Effacer les réfugiés palestiniens : Trump, l’UNRW et la Nakba 72 ans après

Chaque année, l’anniversaire de la Nakba rouvre une blessure pour les Palestiniens du monde entier.

Il y a 72 ans, en mai 1948, plus de 750 000 Palestinians furent chassés ou contraints à fuir de leurs maisons quand Israël fut établi.

Aujourd’hui, il y a actuellement plus de 5,6 millions de réfugiés palestiniens, ceux nés en Palestine et leurs descendants. La majorité d’entre eux vit dans des conditions difficiles dans des camps surpeuplés organisés par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA, United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East), l’agence responsable des réfugiés palestiniens.

En sept décennies, la situation des réfugiés palestiniens et celle l’UNRWA sont devenues inséparables. Avec la pandémie de Covid-19, la récession économique mondiale et la mauvaise position financière de l’UNRWA, l’agence et les réfugiés palestiniens qu’elle aide sont confrontés à une autre catastrophe.

Le 1er mai 1950, l’UNRWA a commencé à fournir des services de santé et d’éducation, et des secours, aux réfugiés palestiniens au Liban, en Jordanie, en Syrie, à Gaza et en Cisjordanie. En décembre dernier, le mandat de l’UNRWA a été étendu jusqu’en 2023 malgré les objections de Washington. Cependant, sa position n’a jamais été aussi faible.

L’UNRWA est confronté à un budget en baisse depuis des années et cette situation a été exacerbée par la décision du gouvernement de Trump de mettre fin à la subvention que les Etats-Unis donnaient à l’agence. Depuis que l’agence a été créée, les Etats-Unis ont été son donateur le plus important et ont fourni 6,15 milliards de dollars sur 67 ans. En 2018, Washington donnait 360 millions de dollars par an à l’UNRWA. Après les coupes budgétaires, l’UNRWA a été confronté à un déficit historique qui a affaibli sévèrement ses services et ses programmes.

L’antagonisme de Washington vis-à-vis de l’UNRWA et des réfugiés palestiniens n’a pas commencé avec le gouvernement de Trump. De fait, il fait partie de l’alignement plus général entre les Etats-Unis et Israël, qui cherche depuis la Nakba à dénier aux Palestiniens leurs droits. Pourtant les réfugiés sont la clé de toute solution au conflit entre Israël et les Palestiniens.

Fin 1948, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Résolution No. 194, qui stipulait que tout réfugié souhaitant retourner dans son foyer devrait être autorisé à le faire et recevoir une compensation pour quelque perte que ce soit. Mais Israël a activement oeuvré pour empêcher le retour des réfugiés palestiniens de plusieurs façons.

Depuis 1950, le droit israélien a empêché le retour des réfugiés palestiniens. Cela a été couplé avec de l’intransigeance dans les négociations sur la question des réfugiés. Israël a aussi sapé l’UNRWA et cherché à éliminer l’agence de manière à effacer les réfugiés.

Il y a sept ans, l’American Israel Public Affairs Committee (Comité des Affaires publiques américano-israélien, AIPAC), l’influente organisation de lobbying pro-Israël aux Etats Unis a tenté d’œuvrer avec des alliés au Congrès américain pour contraindre l’UNRWA à redéfinir la notion de « réfugié ».

Comme d’autres agences des Nations Unies, l’UNRWA définit les réfugiés comme les individus qui ont été déplacés en 1948 ainsi que leurs descendants. L’objectif de l’AIPAC était de réduire dramatiquement le nombre des réfugiés palestiniens aidés par l’agence. Bien que la tentative ait échoué, Israël et ses supporters aux Etats-Unis n’ont pas abandonné leur ciblage de l’UNRWA ou des réfugiés palestiniens.

En mai dernier, Jason Greenblatt, alors délégué de la Maison blanche pour la paix au Moyen-Orient, a critiqué l’UNRWA. Sans reconnaître l’impact des coupes des subventions de Washington, il a affirmé que « le modèle de l’UNRWA a fait son temps. Il est en mode de crise permanent — un modèle de financement irrémédiablement défectueux. Actuellement poursuivant sur sa lancée. Qu’est-ce qui va arriver quand le compte en banque de l’UNRWA sera à nouveau vide ? L’UNRWA est un sparadrap. » Les affirmations de Greenblatt indiquaient les plans du gouvernement de Trump pour dénier encore davantage les droits palestiniens.

La « Vision pour la paix » de Trump, rendue publique plus tôt cette année, démantèle le statut juridique des réfugiés palestiniens. Elle met fin à toute réclamation relative au retour des réfugiés palestiniens dans leurs maisons, ainsi qu’aux obligations d’Israël selon le droit international de faciliter leur retour et leur intégration.

Profitant d’accords précédents entre les Etats-Unis et Israël, le plan de Trump affirme que les réfugiés seront absorbés par l’état palestinien. La vaste majorité sera intégrée dans les pays hôtes actuels. De plus, 50000 réfugiés seront résinstallés dans les pays appartenant à l’Organisation de coopération islamique (OIC) sur une période de 10 ans.

Le plan de Trump blamait les états arabes et l’UNRWA pour avoir perpétué la question des réfugiés. « Le mandat de l’ UNRWA et sa définition multi-générationnelle de qui constitue un réfugié ont exacerbé la crise des réfugiés », affirmait le plan. Bien qu’il esquisse un fonds de compensation pour les réfugiés, le plan avertissait que les propositions précédentes qui « promettent dix milliards de dollars en compensation pour les réfugiés n’ont jamais été réalistes et une source de financement crédible n’a jamais été identifiée ».

A la place, il promettait de « s’efforcer de lever des fonds pour fournir une certaine compensation aux réfugiés palestiniens ». Le fonds fiduciaire serait administré conjointement par l’état de Palestine et les Etats-Unis.

Alors que le plan affirme que l’objectif final est de remplacer le statut de réfugié et les camps ainsi que l’UNRWA par de la citoyenneté, des unités de logement et un gouvernement effectif, cela est miné par l’hostilité du gouvernement de Trump envers les Palestiniens. Au lieu de ce qui est annoncé, effacer les réfugiés semble être l’objectif ultime.

Bien qu’ils aient rejeté le plan de Trump, les négociateurs palestiniens ont facilité l’abandon des droits des réfugiés. Les « Papiers Palestine » ont révélé que les responsables palestiniens et l’équipe de négociation se sont résolus à un retour purement symbolique des réfugiés dans leurs propositions. Lors d’une réunion du 21 octobre 2009 avec le délégué spécial américain d’alors, George Mitchell, le chef négociateur palestinien Saeb Erakat a déclaré : « Les Palestiniens auront besoin de savoir que cinq millions de réfugiés ne reviendront pas ». Cela était aussi reflété dans des déclarations publiques faites par le président palestinien Mahmoud Abbas. Pourtant même un nombre purement symbolique est trop élevé pour Israël et les Etats-Unis.

Soixante-douze ans après la Nakba, Israël et les Etats-Unis continuent de dénier le droit des Palestiniens à retourner dans leurs maisons. Ils se coordonnent pour garantir que l’UNRWA soit incapable de fournir les aides et les programmes nécessaires pour assurer leurs moyens d’existence et leur subsistance.

De plus, comme en témoignent le plan de Trump et les plans du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d’annexer des parties de la Cisjordanie occupée, ils n’ont aucune intention de permettre la création d’un état palestinien souverain et indépendant.

Malgré les concessions faites par les dirigeants palestiniens, il ne sera pas possible d’atteindre une solution juste à la question des réfugiés palestiniens avant qu’Israël et les Etats-Unis ne respectent leur droit au retour. De plus, l’UNRWA doit avoir les fonds appropriés pour remplir son mandat, particulièrement au milieu d’une pandémie mondiale.

Finalement, les pays hébergeant des réfugiés palestiniens, particulièrement le Liban, où ils souffrent de discrimination et de violations de leurs droits fondamentaux, doivent abroger leurs lois discriminatoires. Sinon, les plaies de la Nakba ne se refermeront pas.