39 ONG et associations françaises dont l’AURDIP demandent au président de l’Assemblée nationale et aux présidentes et présidents des Groupes politiques et des Commissions d’écarter définitivement la « résolution Maillard ». Loin de renforcer la lutte contre l’antisémitisme comme elle le prétend, cette résolution menace les libertés publiques françaises par une suspicion généralisée contre toute critique de l’État d’Israël et de ses incessantes violations des droits de l’Homme.
Monsieur le président de l’Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les présidentes et présidents des Groupes politiques et des Commissions,
Vous avez la responsabilité d’un choix particulièrement important : remettre la proposition de « résolution Maillard » à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale en transformant la lutte contre l’antisémitisme en un sujet polémique qui divise la France, ou suivre les avis de la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme) en remettant le combat contre l’antisémitisme au cœur de la formidable mobilisation de la société civile de notre pays contre le racisme sous toutes ses formes.
Nous souhaitons vous alerter sur le caractère très contestable et dangereux de cette proposition de résolution. En effet, l’article unique du projet de résolution « approuve sans réserve la définition opérationnelle de l’antisémitisme » utilisée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) ».
L’idée même de vouloir définir chaque type de racisme est contestable, et contestée par la CNCDH. Elle risquerait de fragiliser l’approche universelle et indivisible du combat antiraciste, qui devrait prévaloir à l’opposé des revendications identitaires qu’elle risque de favoriser. Elle ouvre de surcroît la voie à une concurrence victimaire entre les différentes formes de racisme et met à mal le vivre ensemble dans notre pays.
Nous, organisations de la société civile en France, formulons ces quatre recommandations :
• En accord avec l’avis de la CNCDH , rejeter la « définition de l’antisémitisme de l’IHRA » qui représente une menace pour toute critique légitime contre l’État d’Israël, régulièrement accusé de la violation de nombreux traités et instruments du droit international dont la France est garante.
• Protéger l’espace de liberté d’expression et de réunion des associations françaises et militants qui doivent pouvoir continuer de défendre les droits des Palestiniens et critiquer la politique israélienne sans être accusées injustement d’antisémitisme.
• Suivre les avis de la CNCDH, qui a un rôle de conseil auprès de l’Assemblée Nationale, en remettant le combat contre l’antisémitisme au cœur de la formidable mobilisation de la société civile de notre pays contre le racisme sous toutes ses formes.
• Écarter définitivement la résolution Maillard, tant qu’elle maintient la référence à l’antisionisme et tant qu’elle n’exclut pas explicitement les exemples associés à la « définition IHRA »
En février 2019, la publication de statistiques sur une augmentation importante des actes antisémites, à laquelle se sont ajoutées des images choquantes d’attaques verbales à caractère antisémite et la profanation d’un cimetière juif, ont provoqué notre indignation.
Nos organisations sont inquiètes de la montée de l’antisémitisme en France et estiment que le combat contre toutes les formes de racisme doit être mené fermement. Nous affirmons aussi le droit de critiquer la politique de tout État, dont l’État israélien quand il commet des violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire. Nous sommes inquiets de l’assimilation entre antisionisme et antisémitisme que la résolution induit et qui revient à remettre en question le droit à la liberté d’expression inscrit dans notre droit français, y compris constitutionnel.
Cette « définition de l’IHRA » qu’elle entend faire adopter est particulièrement dangereuse car elle introduit des « exemples » formulés de manière à faire peser le soupçon d’antisémitisme sur toute critique de l’État d’Israël et de sa politique. Ainsi, cette proposition de résolution empêchera nos organisations de critiquer et dénoncer les nombreuses violations du droit et exactions commises par l’État d’Israël à l’encontre du peuple palestinien, ce qui représente une menace sans précédent à la liberté d’expression.
Malgré les formules introduites dans le texte qui cherchent à garantir la libre critique envers l’État d’Israël, l’expérience d’autres pays européens ayant adopté la « définition IHRA » montre que cette dernière devient un instrument de propagande et d’intimidation, avec des effets dévastateurs sur nos libertés d’expressions.
Car aucune personne, aucune collectivité, ne veut prendre le moindre risque de subir des accusations mensongères et infamantes d’antisémitisme.
Nous espérons, Mesdames et Messieurs les député·e·s, que nos demandes retiendront toute votre attention et nous tenons à votre disposition pour toute information complémentaire.
Signataires :
• François Leroux, président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine.
La PFP regroupe 39 organisations et associations de la société civile française.
• Bertrand Heilbronn, président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS)
• Malik Salemkour, président de la ligue des Droits de l’Homme (LDH)
• Emmanuel Charles, président de RITIMO
• Renée Le Mignot, présidente du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP)
• Mgr Marc Stenger, président de Pax Christi
• Dominique Lesaffre, Directeur général de Solidarité Internationale pour le Développement et l’Investissement (SIDI)
• André Rosevègue et Béatrice Orès, présidents de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP)