En raison du BDS, les archéologues israéliens veulent garder secrets leurs travaux en Cisjordanie

Un tribunal israélien rejette une demande d’accès à l’information pour connaître les noms des archéologues qui creusent, sous licence des FDI (Forces de défense israéliennes), dans les territoires occupés, ainsi que les endroits où Israël entrepose les antiquités qu’ils découvrent. La raison : ainsi, ils ne se trouvent pas confrontés au boycott académique.

Le tribunal du district de Jérusalem a refusé lundi de dévoiler les noms des archéologues qui effectuent des fouilles sur les sites d’antiquités en Cisjordanie, comme cela est pratiqué par l’Autorité des antiquités d’Israël à l’intérieur de la Ligne verte. La raison : la peur des archéologues (et de l’État) des boycotts académiques, et des difficultés que cela poserait pour la poursuite des projets archéologiques (israéliens) dans les territoires occupés.

La décision a été rendue suite à une requête déposée par l’organisation des droits de l’homme Yesh Din et l’ONG d’archéologie Emek Shaveh, à l’encontre du gouvernement militaire israélien en Cisjordanie (l’Administration civile) et de l’officier d’état-major de son Département archéologie, lesquels sont responsables de l’octroi des licences pour les excavations archéologiques dans le territoire occupé. Les demandeurs voulaient obtenir des informations que l’armée refusait de fournir, en déposant une requête en accès à l’information, principalement pour connaître les noms des archéologues et les endroits où les autorités israéliennes entreposent les antiquités qu’ils découvrent en Cisjordanie.

L’idée première de la décision du juge du tribunal de district, Yigal Marzel, a été de traiter la question de la publication des noms des archéologues. Le juge Marzel reconnaît l’importance de la publication de leurs noms, comme c’est coutumier à l’intérieur d’Israël, en partie pour des raisons de transparence, mais aussi parce que les résultats des excavations sont couramment publiés sur le plan académique – ce qui nécessite la publication des noms.

Cependant, l’État a réussi à convaincre le juge Marzel que la publication des noms des archéologues, qui ont témoigné lors d’une audience ex parte (en l’absence d’une partie, en l’occurrence les demandeurs), constituerait une menace réelle de boycott académique en raison de leurs travaux dans les territoires occupés sous une licence délivrée par le régime militaire.

L’État a affirmé qu’il existait également un risque que les archéologues ne pourraient plus publier dans les revues universitaires internationales, et que les universitaires étrangers refuseraient de travailler avec eux dans de futures recherches, ou refuseraient de les inviter à des conférences, ce qui nuirait à leur carrière professionnelle.

Par conséquent, a statué le tribunal, le risque personnel pour les archéologues et pour l’avenir de leurs recherches suffit à justifier la non-publication de leurs noms. Certains des archéologues ont accepté que leur nom soit remis aux demandeurs, et il l’a été.

Le tribunal a également rejeté la requête des demandeurs d’avoir accès à l’information relative aux endroits où Israël entrepose les antiquités découvertes. L’État a soutenu sur ce point, également à huis clos et en l’absence des demandeurs, que la publication de cette information exposerait les antiquités au vol, et qu’elle nuirait aux négociations de paix avec les Palestiniens.

Le tribunal a, toutefois, accordé certaines des requêtes, marginales, concernant des détails sur les excavations qui étaient achevées. (L’intégralité de la décision du tribunal est disponible ici, en hébreu).

Réagissant à cette décision, Yesh Din a déclaré dans un communiqué :

« La crainte par les autorités israéliennes d’un boycott contre les archéologues en Cisjordanie et d’une nuisance des relations internationales (de l’État) (…) est un aveu que l’État sait qu’il n’a pas les mains propres et qu’il lui faut, par conséquent, dissimuler ses activités archéologiques en Cisjordanie. Il est fâcheux que le tribunal ait fait le choix de venir en aide à une politique d’occultation et d’obscurité, qui dénie à l’opinion son droit de savoir et sa capacité à surveiller et critiquer. »

Emek Shaveh a également réagi :

« Plus que tout, la décision du tribunal montre que l’archéologie en Cisjordanie est traitée comme une activité militaire et non comme une recherche académique. Le fondement de la recherche est de révéler les noms des chercheurs et de publier leurs résultats. S’il est permis de dissimuler les noms des archéologues en Cisjordanie et que l’opinion n’ait aucun moyen de savoir où se trouvent les résultats archéologiques, il faut en conclure que l’archéologie en Cisjordanie est fondamentalement politique. »

Cet article a d’abord été publié en hébreu dans Local Call. (Lire ici)