Gush Shalom présente le Wiki des produits des colonies

Wiki des produits des colonies – recherche systématique d’informations sur les sociétés dans les colonies et leurs produits ; sociétés qui ont quitté les colonies et se sont relocalisées à l’intérieur de la Ligne Verte ; et manœuvres trompeuses par lesquelles ces sociétés tentent de cacher et de dissimuler leur établissement dans les colonies.

http://settlement-products.wikia.com/

Ces dernières années, les colons se sont présentés comme les patrons des travailleurs palestiniens. Dans l’arène politique, les porte-paroles des colons déplorent régulièrement le sort des travailleurs palestiniens dans les colonies qui pourraient perdre leur travail suite à des démarches telles que l’étiquetage des produits des colonies en Europe. Pourtant, une lecture attentive de l’annuaire des Pages oranges, publié par les colons au profit de leurs propres communications internes, donne une image tout à fait opposée », a dit Adam Keller, porte-parole de Gush Shalom. L’équipe de volontaires de Gush Shalom, qui a travaillé ces quelques derniers mois à un vaste projet de collecte et de listing d’informations sur les usines et sociétés situées dans les colonies, ont découvert beaucoup de sociétés qui proclament ouvertement leur politique consistant à ne pas employer de travailleurs arabes – « Le travail est accompli uniquement par des travailleurs juifs », « Travail hébreu !!! » (points d’exclamation dans le texte), « Travail hébreu de A à Z », « Produit par du travail hébreu de haute qualité », « Vous exigez du travail hébreu ? Vous êtes au bon endroit ! », « Sûreté, dévouement, bon service et travail hébreu », « Service bienveillant, travail hébreu qui vient du coeur », et aussi des déclarations paradoxales telles que « travail hébreu, parler français ». Il est évident que, pour le public ciblé dans les colonies, une société qui n’emploie que des Juifs et qui a pour politique d’exclure les Arabes est attractive pour les clients potentiels.

En 1996-97, peu après la fondation de Gush Shalom, nous avons publié des informations sur les produits des colonies, informations collectées par nos militants. Les années suivantes, ces informations ont été copiées et disséminées par diverses associations du large mouvement de la paix israélien et à l’étranger, et elles ont même été lues à la tribune de la Knesset par la députée Tamar Zandberg du Meretz. Par ailleurs, à plusieurs occasions, lorsqu’il demandaient à leurs supporters d’utiliser les produits des colonies, les colons eux-mêmes et leurs alliés ont également utilisé les informations publiées par Gush Shalom in extenso (y compris les erreurs typographiques…).

Au long des années, Gush Shalom s’est efforcé de mettre couramment à jour ces informations. Pendant ces quelques derniers mois, une équipe de militants de Gush Shalom a systématiquement travaillé à la mise à jour et à une large diffusion de ces informations. Ces dernières années, il y a eu plusieurs exemples remarquables de compagnies qui étaient situées dans les colonies (spécialement dans la zone industrielle de Barkan) et qui se sont relocalisées à l’intérieur de la Ligne Verte. Parmi ces exemples présentés dans les médias, il y a la Cave viticole Barkan, Bagel & Bagel, les Serrures Yardeni et Multilock, qui toutes ont déménagé à l’intérieur de la Ligne Verte. Elles ont été rejointes très récemment, littéralement pendant le travail de notre équipe, par SodaStream, qui a déménagé de Mishor Adumim vers le Néguev, après une tentative infructueuse de campagne de communication mettant en vedette l’actrice Scarlett Johansson. Peu après, l’entreprise de cosmétiques Ahava a annoncé qu’elle déménageait de la colonie de Mitspe Shalem vers le kibboutz Ein Gedi, à l’intérieur de la Ligne Verte. Il faudrait signaler que la relocalisation d’Ahava est en lien avec son rachat par une société chinoise – ce qui devrait servir de message au Premier ministre Netanyahu, qui a essayé de construire des relations avec la Chine en « contrepoids » aux pressions de la part de l’Union Européenne.

Parmi d’autre cas qui n’ont pas attiré l’attention des médias, il y a les Cosmétiques Intercosma (de la zone industrielle d’Atarot à Ashdod) ; la société de meubles pour enfants Ikoo Designs (de Barkan à Ashdod et Nesher) ; les Laboratoires de Biologie MBT, propriété du géant pharmaceutique Teva, qui ont tranquillement déménagé de la zone industrielle d’Atarot à Beit Shemesh ; et la société de textiles Delta qui a déménagé ses entrepôts de la zone industrielle d’Atarot à la zone industrielle de Caesarea. Ces sociétés sont rejointes par la société d’ameublement Bar Chairs/United Systems, qui figure toujours dans l’annuaire de la zone industrielle de Barkan, mais a mis en place un message téléphonique automatique annonçant sa relocalisation à Tel-Aviv.

Un autre cas très important, qui n’a pas encore été couvert par les médias, c’est la société de Thés Adanim qui, à, ses débuts,était installée et travaillait dans la colonie d’Ofra, « vaisseau amiral » des colonies idéologiques nationales-religieuses. D’après les informations que l’équipe a pu rassembler, vers 2002 sans en informer les médias, la société a déménagé d’Ofra à Bethléem-en-Galilée, puis de là à Nazareth-le Haut. C’était l’époque de la seconde Intifada et, à cette époque, la société commençait à développer une très grande activité en Europe, particulièrement en France et en Allemagne.

Les renseignements que nous avons trouvés en ligne témoignent de la longue histoire de la société de cirages Mavrik Industries, fondée dans les années 1930 à Tel-Aviv, qui est devenue l’usine la plus importante de sa catégorie en Israël et dans tout le Moyen-Orient et a fait couler 28 usines concurrentes. La société a déménagé dans la zone industrielle de la colonie de Mishor Adumim – ce qui s’avéra être un choix malheureux qui s’est terminé en faillite pendant la seconde intifada. De la même façon, Atlas Sweets, qui était un des principaux fabricants de chewing-gum en Israël depuis les années 1970, s’est réinstallé dans la zone industrielle d’Atarot à Jérusalem Est où il a fait face à de graves difficultés quand la seconde intifada a éclaté. La société a finalement fait faillite et son matériel et sa marque ont été rachetés par la société Mastix de Beit Shemesh.

Les documents tirés de l’Annuaire des Sociétés et des décisions de justice racontent l’histoire des Industries Textiles Abir, des Industries du Fil Abir, de la Technologie du Fil Sabrilon et du Marketing du Textile Hadoron, situées dans la zone industrielle de Barkan, qui se sont associées, ont mené des luttes de pouvoir complexes et se sont presque toutes retrouvées en banqueroute et en liquidation. Nous pouvons mentionner d’autres informations non couvertes par les médias sur d’autres sociétés des colonies qui ont dû faire face à la banqueroute, la liquidation et la fermeture – telles Arye Plast de la zone industrielle de Ma’aleh Efraïm, Mey Tsurim de Rosh Tsurim à Gush Etzion, les Charpentes des Colons d’Hébron et encore quelques autres sociétés.

Une découverte plus significative faite par l’équipe de Gush Shalom fut que beaucoup d’usines et de sociétés situées dans les colonies essaient de cacher et de dissimuler leur localisation – surtout les sociétés qui exportent vers d’autres pays ou maintiennent d’autres relations internationales. Les informations sur les sites web des sociétés, leurs publicités dans les journaux et sur les emballages de leurs produits sont souvent incomplètes et trompeuses. Beaucoup de sociétés fournissent deux adresses, l’une dans les colonies et l’autre à l’intérieur de la Ligne Verte, de façon à rendre très difficile la connaissance de leur véritable localisation.

Par exemple, la société de fabrication de couvertures Frid est située dans la zone industrielle de Barkan. La société fait la publicité d’une liste de magasins qui vendent ses produits dans tout le pays, mais sans mentionner l’endroit où se trouve l’usine qui fabrique les couvertures. La même tactique est utilisée par la chaîne de meubles Beitili, les plastiques Keter et d’autres sociétés.

Les produits laitiers Meshek Zuriel, qui proviennent pour une part de la colonie Shadmot Mehola dans la Vallée du Jourdain, viennent pour une autre part d’usines situées en Galilée et dans le Neguev. Dans la plupart des cas, il n’y a ni transparence ni mention de l’origine du produit sur l’emballage.

Une autre façon de tromper est de cacher l’origine du produit sous un « code de fabricant ». Par exemple, General Mills Ltd., branche israélienne d’un grand fabricant américain de produits de boulangerie, fabrique les produits de la marque Pillsbury dans la zone industrielle d’Atarot à Jérusalem Est. Et pourtant, sur les emballages de quelques uns de ses produits, on lit : « Produit pour General Mills Ltd. Ramle par le code de fabricant SLGL. »

Un site web piloté par le Ministère de l’Economie permet de déchiffrer les codes de fabricant de ce type ; cependant, même si on peut déchiffrer le code, il est évident qu’il y a une énorme divergence entre l’information fournie de cette façon sur l’étiquette du produit et l’engagement fondamental de la société commerciale à fournir au consommateur une information fiable et transparente sur les produits qu’elle commercialise.

Dans le cas de produits alimentaires, l’équipe a souvent fait le lien entre la localisation du rabbinat qui a délivré le certificat casher de ces produits – présumant raisonnablement que le rabbinat qui délivre le certificat d’un produit est celui qui se trouve dans la zone où le produit a été manufacturé. Ainsi par exemple, une boîte de houmous produite par Achva peut donner une adresse à Nes Tsiona, mais le certificat cacher du rabbinat d’Ariel témoigne de la localisation de l’usine où le houmous a été fabriqué.

La tromperie la plus flagrante trouvée par notre équipe concerne les dattes – plus spécialement les dattes Medjoul, qui représentent une branche économique majeure dans les colonies de la Vallée du Jourdain et dont une grande partie est destinée à l’exportation. Par exemple, la société Jordan River commercialise les dattes de la Vallée du Jourdain dans des cartons sur lesquels rien n’est écrit en Hébreu et où aucune mention n’est faite de l’origine des dattes. Sur ces boîtes de dattes, le texte est en Anglais, parfois dans d’autres langues européennes (Allemand, Français, Espagnol, Italien) et parfois aussi en Arabe. Certaines de ces boîtes Jordan River présentent des illustrations « orientalistes » de méharistes sur fond de ville exotique avec des minarets, qui pourraient donner l’impression à un observateur superficiel qu’il s’agit d’un produit arabe. Cependant, lorsqu’il est commercialisé en Israël, on ajoute sur l’emballage une étiques en Hébreu qui donne l’origine des dattes dans la Vallée du Jourdain, le nom de l’usine de conditionnement (Gilfal, Tomer, etc.) et le rabbinat qui a délivré la certification casher – le rabbinat de la Vallée du Jourdain.

A l’inverse des exemples ci-dessus, nous devrions noter la politique de transparence de la société Sasson Levinsky, qui commercialise des assortiments de fruits secs, dont certains sont produits dans son usine de Kiryat Gat et d’autres dans l’usine de conditionnement de la colonie de Gilgal dans la Vallée du Jourdain. Dans ce cas, l’origine des fruits est clairement indiquée sur chaque emballage sans exception, d’une façon qui permet – au moins pour un consommateur bien informé qui vérifie les étiquettes – de s’assurer de l’origine du produit avant de l’acheter.

Il faudrait souligner que, tandis qu’elle rassemblait ces informations, l’équipe de Gush Shalom n’a pas fait de distinction entre « colonies idéologiques » et « colonies de qualité de vie », ni entre « blocs de colonies » et « colonies isolées », etc. La définition, sur la base de laquelle il était décidé quelles usines et quelles sociétés entreraient dans ce projet, était claire et sans équivoque : une colonie, c’est toute communauté civile destinée à la résidence de citoyens israéliens dans les territoires qui ont été occupés par les Forces de Défense Israéliennes en juin 1967 et que l’Etat d’Israël continue à détenir aujourd’hui. Un colon est toute personne résidant dans ce type de colonie. Et, spécialement pertinent pour les informations que l’on trouve ici : une zone industrielle prévue pour des entrepreneurs et hommes d’affaires israéliens et établie dans les territoires occupés est une zone industrielle coloniale.

« Parfois on nous demande : ‘Pourquoi haïssez-vous les colons ?’ La réponse est sans équivoque : « Nous ne haïssons pas les colons », a dit Adam Keller, porte-parole de Gush Shalom. « Les colons sont des êtres humains tout comme nous. Ils n’aiment pas moins leurs familles que nous n’aimons les nôtres. Comme la plupart des êtres humains, les colons sont complètement et honnêtement convaincus que leurs actions et leur mode de vie sont corrects et justes. Nous ne haïssons pas les colons. Nous les considérons comme des gens qui accomplissent un acte politique significatif en résidant dans un territoire occupé. De notre point de vue, cet acte est très préjudiciable et dangereux pour notre avenir à tous (et spécialement pour l’avenir des colons eux-mêmes!). Si les colons cessent et renoncent à cet acte politique, alors à cet instant, nous n’aurons plus de raison de débattre avec eux et de nous affronter à eux. »

Keller a ajouté : « Nous considérons la ‘Loi sur le Boycott’, qui a été présentée en 2011 et qui a très regrettablement été ratifiée par les juges de la Haute Cour de Justice, comme une loi injuste et une grave violation de la liberté d’expression des citoyens israéliens. Cette loi a créé, dans l’État d’Israël, une situation où tout boycott par quiconque contre quiconque autre est autorisé, et où appeler au boycott des produits des colonies est prohibé. Les citoyens israéliens qui sont des Juifs religieux ont le droit d’appeler à un boycott des restaurants non certifiés casher. Les mouvements pour la justice sociale peuvent appeler au boycott de produits à un prix exorbitant. Les végétariens peuvent appeler au boycott des produits animaux. Même l’extrême droite est autorisée à appeler au boycott contre les citoyens arabes. Une organisation de colons appelée Comité des Colons de Samarie l’a fait récemment, publiant même une liste détaillée des noms et adresses des magasins détenus par des Arabes que l’organisation appelait à boycotter. Nous considérons cette situation licite et publique comme grossièrement injuste et discriminatoire. Pourtant, en la considérant, Gush Shalom dit clairement, pour lever tout doute, que l’action qui consiste à rassembler des informations sur les usines et sociétés des colonies et à les publier par le Wiki des Produits des Colonies ne signifie aucunement une intention d’appeler au boycott des produits des colonies. Le but de cette collecte et de cette publication d’informations est de fournir au consommateur l’information la plus fiable et la plus précise que nous ayons été capables de rassembler afin de permettre aux consommateurs – tout un chacun individuellement – de prendre des décisions sages et éclairées selon leurs considérations personnelles.

Concernant les sources des informations collectées, Keller a déclaré : « Au cours de notre travail, nous nous sommes grandement appuyés sur des documents préalablement compilés et publiés par d’autres associations pour la paix, spécialement le projet Qui Profite de l’Occupation ?, ainsi que des publications de La Paix Maintenant. En plus, nous avons repéré beaucoup d’informations publiées par les colons eux mêmes – sites web et publicités de diverses sociétés, listes d’entreprises dont la publicité est faite par la direction des zones industrielles des colonies, et deux annuaires en ligne concernant spécifiquement les colonies – Dapei Katom (Les Pages Orange) et la Communauté d’Affaires de Samarie, Ariel, la Vallée du Jourdain, Binyamin. Nous nous sommes appuyés par ailleurs sur les annuaires de compagnies en ligne Dunsguide Dun et Bradstreet et sur le portail Takdin qui comprend une ample collection de décisions de justice dans des procédures civiles, dont celles où des sociétés des colonies sont impliquées. Plus d’une fois, nous avons trouvé dans ces deux ressources des détails que les sociétés elles mêmes choisissent de ne pas révéler sur leur site web et dans les informations qu’elles fournissent aux médias. Dans le but de publier ces informations dans un format systématique et facile à utiliser, nous avons utilisé le logiciel Wikipedia qui est librement disponible en ligne. »

« Pour l’information du ministre de la Justice Shaked, je souhaite souligner qu’il s’agissait d’un projet totalement volontaire de militants d’une ONG jouissant de moyens et de ressources limités et qui ne reçoit de subventions d’aucun gouvernement – ni du gouvernement d’Israël, ni d’aucun gouvernement étranger. » Et Keller de conclure : « Bien que nous ayons fait d’immenses efforts pour éviter les erreurs, on peut trouver que les informations que nous publions n’en sont pas dépourvues. Dans l’éventualité où on trouverait des erreurs, elles seraient là par inadvertance et sans malice. Quiconque souhaite corriger des fautes, ajouter des détails et/ou partager de nouvelles informations sera le bienvenu s’il nous contacte. Au cas où ces informations s’avéreraient exactes, nous nous imposerons d’ajouter toute information nouvelle et pertinente afin de permettre à tout utilisateur de prendre des décisions indépendantes et informées. »