables, explique le vice-président de Médecins du monde, Jean-François Corty. Les plus jeunes sont par exemple davantage touchés par la déshydratation et la malnutrition. Sans traitement de base et alors que les hôpitaux sont à l’arrêt, la mortalité des enfants malades sera exponentielle dans les jours qui viennent.» D’après Médecins sans frontières, des enfants ont dû être amputés sans anesthésie en raison des graves pénuries.
La baisse des réserves de carburant pour les générateurs des centres de santé met également en danger les nourrissons prématurés placés dans les couveuses, dont les vies dépendent du flux constant d’électricité. L’Unicef estime à 120 le nombre de bébés dans ce cas et dont la vie est menacée. Au 27 octobre, 50 000 femmes enceintes se trouvaient dans l’enclave palestinienne bombardée, dont 5 500 doivent donner naissance à leur enfant d’ici un mois, dans des conditions très difficiles.
Autre sujet inquiétant : la santé mentale des enfants de Gaza. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses vidéos montrent de très jeunes Gazaouis en état de choc ou tremblant de peur après les intenses bombardements. «Les enfants d’Israël et de l’Etat de Palestine subissent de terribles traumatismes, dont les conséquences pourraient durer toute une vie, a alerté la directrice générale de l’Unicef, Catherine Russell, lors d’une réunion, le 30 octobre, au Conseil de sécurité de l’ONU. Des études ont montré que la violence et les bouleversements peuvent induire chez les enfants un stress toxique qui interfère avec leur développement physique et cognitif et provoque des problèmes de santé mentale à court et à long terme.» Alors qu’un adolescent gazaoui de 17 ans a déjà vécu cinq guerres (2008, 2012, 2014, 2021 et 2023), l’ONG Save the Children estimait déjà en 2022 que 80 % des enfants vivant dans la bande de Gaza vivaient dans le chagrin, la peur ou la dépression.