Un collectif d’universitaires dénonce les méthodes d’intimidation dont François Burgat et d’autres intellectuels et chercheurs font l’objet, et rappelle son attachement aux libertés d’expression et académiques aujourd’hui menacées.
Nous avons appris avec colère et consternation le placement en garde à vue du professeur François Burgat, politologue et ancien directeur de recherches au CNRS, spécialiste des questions liées aux mondes de l’islam et auteur d’ouvrages de référence sur le sujet.
Convoqué le 9 juillet 2024 au commissariat d’Aix-en-Provence pour être entendu dans le cadre d’une procédure pour « apologie du terrorisme », il a dès son arrivée fait l’objet d’une mesure privative de liberté, avant d’être interrogé sur la situation en Palestine et l’opération militaire israélienne en cours à Gaza.
« Que pensez-vous des attaques du 7 octobre ? Est-ce que vous considérez le Hamas comme un groupe terroriste ? » sont parmi les questions posées à François Burgat par l’officier de police. Celui-ci s’est borné à reprendre les questions du procureur de la République, qui applique lui-même avec zèle la circulaire du ministre de la Justice du 10 octobre 2023.
La procédure visant François Burgat vient après des dizaines d’autres contre des militants, étudiants, responsables syndicaux et politiques.
Il y a peu encore, l’expertise de François Burgat sur les questions portant sur le « terrorisme » était sollicitée par des institutions comme l’Assemblée nationale, le Sénat, le commandement militaire de l’OTAN ou encore la Cour d’assises antiterroriste à Paris.
Ce passage d’expert à suspect témoigne du vent mauvais qui souffle en France contre les droits et libertés. En particulier contre les libertés de recherche et d’expression.
C’est pourquoi nous souhaitons à travers cette tribune apporter notre plein soutien à François Burgat, que nous partagions ou non ses analyses. Nous souhaitons également dénoncer les méthodes d’intimidation dont lui et d’autres intellectuels et chercheurs font l’objet.
Nous souhaitons enfin rappeler notre attachement aux libertés académiques et à la liberté d’expression, vitales au débat public et à la vie démocratique.
Signataires :
Gilbert Achcar, professeur à SOAS (Université de Londres)
Hicham Benaïssa, sociologue rattaché au GSRL (EPHE-CNRS)
Irène Carpentier, géographe (CIRAD)
Myriam Catusse, politologue, directrice de l’IFPO (Beyrouth)
Mohamed Cherif Ferjani, professeur honoraire de science politique (Université Lyon 2)
Charlotte Coureyye, maitresse de conférences (Université Lyon 3)
Jocelyne Dakhlia, directrice d’études (EHESS)
Sonia Dayan Herzbrun, sociologue, professeure émérite (Université Paris Cité)
Mehdi Derfoufi, maître de conférences (Université Paris 8)
Sylvie Denoix, directrice de recherche au CNRS
François Deroche, expert judiciaire, praticien hospitalier, Unité de recherche INSERM UR PSYCOMADD (Université Paris-Sud)
Karima Direche, directrice de recherche (CNRS)
Nicolas Dot-Pouillard, chercheur associé à l’IFPO (Beyrouth)
Hamza Esmili, anthropologue
Eric Fassin, professeur de sociologie (Université Paris 8)
Franck Frégosi, politologue, Directeur de recherche (CNRS)
Vincent Geisser, sociologue (CNRS)
Alain Gresh, journaliste, fondateur d’Orient XXI
Kawthar Guédiri, historienne
Mariem Guellouz (Université Paris Cité)
Muriam Haleh Davis, professeure d’histoire (Université de Californie, Santa Cruz)
Kaoutar Harchi, écrivaine, sociologue
Augustin Jomier, historien (INALCO-IRMC)
Salam Kawakibi, politologue, directeur du Centre arabe de recherches et d’études politiques à Paris (CAREP)
Stéphanie Latte-Abdellah, Directrice de recherche (CNRS)
Olfa Lamloum, politologue, ancienne chercheuse à l’IFPO (Beyrouth)
Ziad Majed, politiste et professeur universitaire
Marwan Mohammed, sociologue (CNRS)
Stéphanie Pouessel, anthropologue, ancienne chercheuse à l’IRMC (Tunis)
Lissell Quiroz, professeure des universités (Université Paris Cergy)
Fabrice Riceputi, historien
Alain Ruscio, historien
Montassir Sakhi, anthropologue
Haoues Seniguer, MCF-HDR en science politique (Sciences Po Lyon)
Thomas Serres, professeur en science politique (Université de Californie, Santa Cruz)
Mathilde Zederman, maîtresse de conférences en sciences politiques (Paris X Nanterre)