« Enorme victoire pour le militantisme palestinien : un tribunal canadien décide que les vins des colonies ne peuvent pas être étiquetés « Produit d’Israël »

Une juge fédérale du Canada a tranché en début de semaine en faveur de militants pro-Palestine, décidant que les vins produits dans les colonies israéliennes de Cisjordanie ne pourraient porter….

Une juge fédérale du Canada a tranché en début de semaine en faveur de militants pro-Palestine, décidant que les vins produits dans les colonies israéliennes de Cisjordanie ne pourraient porter des étiquettes « Produit d’Israël ».

Cette décision capitale dans l’affaire Kattenburg vs. Procureur général du Canada a été prise par la juge Anne Mactavish, qui a dit dans sa décision qu’étiqueter comme des produits israéliens des vins des colonies, fabriqués en Cisjordanie occupée, était « faux, trompeur et prêtait à confusion ».

Le Dr. David Kattenburg, éducateur, militant de la justice sociale et pro-Palestine de longue date, a déclaré qu’il a été ravi quand le juge a tranché en sa faveur mardi 29 juillet.

« Nous avons marqué un point fabuleux », a-t-il dit à Mondoweiss, ajoutant que bien qu’il ait confiance dans le système judiciaire canadien, il s’attendait à perdre. « J’ai été incroyablement heureux quand j’ai lu la décision de la juge ».

Dans sa décision, Mme Mactavish déclarait ce qui suit :

« Alors qu’il existe un profond désaccord entre les parties impliquées dans cette affaire quant au statut juridique des colonies israéliennes en Cisjordanie, je n’ai pas besoin de résoudre cette question dans le cas présent. Quel que soit le statut des colonies israéliennes en Cisjordanie, toutes les parties et intervenants conviennent que les colonies en cause dans cette affaire ne font pas partie de l’État d’Israël. Par conséquent, l’étiquetage des vins des colonies comme « produits d’Israël » est à la fois inexact et trompeur, de sorte que [la décision du Bureau des plaintes et appels de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA)] affirmant que les vins des colonies peuvent être ainsi étiquetés était déraisonnable. »

Elle poursuivait en affirmant qu’ « une voie pacifique pour que les gens puissent exprimer leurs opinions politiques est celle de leurs décisions d’achat. Pour qu’ils soient capables d’exprimer de cette manière leurs opinions, cependant, on doit fournir aux consommateurs une information exacte sur la source des produits en question ».

Mactavish concluait qu’à cause de leur caractère « trompeur », l’étiquetage devait être changé, une décision qu’elle laissait à l’ACIA.

« Les citoyens canadiens, les citoyens dans les sociétés libres, ont droit à une information véridique, grâce à laquelle ils peuvent se comporter de manière responsable dans des sociétés démocratiques », a dit Kattenburg à Mondoweiss. « Et la juge a décidé qu’un étiquetage faux porte atteinte à ce droit d’exercer des choix de consommateurs conscients ».

« C’est pourquoi cette décision est si extraordinaire », a-t-il dit. « Elle a renforcé le fait qu’Israël n’a pas le droit de violer le droit international, ni de cacher ces violations aux personnes qui souhaitent le tenir pour responsable ».

Des années de travail

La décision de la juge mardi a été attendue longtemps par Kattenburg, qui a déposé plainte pour la première fois en 2017 au Bureau de contrôle des liqueurs de l’Ontario (BCLO), un des plus grands vendeurs et acheteurs d’alcool du monde, lorsqu’il a remarqué qu’un détaillant vendait deux marques de vins des colonies sous l’étiquette « produit d’Israël ».

« J’ai pensé, Israël revendique sa souveraineté sur des terres volées jusque sur les étagères des magasins canadiens », a dit Kattenburg à Mondoweiss. « C’est comme cela que j’ai interprété la désignation ‘Produit d’Israël’ ».

Mais n’ayant obtenu aucune réponse du BCLO, Kattenburg a décidé de déposer plainte auprès de l’ACIA. Après six mois de délibération, l’ACIA a annoncé sa position, selon laquelle, oui, les vins étaient mal étiquetés.

Mais l’ACIA a rapidement changé cette position après une immense pression des responsables du gouvernement israélien et d’organisations pro-Israël au Canada. Kattenburg a qualifié d’ »obscène » ce revirement rapide.

Donc Kattenburg a fait appel de la décision, et a été rejeté. Ayant épuisé toutes les autres démarches juridiques, il a déposé plainte auprès de la cour fédérale, avec l’assistance de l’avocat Dimitri Lascaris, qui accepté l’affaire pro bono.

Quand on lui a demandé ce qui l’avait motivé à porter l’affaire jusqu’à la cour fédérale, Kattenburg a dit à Mondoweiss qu’il ne pouvait ignorer le fait qu’en permettant au BCLO de remplir les étagères avec du vin étiqueté faussement, « le Canada, qui déclare les colonies illégales, était essentiellement en train de reconnaître l’annexion par Israël de la Cisjordanie ».

« Cela m’a semblé scandaleux », a dit Kattenburg. « Ces étiquettes ne sont pas des désignations anodines, comme ‘produit de France’, ou ‘produit du Chili’ ».

« Etiqueter les vins des colonies comme des produits d’Israël est clairement une déclaration politique, celle que ‘ce pays appartient aux juifs et est une terre israélienne’ ».

Impact global

La décision de la juge a été célébrée par Kattenburg et d’autres militants pro-Palestine comme une immense victoire pour le militantisme palestinien international.

« De fait, sans mentionner explicitement BDS, la cour fédérale a décidé que les boycotts sont parfaitement légitimes et qu’un étiquetage faux, trompeur et prêtant à confusion porte atteinte à ce droit, c’est formidable ! », a dit Kattenburg à Mondoweiss.

En déclarant que les Canadiens ont le droit de choisir d’acheter des biens selon des convictions qui sont politiques et éthiques par nature, la décision « constitue une reconnaissance des boycotts », a-t-il dit.

« C’est énorme pour le militantisme pro-palestinien au Canada et dans le monde entier », a déclaré Kattenburg, soulignant les efforts analogues faits dans l’Union européenne contre l’étiquetage incorrect des vins des colonies israéliennes.

« Certaines personnes pensent ‘oh, c’est seulement une étiquette sur du vin, qu’est-ce que cela fait ? En quoi cela va-t-il promouvoir la paix et la justice en Palestine ?’ Mais je pense que c’est un développement essentiel. Cela creuse un fossé important dans l’entreprise de colonisation d’Israël. »

Kattenburg a reconnu qu’il « faudra bien plus que des décisions juridiques comme celle-ci pour renverser l’annexion rampante de la Cisjordanie par Israël ».

« Mais des jugements comme celui-ci consolident l’opinion, dans la communauté juridique internationale, que les colonies sont manifestement illégales et sans effet. »

Le combat continue

Si Kattenburg célèbre la décision de la cour comme une immense victoire, il sait que le combat est loin d’être terminé.

Le gouvernement a jusqu’en septembre pour faire appel et avec les élections fédérales approchant et la pression continue du lobby israélien, Kattenburg croit qu’il est probable qu’ils feront appel contre la décision de la juge.

NPR a cité Shimon Koffler Fogel, président et directeur général du Centre pour les Affaires concernant Israël et les juifs, basé au Canada, qui a dit que la décision de la juge contenait des « erreurs substantielles ».

« Les pratiques actuelles d’étiquetage sont complètement cohérentes avec l’Accord de libre échange entre le Canada et Israël, ainsi qu’avec le droit canadien et international. C’est pourquoi nous exhortons le gouvernement du Canada à faire appel contre cette décision malavisée », a déclaré Fogel selon NPR, qui a ajouté que le directeur général « projetait de consulter des experts juridiques et de demander un statut d’intervenant si l’affaire était portée en appel ».

Kattenburg dit qu’il espère que si l’affaire va jusqu’à la cour fédérale des appels, cette cour maintiendra la décision de la juge Mactavish.

« Etiqueter les colonies honnêtement constitue plus qu’un étiquetage correct », a-il dit à Mondoweiss. « Cela constitue ou comprend une déclaration selon laquelle la Cisjordanie n’est en fait pas une partie d’Israël, que le colonies sont illégales et que l’aide économique et le soutien à l’entreprise coloniale sont illégaux selon le droit international, et que les citoyens ont le droit d’agir selon cette information ».

Kattenburg a dit à Mondoweiss que lui-même, ainsi que ses avocats, se préparent pour une bataille à la cour d’appel, promettant de combattre jusqu’au bout.

« Mais nous avons besoin du soutien des gens », a-t-il dit, exhortant les supporters de son cas et de la cause palestinienne à faire des dons à sa campagne GoFundMe intitulée  » Etiqueter l’occupation ». L’argent sera dépensé pour couvrir les frais juridiques, et les fonds non utilisés seront versés à des organisations de solidarité avec la Palestine, à but non lucratif, situées au Canada.