Gaza renaîtra de ses cendres : Israël retrouvera-t-il le bon sens ?

Le consensus national israélien sur le massacre dans Gaza résulte d’un processus vieux de quinze ans de détérioration de la société israélienne, tant politiquement que moralement, un processus qui ne….

Le consensus national israélien sur le massacre dans Gaza résulte d’un processus vieux de quinze ans de détérioration de la société israélienne, tant politiquement que moralement, un processus qui ne saurait être défini autrement que par un fascisme en évolution, de fond en comble.


Politiquement, je serais plutôt Khaled Mash’al que Benjamin Netanyahu aujourd’hui. Après un mois de son épouvantable et sanglante agression, Israël va devoir en payer le prix politique fort – mais justifié –, notamment par une levée partielle de son inacceptable siège de sept années de la bande de Gaza. Il n’y a aucun doute, la résistance héroïque de la population de Gaza, sous la direction du Hamas, a vaincu la quatrième armée la plus puissante au monde, malgré les moyens militaires misérables dont elle dispose.

Cette confrontation militaire est en réalité une défaite politique pour Netanyahu et ses généraux. Après deux mois sanglants, le Hamas est non seulement en mesure de continuer à perturber la vie quotidienne israélienne, mais il a gagné une énorme popularité au sein de l’ensemble du peuple palestinien. Le Président Mahmoud Abbas, d’autre part, est en train de jouer le rôle de médiateur des Nations-Unies.

Le nombre des victimes civiles palestiniennes est énorme et tôt ou tard, un tribunal judiciaire international en sera saisi. La destruction est incroyable, et il faudra de nombreuses années pour reconstruire. Gaza, pourtant, se relèvera de ses ruines, il n’y a aucun doute là-dessus. La question est de savoir s’il y a une chance pour que la société israélienne retrouve quelque bon sens, ou faut-il plutôt en arriver à la conclusion que le syndrome fou de Gaza est devenu une déformation irréversible et structurelle ?

Le consensus national israélien sur le massacre dans Gaza résulte d’un processus vieux de quinze ans de détérioration de la société israélienne, tant politiquement que moralement, un processus qui ne saurait être défini autrement que par un fascisme en évolution, de fond en comble : de nouvelles lois ouvertement racistes, un discours public raciste, une violence civile et politique et la délégitimation des voix dissidentes.

Pas étonnant, dès lors, que la minorité qui garde une certaine forme d’intégrité morale parle d’émigrer. Il y a quelques semaines, je me trouvai avec ma fille de trente ans et quelques-uns de ses amis, la plupart étant d’un milieu de classe moyenne, éduquée. Les paroles de Maya reflétaient l’état d’esprit général :

– Michel, tu connais le monde : peux-tu suggérer un endroit où aller ?
– Pour des vacances ?
– Non, pour de bon. Je ne peux plus vivre ici, dans cette atmosphère, la violence, et surtout l’incapacité à expliquer même à mes proches amis que nous courons à un suicide collectif. Ils sont en train de devenir sourds et muets.

Maya et ses amis sont nés à Jérusalem et Israël est leur environnement naturel, leurs odeurs et leurs couleurs. Mais l’odeur est nauséabonde, et les couleurs sont devenues rouge sang.

Ils pourraient en effet partir d’Israël, laisser le pays à des mauvaises gens comme ceux qui, il y a près de deux mois, ont brûlé vif Mohammad Abu Khdeir. Un cas exceptionnel ? C’est peut-être vrai, mais c’est malheureusement la conséquence naturelle de quinze années d’un racisme institutionnel. Il y a près d’un demi-siècle, le professeur Yeshayahu Leibowitz prédisait que si l’occupation coloniale durait, Israël deviendrait un État judéo-nazi. Nous pourrions bien avoir accompli cette prophétie du plus grand intellectuel d’Israël.

Michel Warchawski (Mikado) est un militant israélien antisioniste. Il a dirigé la Ligue communiste révolutionnaire marxiste jusqu’à sa dissolution dans les années quatre-vingt-dix, et il a fondé le Centre d’information alternative (AIC).